La Tartine du Dimanche matin #10 : L’imaginaire, ça sert d’abord à dominer le monde
Comme annoncé ces dernières Tartines et en paraphrasant le célèbre La géographie, ça sert, d’abord, à faire la guerre d’Yves Lacoste, intéressons-nous à l’imaginaire en tant que façon de dominer le monde, ou au moins de dominer notre propre petit monde personnel.
Car, au fond, que sont les littératures de l’imaginaire ? Beaucoup trop de lecteurs voient dans ces littératures de genre (science-fiction, fantastique, fantasy, horreur, super-héros) des ouvrages sans grand intérêt puisque sans rapport avec notre monde actuel. Or, c’est bien là que le bât blesse, puisque c’est justement l’inverse qui devrait être relevé ! Que ce soit à grands coups de technologies futuristes, de créatures fantastiques ou d’uchronies ravageuses, les mondes créés dans les littératures de l’imaginaire ne le sont qu’à partir d’une matière première qui n’est autre que nos bonnes vieilles sociétés contemporaines.
Je me permets, à ce propos, de m’appuyer largement sur un extrait de l’avant-propos de l’édition originale de Quinzinzinzili datant de 1935 :
« Ces mondes, ils existent. Mais, cette fois, ils existent que pour les voyageurs en chambre. Ce sont les mondes hors du monde, à côté du monde, au-delà du monde, inventés, devinés ou entrevus par des hommes à la riche imagination, des poètes. Il faut, pour les visiter, entreprendre les voyages imaginaires, les voyages impossibles.
Mais qui donc sait qu’une littérature existe, insoupçonnée, consacrée à décrire ces mondes, ces hypermondes ? On ne s’en soucie guère, ordinairement. Le public vit sur l’idée que ces sujets, exclusivement destinés à la jeunesse, sont abandonnés à des auteurs de second ou même de quatorzième ordre, qui peuvent se permettre toutes les faiblesses, ayant affaire à des lecteurs peu exigeants. Jules Verne, et des douzaines de sous-Jules Verne… Un récit pédestre, agrémenté de plaisanteries d’almanach ; des explications prosaïques et sans intérêt, des pages entières qui semblent avoir été copiées dans quelque manuel, qui peut-être le furent…
Sans doute, il existe des œuvres de ce genre. Il en existe même beaucoup.
Mais il en existe d’autres. S’il y a Jules Verne, il y a aussi Wells et Poe. Et des auteurs que Wells et Poe ont utilisés, et qu’ils nous masquent, pour ainsi dire. Il y a les étrangers que l’on n’a jamais songé à traduire, et les Français que l’on ne songe pas à lire. Et ceux-là, pourtant, ils ont souvent réussi le tour de force de plonger « au fond de l’inconnu pour trouver du nouveau » ! »
Cette dernière allusion à Charles Baudelaire ne doit pas nous faire dévier de notre propos initial : s’il y a du nouveau à trouver dans ces mondes imaginaires, c’est bien pour réfléchir à nos problématiques contemporaines, voire quotidiennes, dans des contextes épurés de certaines (voire toutes) contraintes de notre époque. Ainsi, créer un monde imaginaire dans une œuvre de SFFF permet de remodeler à volonté l’environnement de nos personnages préférés. Et c’est ainsi que foisonnent les cartes imaginaires (Le Trône de fer en tête, évidemment, mais c’est une norme depuis, au moins, Le Seigneur des Anneaux de J. R. R. Tolkien) dans n’importe quel roman du genre (surtout en fantasy). D’ailleurs, en élargissant, même dans des livres récents pour enfants, nous pouvons déceler cette tentation, puisque le petit Geronimo Stilton se permet de redéfinir la géopolitique actuelle du Proche-Orient !
Mais bon, je divague, je divague, mais l’important demeure : ce n’est pas parce que les mondes imaginaires des littératures de genre sont créés de manière souvent fantasque qu’ils ne renvoient pas à des considérations hautement importantes pour nous, bien au contraire ! Et, qui sait, s’inventer sa propre histoire de science-fiction ou de fantasy, ne serait-ci pas déjà tenter de trouver une solution à nos problèmes du quotidien ? Le débat est en marche.
