La Maison des Jeux, tome 3 : Le Maître
Titre : Le Maître
Cycle/Série : La Maison des Jeux, tome 3
Auteur : Claire North
Éditeur : Le Bélial (collection Une Heure Lumière)
Date de publication : 2023 (janvier)
Synopsis : DE NOS JOURS. Ici, ailleurs et partout. Le haut joueur connu sous le nom d’Argent a défié la Maîtresse des Jeux elle-même : le temps du Grand Jeu est advenu, et comparé à lui, tous les autres sont désormais dérisoires. Le monde entier s’en trouve réduit aux dimensions d’un échiquier, avec en guise de pièces des groupes mafieux, des armées officielles, des gouvernements, des nations… Et pour prix de cette partie sans égale, la réponse à la question qui les contient toutes : à qui échoiera la Maison des Jeux ?
-Elle change la conclusion, c’est tout. Les batailles qui se livrent impliquent des individus et auraient lieu même sans elle. Les joueurs modifient simplement le résultat.
– Non, répondis-je. Ce que vous décrivez, c’est seulement la politique et la mort. J’ai aussi pratiqué ces jeux-là au cours de certaines des plus grandes batailles jamais livrées. J’ai distribué des fusils pendant la Guerre d’Indépendance des États-Unis, j’étais présent quand la guillotine est tombée sur la tête du roi de France. J’ai vu Martin Luther King mourir et joué aux Assassins dans les couloirs du Kremlin. Il y a des idées derrière ces événements, des concepts parfois aussi stupides que nation, race ou religion, parfois aussi puissants que liberté, fraternité, justice. Nous enchaînons des philosophes et des rois à notre cause, nous sacrifions de bonnes et de mauvaises personnes pour obtenir la victoire, même si cette victoire est celle d’un tyran. Tout ce qui compte est de gagner ; le reste n’est rien. Tel est le jeu, et vous savez ce que je crois ? Je crois que la Maison des Jeux choisit les jeux auxquels nous jouons, elle choisit la forme de l’histoire humaine, choisit les idées qui vont fleurir, celles qui vont disparaître, et je crois qu’en jouant, nous la servons, nous créons un résultat qui n’est pas le choix de l’humanité.
Fin de partie
Il est un endroit présent dans toutes les régions du monde et à toutes les époques possibles et imaginables. Dans cet endroit, baptisé « Maison des jeux » des joueurs de tous les âges et de toutes les origines se livrent à des parties enflammées et s’essayent à tous les jeux possibles et imaginables. La Maison est toutefois séparée en deux zones bien distinctes. La première, la Basse Loge, réunit des individus ordinaires et les enjeux de leurs parties sont des plus classiques et principalement d’ordre pécuniaire. La seconde en revanche, la Haute Loge, rassemble les joueurs les plus talentueux de la Maison qui se livrent à des compétitions sans pitié à grande échelle et pour des mises bien plus élevées, se mesurant en années de vie, en âmes ou en souvenirs. Le premier tome de la trilogie de Claire North voyait une jeune vénitienne du XVIIe siècle se livrer pour la première fois à une partie d’échec dont le plateau n’était rien de moins que la cité lacustre tout entière. Le second volume mettait cette fois en scène une partie de cache-cache opposant deux joueurs expérimentés dans la Thaïlande des années 1930. Troisième et dernier tome de la série, « Le maître » voit la confrontation tant attendue entre la Maîtresse des Jeux (celle qui dirige le vénérable édifice depuis des siècles et est la garante de l’équité des parties) et Argent, joueur de la Haute Loge déjà croisé à Venise comme en Thaïlande et qui attend depuis longtemps de pouvoir enfin se mesurer à la meilleure d’entre eux. Le jeu ? Les échecs. L’enjeu ? La suprématie de l’un au dépend de la mort ou de la dissolution de l’autre au sein des murs de la Maison elle-même. Le plateau ? Le monde entier. Les pièces ? Toutes celles qui ont pu être rassemblées par les deux joueurs au fil des siècles : hommes et femmes politiques, hauts fonctionnaires, agences de renseignement, généraux, mercenaires, mafias… Bref, tout ce que le monde compte comme personnages influents, et ce dans tous les pays du globe. Comment savoir quand la partie doit s’arrêter ? Elle prendra fin lorsque l’un des deux rois aura mis en échec l’autre, c’est à dire aura éliminé suffisamment de ses pièces pour lui mettre la main dessus. Seulement, à ce jeu comme à tous les autres, la Maîtresse possède visiblement une longueur d’avance sur son concurrent.
Tous des pions ?
Le troisième tome de « La maison des jeux » constitue une excellente synthèse entre les deux précédents volumes et recycle des ressorts narratifs ayant déjà fait leur preuve lors de la partie d’échecs disputée par Thene ou celle de cache-cache menée par Burke. Les chapitres sont extrêmement courts, se limitant parfois même à un ou deux paragraphes, ce qui incite le lecteur à poursuivre toujours plus loin sa lecture et explique en partie le peu de temps que l’on met à terminer l’ouvrage. De part ses proportions gigantesques, le jeu mis en scène ici n’a toutefois pas grand-chose à voir avec les parties précédemment jouées puisque les joueurs sont amenés à livrer bataille sur plusieurs terrains et que les pièces se comptent par milliers, ce qui les condamne bien plus qu’auparavant à l’anonymat. Claire North nous décrit ici des régions ou des nations entières sombrant dans le chaos le plus total, en apparences pour des raisons liées à des enjeux géopolitiques classiques mais en réalité à cause de la partie impitoyable que se livrent Argent et la Maîtresse des Jeux. Qu’il s’agisse de décimer une population, de faire tomber une personnalité politique, de favoriser un coup d’état ou encore de faire plonger la bourse de tel ou tel pays, les joueurs ne rechignent à aucun sacrifice, et c’est avec une sorte de fascination morbide que l’on assiste à leur entreprise de destruction planétaire. N’allez cependant pas croire que les personnages n’éprouvent rien et ne suscitent aucune affection de la part lecteur, rien ne serait plus faux. Argent, du point de vue duquel se déroule la partie, est en effet un protagoniste complexe et parfois effrayant mais aussi bouleversant et, en dépit du pouvoir de destruction démesuré qu’il possède, profondément vulnérable. Les passages plus intimistes au cours desquels ce dernier laisse tomber sa garde sont d’ailleurs les plus touchants de l’histoire qui, le reste du temps, se déroule à un rythme fou et repose essentiellement sur un enchaînement de scènes d’action. L’autrice n’a en effet pas lésiné sur les moyens (l’avantage avec la littérature, c’est qu’il n’y a pas de limite de budget !) et cela se traduit par un déchaînement de tueries, fusillades, courses poursuites ou destructions à grande échelle qui, à terme et contrairement aux deux précédents tomes, finissent par procurer un peu de lassitude.
« Le Maître » vient clore de façon spectaculaire la trilogie de « La Maison des Jeux » de Claire North en proposant finalement une partie faisant la synthèse des deux précédentes, mais avec des enjeux et à une échelle bien plus élevés. Ce dernier tome n’est certainement pas le meilleur, mais il offre une conclusion satisfaisante à la série et se dévore avec la même avidité que celle qui se manifestait déjà dans « Le Serpent » ou « Le Voleur » et qui témoigne de la qualité des textes de l’autrice.
Autres critiques : ?
2 commentaires
belette2911
Coucou, j’ai adoré les deux premiers tomes, hâte de lire le dernier !! 🙂
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