Fantasy

Olangar, tome 3 : Le combat des ombres

Olangar Combat des ombres

Titre : Le combat des ombres
Cycle/Série : Olangar, tome 3
Auteur : Clément Bouhélier
Éditeur : Critic
Date de publication : 2021 (novembre)

Synopsis :   Sous le joug des duchés, la grande cité vit désormais recroquevillée sur elle-même tandis que ses habitants subissent les affres des privations et la violence de la milice dirigée par le pantin de Jush Thagon, Lec Rossio. Dans l’ombre des bas quartiers, les nains organisent la résistance autour de Baldek et de Nockis tandis qu’un tueur mystérieux s’en prend aux miliciens. Depuis son fief au sud du royaume, Evyna d’Enguerrand, la jeune suzeraine, et son ami l’elfe Torgend Aersellson s’entendent avec le chancelier en fuite, Ransard d’Alverny, pour mettre au point un plan qui, peut-être, permettra de libérer Olangar. Nul ne sortira indemne de ce dernier combat.

Olangar occupée

Troisième tome de la série « Olangar », le combat des ombres met fin à une trilogie qui aura fait souffler un petit vent frais sur la fantasy française depuis la parution de « Bans et barricades » en 2018. Car bien que mettant en scène des races traditionnellement utilisées par le genre (on retrouve le trio gagnant elfe/nain/troll, auquel s’ajoute comme toujours les humains), l’œuvre de Clément Bouhélier se démarque par de nombreux autres aspects, parmi lesquels sa dimension éminemment politique. Le pitch a lui seul permet d’ailleurs de s’en rendre compte. [J’en profite pour inciter celles et ceux qui n’auraient pas encore eu l’occasion de lire les deux précédents volumes à sauter la lecture de ce paragraphe, voire même de cette chronique, afin d’éviter tout risque de SPOILERS.] Le roman met ainsi en scène une cité, Olangar, abritant humains et nains et dans laquelle une forte contestation sociale se fait entendre depuis longtemps, les classes populaires dénonçant l’autoritarisme du pouvoir et sa corruption, mais aussi la dégradation de leurs conditions de vie et de travail. Cette contestation va cependant être reléguée au second plan ici puisque, suite aux événements dramatiques ayant servi de clôture à « Une cité en flamme », la cité est désormais occupée par des forces étrangères. Au terme d’habiles manœuvres politiques et économiques, les duchés sont ainsi parvenus à s’emparer d’Olangar qu’ils tiennent grâce à l’alliance contractée avec un parti qu’on qualifierait aujourd’hui d’extrême-droite et qui exècre tout particulièrement les Nains, qui composent l’essentiel de la classe ouvrière. C’est dans ce contexte pour le moins sombre que l’on retrouve nos protagonistes des précédents tomes. La noble Evyna d’Enguerrand a, en ce qui la concerne, rejoint ses terres du sud où, en compagnie du chancelier désormais en fuite Ransard d’Alverny, elle tente de mettre au point un plan désespéré pour sauver la cité du joug des duchés. Torgend, l’elfe en exil, est quant à lui toujours à ses côtés et continue d’être rattrapé par des fantômes de son passé. Quant aux Nains, notamment Baldek et Nockis, ils sont toujours à Olangar où ils organisent patiemment et prudemment la résistance.

