Science-Fiction

A voté (nouvelle)

A voté

Titre : A voté (Franchise)
Auteur : Isaac Asimov
Éditeur : Le Passager clandestin (Dyschroniques) [site officiel]
Date de publication : novembre 2016 (1955 en VO)

Synopsis :
En 1955, Isaac Asimov imagine le nec plus ultra de la démocratie sondagière.
En 2008, les États-Unis s’apprêtent à voter pour leur prochain président. Dans l’État de l’Indiana, dans le comté de Monroe, dans la petite ville de Bloomington, la rumeur enfle et semble se confirmer peu à peu… Et si c’était ici qu’allait se décider le résultat du scrutin ? Depuis que le pays s’est converti à la « démocratie électronique », le puissant ordinateur Multivac sélectionne LE citoyen qui décidera du nom du prochain leader du monde libre. L’omnisciente machine est en effet capable d’analyser ses réponses à un questionnaire qu’elle a elle-même savamment établi, les recoupant avec les tendances observées dans le reste de la société, pour déterminer le résultat de l’élection… qui, désormais, n’a plus de raison d’être.
À l’heure où les systèmes démocratiques de la planète vacillent sur leur base, il peut être intéressant de se rappeler le point de vue d’Isaac Asimov sur les dérives d’une société politique ivre de technologie, d’efficacité et de rendement.

Je veux être libre de voter si ça me fait plaisir, ou de ne pas voter si je n’en ai pas envie.

Les éditions du Passager clandestin ravivent, avec leur collection Dyschroniques, des nouvelles de science-fiction d’auteurs devenus classiques pour éclairer les enjeux politiques d’aujourd’hui. Il en est ainsi de la nouvelle « A voté » (« Franchise » en anglais) d’Isaac Asimov, qui date de 1955.

Plongée en post-démocratie

Fin du XXe siècle, les États-Unis d’Amérique ont cessé cet archaïsme que sont les élections où tout citoyen a la possibilité de glisser un bulletin dans l’urne, c’est désormais le superordinateur Multivac qui est chargé de désigner celui ou celle qui représentera l’électorat tout entier à la prochaine présidentielle. Dans la famille de Norman Muller, on s’inquiète : lui n’est pas très concerné, mais sa fille Linda veut en savoir toujours plus sur ce que sont ces élections, sa femme Linda s’inquiète de leur situation économique et son beau-père Matthew se la joue philosophe mais a bien du mal à apprécier ce nouveau système électoral. Au milieu de tous ces avis divergents, Norman est bien démuni pour réagir convenablement quand l’impensable arrive : des agents semblant tout droit sortis du FBI rôdent dans sa ville laissant penser que l’unique électeur choisi par Multivac pourrait être un concitoyen tout proche de chez lui.

Concept simple, intrigue simple

Ce qu’il y a de bon dans une nouvelle de science-fiction, c’est que c’est toujours l’occasion de saisir un postulat scientifique et de le pousser le plus loin possible en quelques pages. C’est d’autant plus le cas avec des auteurs devenus classiques comme Isaac Asimov, car au moment d’écrire telle ou telle idée, elle semble neuve. Dans cette anticipation politique, là où Isaac Asimov est intéressant, c’est qu’il ne choisit pas de laisser reposer tout le vote sur un superordinateur, mais il utilise celui-ci pour faire reposer le vote sur une seule personne ; l’aspect humain reste prépondérant. Mais en cela, il renforce la personnification que nous connaissons déjà par les campagnes électorales centrées sur les querelles d’ego. Les idées passent à la trappe, car ce n’est plus ce qui est mis en avant ou vanté par ceux qui mettent en forme l’information : ici, Multivac pose des questions sur tout, mais cela ne se traduit jamais par une pensée politique éventuellement opposable à une autre. D’ailleurs, Isaac Asimov en profite pour faire quelques simplifications dans le système électoral : on sent bien qu’il parle des élections américaines du XXe siècle (le traditionnel mois de novembre), mais plusieurs détails font tiquer comme celui de considérer que « Quand les élections étaient terminées, on comptait le nombre de gens qui voulaient le démocrate et le nombre de gens qui voulaient le républicain. Celui des deux qui avait le plus de voix était élu. », affirmation fausse du fait du système des « grands électeurs » aux États-Unis (preuve en fut l’élection de Donald Trump en 2016), mais peut-être est-ce délibéré de mettre cette affirmation dans la bouche d’un des personnages. C’est d’ailleurs savoureux quand on découvre l’année choisie par l’auteur pour placer son intrigue. Mais, somme toute, c’est sûrement là le but d’Isaac Asimov : mettre en place un concept simple par une intrigue simple afin de montrer que la simplicité ne résout rien ; au contraire, ici, elle obscurcit tout.

A voté est un texte intéressant où Isaac Asimov se révèle assez pragmatique, plus proche du cycle des Robots que du cycle de Fondation, sûrement, tout en assurant un minimum de réflexion sur ce qu’est une démocratie : à partir du moment où les intermédiaires se multiplient, le pouvoir est-il toujours entre les mains des citoyens ?

Autres critiques :
Alice (Ça sent le book)
Allan Dujipérou (Fantastinet)

The Maki Project

Cette critique est la 15e de ma participation au Projet Maki 2020.

Kaamelotien de souche et apprenti médiéviste, tentant de naviguer entre bandes dessinées, essais historiques, littératures de l’imaginaire et quelques incursions vers de la littérature plus contemporaine. Membre fondateur du Bibliocosme.

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