La Guerre des trois rois
Titre : La Guerre des trois rois
Auteur : Jean-Laurent Del Socorro
Illustrateur : Marc Simonetti
Éditeur : ActuSF (ActuSF Graphic) [site officiel]
Date de publication : 29 mai 2020
Synopsis : Royaume de France, XVIe siècle. Les guerres de Religion font rage entre le roi Henri III de France, le duc de Guise et Henri de Navarre le protestant. Le roi de France se réfugie dans Paris, protégé par la Compagnie du chariot, une bande de lansquenets avec à leur tête Axelle, leur nouvelle capitaine. Le roi décide en dernier recours de faire appel au pouvoir alchimique de l’Artbon pour maintenir son pouvoir. Mais peut-on user impunément de la magie de la Pierre d’équilibre ?
La roue tourne et le Chariot avec elle.
À l’occasion d’un nouveau financement participatif via Ulule, les éditions ActuSF ont lancé une nouvelle collection intitulée ActuSF Graphic, qui a pour but de publier des textes courts mais surtout largement illustrés. Le premier opus est La Guerre des trois rois, l’œuvre conjointe de Jean-Laurent Del Socorro et de Marc Simonetti.
Retour dans un Royaume de Vent et de Colères
Avec La Guerre des trois rois, Jean-Laurent Del Socorro revient dans le monde qu’il avait abordé avec son premier roman, Royaume de Vent et de Colères. Nous sommes quelques années avant l’épisode marseillais et il s’agit ici de la fameuse confrontation de quelques mois (« La Guerre des Trois Henri »), au sein des guerres de religion françaises, entre le roi de France Henri III (catholique modéré), le duc Henri de Guise (catholique ligueur) et le prince Henri de Navarre (protestant). En 1588 et 1589, la situation se tend et montre que ces guerres de religion en France sont d’abord et avant tout des querelles de personnes au plus haut sommet de l’État (cela n’empêche pas parfois l’honnête foi des uns et des autres). Dans ce contexte, nous suivons au plus près des échauffourées la compagnie du Chariot dont le prévôt écrit le journal et nous tient au courant, en tant que narrateur, de ce que fait ce groupe de mercenaires dans la guerre des trois rois. De Toulouse à Paris, de Saint-Cloud à Rouen, N’a-qu’un-œil, puisque c’est le surnom du prévôt, est sous les ordres de la capitaine Axelle et doit faire respecter les règles de la compagnie auprès des autres comparses routiers.
Choix historiques
Jean-Laurent Del Socorro a opté pour une narration à hauteur humaine : nous sommes dans les combats, nous suivons des mercenaires qui obéissent, sont réactifs voire même assez distingués (au vu de leur vocabulaire pas trop « péquenaud ») mais ne savent vraiment pas tout ce qui passe autour d’eux. Les aspects fantasy peuvent se concentrer sur l’Artbon, magie arcanique qui semble avoir des méfaits de type « nucléaire », mais on peut voir également une uchronie dans le fait de trouver des femmes capitaines ou militaires haut gradées, ainsi que davantage de personnes à la peau noire (une Mauresque par exemple) à des postes à responsabilité que dans notre ligne temporelle. C’est un prisme assez habituel de la part de Jean-Laurent Del Socorro déjà dans ses précédents romans, notamment sur la place et la reconnaissance vis-à-vis des rôles féminins. L’important est de ne pas montrer cela comme si c’était quelque chose d’exceptionnel. Enfin, le choix est également fait de se focaliser uniquement sur deux des trois Henri, peut-être les conséquences des actes contés dans cette nouvelle seront traités dans un autre texte (patience, un roman centré sur le personnage de Silas est en préparation !).
Alchimie à trouver entre texte et dessin
L’autre intérêt de ce livre est qu’il est illustré par Marc Simonetti. Si la couverture guerrière colle parfaitement aux illustrations habituelles de cet artiste mondialement connu, les lecteurs auraient pu s’attendre à tiquer davantage sur des plans plus resserrés, notamment les visages. Et il n’en est rien ! Marc Simonetti alterne des petits dessins, de simples ébauches (en tout cas, elles sont travaillées pour donner cette impression) et des planches plus impressionnantes, en particulier les trois en couleurs et un portrait très parlant de Henri de Navarre. Là où la collection ActuSF Graphic est bien lancée, c’est que l’insertion de dessins dans le texte se fait plus naturellement grâce à une petite astuce narrative de Jean-Laurent Del Socorro : Tremble-voix, le porte-drapeau de la compagnie du Chariot, accessoirement bègue, est passionné par le dessin et emprunte régulièrement le journal du prévôt pour y apposer des dessins des lieux et des personnages rencontrés. C’est astucieux, ça ne mange pas de pain et ça rend l’ensemble très fluide. L’alchimie entre texte et dessin augmente la durée de lecture et correspond parfaitement au principe promu par cette collection.
Avec La Guerre des trois rois, l’histoire est rapide, mais l’objet est travaillé : même si on désirerait un texte encore plus long pour développer les enjeux proposés dans cette Guerre des Trois Henri, le contenu illustratif complète agréablement et astucieusement la narration et participe à créer un objet-livre tout à fait intéressant et, disons-le, beau !
Voir aussi :
Royaume de Vent et de Colères
Autres critiques :
Célindanaé (Au pays des Cave Trolls)
Lune (Un Papillon dans la Lune)
Strega (Les Carnets d’une Livropathe)
Cette critique est la 24e de ma participation au Projet Maki 2020.
10 commentaires
Célindanaé
Tu es à fond en ce moment, rapide, efficace, belle plume (comme toujours), la cuvée Dionysos est au top 🙂
J’ai beaucoup aimé ce livre, les dessins complètent à merveille le récit et j’ai trouvé excellente la manière dont ils sont justifiés dans l’histoire.
J’ai moins aimé l’hypothèse du lézard par contre….
Dionysos
Ô grand merci ! J’essaie tant bien que mal de suivre ton rythme d’écriture, très chère, tu donnes le ton. 🙂
Et j’ai encore tellement de lectures, mais surtout de critiques en retard, c’est vertigineux.
L’Hypothèse du Lézard, j’espère l’écrire ce week-end, et en effet c’est une toute autre ambiance (forcément les dessins n’ont pas été concerté avec l’auteur au moment de l’écriture), mais le fantastique y est tout ce qu’il y a de plus gênant, du pur Alan Moore.
Célindanaé
Merci pour le compliment 🙂
Les dessins de Cindy Canévet sont superbes mais c’est l’histoire qui ne m’a pas vraiment parlé, et c’est lent…
Dionysos
Ah oui lent ? je n’ai pas eu cette impression. Onirique par contre, et parfois un peu flou dans les descriptions, ça m’avait fait le même effet dans La voix du feu (qu’il faut que je critique aussi d’ailleurs).
L'ours inculte
Je l’ai pas encore lu mais c’est un beau bouquin, j’ai feuilleté pour zyeuter les dessins 😀
Dionysos
Le mélange des deux (texte et dessin) est sympa.
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Aelinel Ymladris
Je suis en train de le lire. J’ai juste parcouru ta chronique et j’y reviendrai après avoir rédigé la mienne.
Dionysos
Bonne lecture ! 🙂
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