Un imaginaire historique peu ordinaire

Sans surprise, on retrouve dans ce troisième opus tout ce qui faisait déjà le charme des précédents, à commencer par une intrigue solidement ficelée et remarquablement rythmée. On ne s’ennuie pas une seconde, les péripéties s’enchaînant à une allure soutenue, tandis que divers rebondissements et autres retournements de situation viennent régulièrement rebattre une partie des cartes. Afin de renforcer le dynamisme du texte et de renforcer le suspens de certains événements, l’auteur a recours à plusieurs reprises au même procédé qui consiste à effectuer de petits retours en arrière temporels de quelques semaines ou quelques mois, ce qui lui permet de surprendre davantage le lecteur. Certains revirement restent néanmoins prévisibles, peut-être un peu plus que dans les autres tomes, sans que cela ne vienne toutefois gâcher le plaisir de lecture. La violence qui imprègne l’atmosphère de la cité et qui résulte autant de la présence de forces armées étrangères que du climat de suspicion et de terreur que font planer les milices n’est évidemment pas sans rappeler le contexte de la Seconde Guerre mondiale. Ces références à notre histoire récente ne sont, à ma connaissance, pas si fréquentes en fantasy, genre d’ordinaire plus prompt à privilégier des périodes lointaines, à commencer par le très populaire Moyen Age. Le contraste né entre, d’un côté, une ambiance inspirée par l’occupation française des années 1940 et, de l’autre, des personnages d’une fantasy plutôt traditionnelle à la Tolkien, fait encore une fois mouche. De part les thèmes mis en avant et le vocabulaire employé, Clément Bouhélier convoque tout un imaginaire historique qui parlera aux lecteurs et invite ces derniers à se questionner sur certains des aspects les plus sombres de la période, avec le recul que permet le genre de l’imaginaire. L’ouvrage aborde ainsi aussi bien les plans élaborés depuis l’étranger afin de libérer la ville occupée que les difficultés rencontrées sur place par les opposants pour monter un réseau de résistance efficace, ou encore la violence exercée par les milices envers celles et ceux qu’elles estiment inférieurs ou dangereux.

Olangar - Une Cité en flammes

Des personnages complexes et attachants

Si l’ambiance et certaines thématiques abordées sont clairement d’inspiration historique, l’auteur n’oublie cependant pas que sa série possède, aussi, une dimension d’aventure, aussi s’est-il assuré de ponctuer son récit des mêmes belles scènes de combat, de poursuite ou d’infiltration que celles auxquelles il nous avait habitué dans les deux précédents volumes. Une intrigue secondaire amenée à prendre de plus en plus d’importance au fil des pages donne même au roman un petit côté thriller, avec l’ombre de cet écorcheur qui rôde et dont la menace rajoute encore à l’atmosphère oppressante de la capitale. Les personnages demeurent pour leur part fidèles à eux-mêmes et, après tant de pages passées en leur compagnie, s’est avec un léger pincement au cœur que l’on se résous à les quitter. Evyna est sans doute la protagoniste qui m’avait le moins emballée jusqu’ici mais l’auteur lui donne dans ce final un rôle déterminant dont elle s’acquitte avec une certaine classe. Torgend est en revanche plus en retrait, même s’il dispose lui aussi de belles scènes qui mettent un terme de façon satisfaisante à son histoire. Les nains se retrouvent quant à eux une fois encore en première ligne, et on éprouve toujours autant d’affection et d’admiration devant leur détermination et la solidarité qui les unit. On assiste aussi avec une certaine curiosité mêlée de méfiance à l’alliance parfois surprenante de ces militants avec des représentants de l’ordre qu’ils combattaient il y a peu, ce qui donne lieu à des rencontres pleines de tension et des échanges assez savoureux. Pas question pour autant pour l’auteur de tomber dans le manichéisme : tous ses personnages sont dotés d’une personnalité nuancée et possèdent des failles et des contradictions avec lesquelles ils doivent composer, qu’il s’agisse des protagonistes que l’on affectionne ou de ceux qui nous rebutent le plus.

« Le combat des ombres » apporte une conclusion efficace à la trilogie « Olangar » qui mettait en scène les aventures d’humains, d’elfes et de nains dans une cité industrialisée traversée par une crise sociale et politique d’ampleur. Ici comme dans les deux tomes précédents, le contraste entre des inspirations issus d’une fantasy assez classique et des questionnements politiques très actuels fonctionne à merveille et donne à la série une fraîcheur agréable. A noter qu’un nouvel ouvrage mettant à nouveau en scène la ville (« Des nouvelles d’Olangar ») a été annoncé et devrait paraître en septembre.

Voir aussi : Tome 1 (partie 1 et partie 2) ; Tome 2

Autres critiques : Célinedanaë (Au pays des Cave Trolls) ; Dionysos (Le Bibliocosme)

Antiquiste passionnée d’art, de cinéma, de voyage et surtout grande lectrice des littératures de l’imaginaire (fantasy essentiellement).

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