Divers "transcatégoriques"

La Tartine du Dimanche matin #16 : Les livres, des scénarios tout faits ?

cine-adaptation

Vous connaissez bien sûr le point commun entre Forrest Gump, La Ligne Verte, Le Seigneur des Anneaux, The Avengers, Harry Potter, Twilight, Hunger Games, La Vie d’Adèle, Orange Mécanique, Jurassic Park, La Liste de Schindler, Fight Club, Sin City et Slumdog Millionnaire ? Tous sont des énormes succès au cinéma et tous fondent leur scénario sur un roman ou une bande dessinée !

L’idée de cette Tartine m’est apparue avec le programme des Faut-il aller voir… ? du 8 avril prochain : pas moins de trois films notables à annoncer pour le lendemain ! Noé et Divergente sont rejoints par Les Yeux jaunes des crocodiles : que des adaptations éponymes !

Comme nous le serinons chaque jour dans notre section Du livre à l’écran, les livres sous toutes leurs formes sont donc fondamentaux à l’industrie du cinéma. Et quand on voit que deux des principaux films français de 2013 auront été Les Profs et Boule et Bill, au grand dam du matériau original, on a fini d’être convaincu.

Certes, tout le monde ne peut pas avoir le pouvoir créateur des Wachowski au point d’inventer une franchise potentielle à chaque film : Matrix, Jupiter Ascending pour ne citer qu’eux (même s’ils ont cédé à la tentation d’adapter Cloud Atlas, merci Kenehan). Toutefois, et comme le fait remarquer le site ActuaLitté, cela ne date pas des années 2000 :

Et l’histoire ne date pas d’hier. Dès les prémices du cinéma, les films adaptés de romans déjà écrits avaient toute leur place. Pour en avoir la confirmation, il suffit de s’intéresser à La Mecque du cinéma : les Oscars. En effet, dès leur première édition, en 1929, la catégorie Meilleur Scénario Adapté existait déjà. Ce fut Benjamin Glazer, pour l’histoire du film L’Heure Suprême, qui remporta la première statuette de la catégorie pour son adaptation d’une pièce de théâtre d’Austin Stong. Dès l’année suivante, en 1930, c’est le film Le Patriote, adapté du récit Paul I de Dimitri Merejkovski, qui fut le premier film tiré d’un roman à être récompensé.

La liste des vainqueurs dans cette prestigieuse catégorie est impressionnante, et il serait bien fastidieux de la restituer entièrement ici. On en retiendra les plus marquants tels que Autant En Emporte le Vent (1940), Le Pont de la Rivière Kwaï (1958), Le Docteur Jivago (1966), Le Parrain (1973), Midnight Express (1979), Danse Avec les Loups (1991), Le Silence des Agneaux (1992), Le Pianiste (2003), Le Secret de Brokeback Mountain (2006), ou encore Argo (2013), également élu meilleur film.

Et pour se rendre encore mieux compte de l’importance de ces films adaptés par rapport aux films complètement inédits, il suffit de comparer la liste des nominés dans les catégories Meilleur Scénario Adapté et Meilleur Scénario Original pour ces Oscars 2014. Before Midnight, Captain Philips, Philomena, Le Loup de Wall Street et 12 Years A Slave du côté des adaptations. American Hustle, Blue Jasmine, Dallas Buyers Club, Her et Nebraska de l’autre. Inutile d’en dire plus, vous devinez aisément quels sont les films qui ont eu le plus de succès cette année, aussi bien public que critique. Merci les livres.

Alors, bien sûr, c’est toujours intéressant de voir à l’écran les personnages qui nous ont fait vibré sur papier, mais que les scénaristes aient les c***lles d’adapter vraiment ces héros et non pas d’en faire un vague copié-collé trop fade. Les visions d’auteurs sont les bienvenues !

Notez que nous faisons une petite pause dans les Tartines, en raison d’un premier essai de Guide, en rapport avec les salons littéraires ce coup-ci, et du Salon du Livre de Paris 2014.

 

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La Tartine, une volée de mots émiettée au débotté, un billet à croquer le dimanche matin entre le petit déj’ et l’apéro. Car le monde des livres est un éternel recommencement, mais demande de l’originalité.

Autres numéros :
#1 : La Faucheuse guette nos chers auteurs de l’Imaginaire
#2 : La rentrée littéraire, la rentrée des tirelires
#3 : L’enfant qui préférait lire plutôt qu’aller mendier
#4 : Maman, raconte-moi une histoire !
#5 : Les trilogies, nos ennemies ?
#6 : Fantasy, mon amie
#7 : Transcrire à l’écran les chansons des œuvres de fantasy
#8 : Du bon goût dans les œuvres de l’imaginaire
#9 : De la nudité et de la sexualité dans les œuvres de fiction
#10 : L’imaginaire, ça sert d’abord à dominer le monde
#11 : Pour Noël, offrez des livres
#12 : Pitié, pas trop de commémorations littéraires !
#13 : Ces livres qui donnent des films en plusieurs parties
#14 : Nous prendrait-on pour des jambons de consommation ?
#15 : Offrir des livres à la Saint-Valentin

Kaamelotien de souche et apprenti médiéviste, tentant de naviguer entre bandes dessinées, essais historiques, littératures de l’imaginaire et quelques incursions vers de la littérature plus contemporaine. Membre fondateur du Bibliocosme.

