Science-Fiction

Les chants de Nüying

Titre : Les chants de Nüying
Auteur : Emilie Querbalec
Éditeur : Albin Michel
Date de publication : 2022 (août)

Synopsis : La planète Nüying, située à vingt-quatre années-lumière du Système solaire, a la particularité de partager de nombreux traits avec la Terre d’il y a trois milliards d’années. On y trouve de l’eau à l’état liquide. Son activité volcanique est importante. Ses fonds marins sont parcourus de failles et comportent quantités de sources hydrothermales. Elle possède une magnétosphère et une atmosphère dense, protectrice. Tout cela en fait une bonne candidate pour héberger de la vie. La sonde Mariner a transmis des enregistrements sonores de Nüying : des chants qui évoquent par analogie ceux des baleines. Quand elle était enfant, Brume a entendu cet appel. Maintenant adulte, spécialisée dans le domaine de la bioacoustique, elle s’apprête à participer à la plus grande aventure dans laquelle se soit jamais lancée l’Humanité : rejoindre Nüying au terme d’un voyage spatial de vingt-sept années. Que va-t-elle découvrir là-bas ? Une civilisation extraterrestre ou une remise en cause totale de ses certitudes ?

William connaissait les positions du président de Space’O à ce sujet, mais il avait toujours réussi à éviter d’en discuter ouvertement avec lui. Ce concept était l’un des piliers de la doctrine prêchée par l’école de l’Éveil Vrai. Inspirée de la pensée bouddhiste, cette dernière stipulait que chaque homme possédait en lui le potentiel nécessaire à sa transformation spirituelle. L’Éveil Vrai se distinguait cependant de la tradition par sa foi inébranlable en la technologie comme moyen de parvenir à ses fins.

Un milliardaire en quête d’immortalité

Après un premier roman remarqué en 2021 (« Quitter les monts d’automne »), Émilie Querbalec revient en cette rentrée avec un nouvel ouvrage de science-fiction. L’intrigue telle qu’elle nous est présentée au départ consiste à mettre en scène un premier contact entre l’humanité et une potentielle intelligence extraterrestre. C’est vers Nüying, une planète située à vingt-quatre années-lumière de la Terre avec laquelle elle partage de nombreux traits communs, que se portent tous les espoirs des scientifiques suite à l’enregistrement par une sonde envoyée sur place de chants étranges. Personne ne sait d’où ils viennent ni quelle sorte de créature peut bien en être à l’origine, mais cela n’empêche pas les théories les plus folles de circuler. Brume est bioacousticienne marine, et elle fait partie de la centaine de scientifiques a avoir été choisis pour embarquer à bord du vaisseau qui va entreprendre le voyage vers cette planète afin de lever le voile sur ce mystère. Elle voyagera en stase, comme une grande partie des passagers, tandis que d’autres effectueront la traversée sans que leur corps ne soit préservé du vieillissement. Pour cette raison, l’autrice se voit forcée de diversifier un peu ses points de vue en cours de route. Centrale dans les cent premières pages, Brume disparaît ainsi brutalement de l’intrigue pour ne réapparaître qu’une centaine de pages avant la fin. La plus grande partie du roman n’est ainsi pas du tout consacré à cette histoire de premier contact mais repose sur une autre intrigue mettant cette fois en scène un milliardaire mégalo à l’origine de l’expédition sur Nüying, et deux scientifiques impliqués dans la dernière lubie de leur chef qui rêve, bien sûr, d’immortalité. Un processus a en effet été mis au point et sera finalement testé au cours du voyage, l’objectif étant d’extraire numériquement la personnalité du big-boss pour la transférer dans le corps d’un clone, lui permettant ainsi de vivre pour toujours. Tout va toutefois être compliqué par la proximité, jugée inquiétante par certains, d’un guru tibétain dont l’influence sur le milliardaire semble de plus en plus importante.

Spiritualité et technologie

Autant j’ai été emballée par l’idée de cette première rencontre entre humains et intelligence extraterrestre, autant je suis complètement passée à côté de cette histoire d’Elon Musk en plein trip spirituel cherchant l’immortalité. Les deux intrigues cohabitent d’ailleurs assez mal, au point qu’on a l’impression de lire un premier roman, puis un second, puis de revenir au premier, sans qu’il n’y ai forcément beaucoup de connexion entre les deux. Les personnages souffrent, à mon sens, de cette cassure à mi-chemin dans l’intrigue et peinent à susciter l’empathie du lecteur. Brume est trop froide, le milliardaire mégalo trop délirant, quant à Dana ou William ils sont bien plus attachants mais trop souvent cantonnés au rôle de spectateurs. D’autres personnages secondaires font leur apparition en cours de route, mais aucun n’est suffisamment développé pour éveiller l’intérêt. En parallèle de ces histoires de voyage spatial, l’autrice s’est beaucoup documentée sur l’histoire du Tibet, et notamment son invasion et sa colonisation par la Chine. Ces passages sont intéressants, seulement ils sont rattachés très artificiellement au reste de l’intrigue à laquelle ils s’intègrent laborieusement. J’ai également au beaucoup de mal avec tout le volet spirituel qui prend une place de plus en plus démesurée dans l’intrigue, de même qu’avec la focalisation sur des détails techniques liés au fonctionnement du vaisseau ou du système chargé de préserver la personnalité du grand chef. Tout cela est fort dommage, car le roman contient malgré tout de belles scènes, notamment sur la fin qui renoue avec l’intrigue initiale et la promesse d’exploration qu’elle contenait. On ne saura finalement pas grand-chose de Nüying ni des mystères qu’elle renferme, aussi est-ce avec un sentiment de frustration que l’on referme la dernière page de ce roman déstabilisant.

On s’attendait avec « Les chants de Nüying » à une histoire d’exploration spatiale et de premier contact, or Emilie Querbalec fait ici le pari de dévier de trajectoire en cours de route, pour finalement y revenir tardivement. Nul doute que certains seront sensibles à l’audace de cette construction narrative (le roman a fait l’objet de nombreuses critiques élogieuses), pour ma part cela n’a pas pris…

Autres critiques : Célinedanaë (Au pays des cave trolls) ; Le nocher des livres

Antiquiste passionnée d’art, de cinéma, de voyage et surtout grande lectrice des littératures de l’imaginaire (fantasy essentiellement).

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