Alors hummm… domination, domination : oui, je l’avoue, j’ai en partie fait cette Tartine pour pouvoir placer la vidéo suivante… niark, niark, niark ! Mais il n’empêche, de grâce, voyons les littératures de l’imaginaire pour ce qu’elles sont : une redéfinition astucieuse de notre propre monde pour pouvoir en repenser les limites. Ambition : domination !!!
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La Tartine, une volée de mots émiettée au débotté, un billet à croquer le dimanche matin entre le petit déj’ et l’apéro. Car le monde des livres est toujours un monde à conquérir.
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belette2911
Minus et Cortex…. ma jeunesse qui est loin !! J’aime bien cette tartine, ça donne du grain à moudre pour les cons qui pensent que je ne lis que des livres nuls et bêtes, avec mes créatures fantastiques ou mes crimes à la noix ! Na !
Dans le magicien d’Oz, le magicien leur faisait croire qu’il était grand et puissant, par l’imaginaire, il les tenait en son pouvoir, en fait, il était touti rikiki !! 😀 Il voulait dominer le monde…
Dionysos
Ah oui, très bon exemple, j’y pensais même pas !
belette2911
J’y ai pensé parce que j’en avais discuté avec un ami qui avait analysé le film et me l’avait expliqué. Il avait pris le film en exemple pour le comparer à certains politiciens…
Dionysos
Pas bête en effet. 🙂
belette2911
Il a toujours des trucs de malade pour m’expliquer des tas de choses, des références à des films, la mythologie, la religion, une vraie encyclo et le pire, c’est que mon disque dur mental n’enregistre pas tout… 🙁
Dionysos
T’en a pas des externes ? Il faut toujours en avoir avec soi, au cas où. ^^
belette2911
Mon cerveau est trop vieux, plus rien ne peu se brancher dessus… 🙁
Dionysos
Retourne à la disquette, c’est peut-être compatible. 😛
belette2911
Et je me l’insère où, la disquette ??
….
….
….
Non, ne dis rien, je t’en prie, je sors de suite ! 😀
Dionysos
Ok.
(mais sinon il faut trouver le périphérique adéquat et faire « Enter » :-P)
belette2911
Je cherche toujours… une secrétaire ! je vais engager une secrétaire pour prendre des notes !!
Dionysos
AH ! Toujours utile une secrétaire en effet. 😉
belette2911
Je me disais… mais faut les payer, paraît-y… pfff
Dionysos
Certaines ne sont pas fute-fute, peut-être qu’elles ne le savent pas…
belette2911
Une blonde, je dois engager une blonde… non, j’économiserai un salaire mais elle me plantera tout le système, mettra du t-pex sur l’écran, du fromage devant la souris, des timbres sur les fax et le joystick se retrouvera sur le siège… 😀
Dionysos
Charmant ! Surtout la fin. ^^
belette2911
En effet… 🙄 Ah, les blondes, tout un programme ! 😉
Dionysos
J’ose pas demander ta couleur de cheveux. 😛
belette2911
Noirs, pourquoi ? 😀
Dionysos
Ouf pour toi ^^
belette2911
Hé, tu ne pensais tout de même pas que j’étais blonde ??? 😀
Dionysos
Je demandais à tout hasard, au cas où^^
belette2911
Mouais… on dit ça ! ^^
Theodora verbunt
Je ne peux qu’apprécier cette tartine à sa très juste valeur 🙂
bien que je n’ai jamais connu Minus et Cortex 🙁
Dionysos
Un dessin animé pas piqué des hannetons, plutôt barré ^^
zeb
Tout d’accord! La littérature de l’imaginaire est trop souvent considérée comme un mauvais genre, alors qu’elle a aussi des choses à dire ( quand ce n’est pas une simple application de recette à best seller ce qui est trop souvent le cas. Mais comme partout, au final). Je ne connais pas Géronimo Stilton, mais l’anecdote est croustillante. Merci pour le lien.
Dionysos
La difficile reconnaissance des « mauvais genres » face aux « littératures blanches/générales » qui peinent bien souvent à faire plus de cent pages ou à raconter de vraies histoires (sachant qu’il y a souvent plus de sens réaliste dans une belle histoire de fantasy que dans un récit sur notre société actuelle, c’est dire…).
Quant à Géronimo Stilton, c’est une petite souris enquêtrice dans des albums pour enfants, mais j’aimais bien l’impact que ça peut avoir.^^