Aucun commentaire

  • Kenehan

    Même les Wachowski ont succombé à la tentation d’adapter un roman avec justement « Cloud Atlas » 😉
    C’est vrai que c’est désespérant de voir cette profusion d’adaptations littéraires, que ce soit à la télé ou au cinéma. Et quand, en plus, ils s’attaquent aux jeux vidéos (Tomb Raider, Prince of Persia, Resident Evil, Assassin’s Creed, etc.), ou pire, aux jouets (Lego, G.I. Joe) y’a de quoi être inquiet pour le cinéma.
    Mais c’est rassurant de voir que la littérature conserve son pouvoir au point d’envahir encore et toujours d’autres médias ( quoi qu’on aurait pu se passer de « 50 Shades of Grey » mais c’est que mon avis^^).
    Et puis ça incite beaucoup de gens à lire aussi. Non ?

    • Dionysos

      C’est vrai qu’il faut saluer le retour donnant-donnant, en espérant qu’il existe bien des nouveaux lecteurs après avoir découvert certaines de ces adaptations.
      Honte à moi en revanche de ne pas m’être souvenu que Cloud Atlas est une adaptation !

  • Kenehan

    C’est vrai qu’il faut que le film ait un certain impact pour amener un potentiel lecteur à s’intéresser au livre d’origine. Ça a l’air d’être une chose sur laquelle les éditeurs semblent parier au vu du nombre de livres étant réédités avec l’affiche du film en couverture.
    Mais ça s’explique peut-être aussi parce qu’il y a des lecteurs (dont je fais partie) qui aiment bien lire le livre avant d’aller voir l’adaptation. Et dans ce cas-là, la simple annonce du projet cinématographique peut suffire à faire découvrir un roman ou une BD si tant est que le synopsis ou le résumé intéresse.
    En même temps, le roman Cloud Atlas je suis pas près de l’oublier ! J’ai tellement eu du mal à le terminer qu’au final j’ai vu le film au moins un an après sa sortie (et pourtant je m’étais procuré le livre en prévision de la sortie ciné…). Pour le coup, j’aurais dû me contenter du film. 🙂

    • Dionysos

      Ah oui, c’est vrai : c’est donc que les lecteurs tiennent encore à ce lien « livre, puis film », mais évidemment, cela concerne principalement, voire uniquement, ceux qui sont déjà lecteurs.
      Et finalement, si quantité de scénarios sont des adaptations de romans, est-ce par souci de viser un public déjà acquis à la cause du film ou bien de profiter d’une trame déjà créée ? J’imagine que c’est un peu des deux, mais j’ai peur que l’attrait pour des niches de spectateurs acquis d’avance prenne le pas sur le reste…

  • Kenehan

    Probablement oui, sauf peut-être pour les sagas. Ça s’est vu avec Twilight ou Game of Thrones. Le fait qu’il y ait une attente avant la sortie de la suite peut pousser un spectateur à se précipiter sur les livres. Et puis y’a les films qui sont des flops mais dont la suite existe en livre pour ceux qui ont aimé.
    Y’a les deux oui. S’assurer un public et donc un certains nombre d’entrées c’est une pratique flagrante avec les jeunes. Il n’y a qu’à voir la mode vampirique, la mode des dystopies, etc. C’est pareil avec la mode du mommy porn. Mais est-ce que parfois, y’a pas juste le désir d’un réalisateur d’utiliser son pouvoir pour donner vie à quelque chose qu’il a adoré lire ? Une façon de prêter et partager son livre, sa lecture.
    Reste qu’on a pas le temps de lire et de connaître l’existence de tous les livres non plus. C’est triste à dire mais le cinéma permet de palier un peu à ça aussi. Après, ça vaut ce que ça vaut. Je me dit qu’il faut juste garder à l’esprit qu’un livre, on a tous le même entre les mains mais qu’on en fait pas tous la même lecture (ne serait-ce que parce qu’on va s’identifier plus à un personnage qu’à un autre, ou que des éléments ou évènements feront écho ou non à notre propre vécu singulier). Et ceux qui s’occupent de l’adaptation sont des lecteurs comme les autres. Du coup, on passe par le prisme de leur vision, de leur imagination, de leur propre créativité et de leur lecture d’un livre.

    • Dionysos

      Justement, ce processus me plaît déjà beaucoup plus. Une vision d’auteur ne m’embête pas du tout, du moment qu’elle est affirmée et assumée. Au contraire, j’aimerais beaucoup voir les réalisateurs de ces adaptations moins se fondre dans le moule commercial et davantage s’approprier les personnages originaux pour en faire quelque chose véritablement à leur sauce. À tous les coups, cela attirerait les foudres de certains se considérant comme « puristes », mais cela mériterait vraiment le titre d’ « adaptation ».

  • Kenehan

    Tout à fait, pour parler d' »adaptation » ce prisme est nécessaire. Mais admettons qu’ils aient à chaque fois une vision, ont-ils vraiment les moyens d’aller au bout ? Est-ce qu’aussi le public ne cherche pas tout simplement à « lire » ou « relire » un livre au cinéma plutôt que de vivre une nouvelle expérience dans un univers ou avec des personnages ? D’où peut-être le manque d’audace et la préférence pour des copier-coller plats qui finissent par détériorer ce prisme.

    • Dionysos

      Et oui, le « grand public », cette masse informe de gens qu’on ne veut pas désigner, est complètement bête. Mais comment le raisonner ? Quand la majorité d’entre eux trouve un scénario magnifique à Transformers 3, juste parce qu’il y a des choses qui vont vite devant ses yeux, cela me semble mal parti.

  • Escrocgriffe

    Très très bel article… qui prend d’autant plus de sens quand on voit des « scénarios originaux » de films calamiteux… (cela dit, l’adaptation peut être calamiteuse aussi !).

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