Olangar, tome 3 : Le Combat des ombres
Titre : Le Combat des ombres
Cycle/Série : Olangar, tome 3
Auteur : Clément Bouhélier
Éditeur : Critic [site officiel]
Date de publication : 10 novembre 2021
Synopsis : Sous le joug des duchés, la grande cité vit désormais recroquevillée sur elle-même tandis que ses habitants subissent les affres des privations et la violence de la milice dirigée par le pantin de Jush Thagon, Lec Rossio. Dans l’ombre des bas quartiers, les nains organisent la résistance autour de Baldek et de Nockis tandis qu’un tueur mystérieux s’en prend aux miliciens.
Depuis son fief au sud du royaume, Evyna d’Enguerrand, la jeune suzeraine, et son ami l’elfe Torgend Aersellson s’entendent avec le chancelier en fuite, Ransard d’Alverny, pour mettre au point un plan qui, peut-être, permettra de libérer Olangar.
Nul ne sortira indemne de ce dernier combat.
L’humain n’est pas rationnel. De petits démons s’agitent en lui et se complaisent à jouer de sinistres farces entre les parois de son crâne
Après Bans et barricades et Une cité en flammes, Clément Bouhélier clôt sa trilogie Olangar avec Le Combat des ombres, chez Critic à l’automne 2021.
Baroud d’honneur
Après l’attaque surprise des Duchés, par mer et par terre à la fois, la cité d’Olangar est prise par des hommes en armes menés par l’ancien ambassadeur Jush Thagon, qui emmène avec lui les nationalistes du parti du Groendal. Une partie de la population fuit vers l’ouest mais avec le péril elfe en tête, une autre vers le sud et les provinces alliées dans l’espoir d’une vie meilleure, sans la guerre. Devant cette débâcle, l’ancien chancelier en fuite, d’Alverny, a l’immense tâche de réunir les ennemis d’hier en des alliés potables (provinces riches du Sud, elfes de l’Ouest, voire mercenaires orcs). À l’aide d’alliés finalement nombreux mais divisés, tant hors que dans Olangar, il cherche à reprendre la ville. L’enjeu principal reste les navires construits dans le port d’Olangar, mais pour transporter les troupes, celles des nouveaux suzerains venus des duchés, vers les îles Baraën, lieu outre-mer offrant de grandes possibilités de colonisation et donc de profits afférents. Dans cette alliance bigarrée, les nains de l’ancienne Confrérie ne sont pas aimés, ne sont pas moins divisés, mais vivent au plus près la répression entamée par les nouveaux chefs d’Olangar. Tous ces destins comptent se jouer à la fois au grand jour dans des combats qui s’annoncent inévitables et dans les bas-fonds là où se trament encore des coups bas plus ou moins improvisés. Alors Olangar pillée, Olangar assiégée, mais Olangar libérée ? Réponse à la toute fin.
Résistance et occupation
De fait, Clément Bouhélier ne se cache pas de s’inspirer du contexte industrialo-politique de la fin du XIXe et du début du XXe siècle. Plus exactement ici, l’auteur aborde d’abord la collaboration de certaines classes sociales bien cernées et de certains officiers d’Olangar avec les Duchés extérieurs, puis la construction d’une « résistance » très diverse et parfois contradictoire (c’est tout le sel de ces alliances parfois contre-nature), en espérant un dénouement heureux. Outre le parallèle intéressant, cela place surtout ses personnages devant des choix cornéliens : au nom de quoi Torgend prendrait-il le risque de perdre la vie pour une cité qui l’a toujours rejeté ? que peut bien faire Baldek maintenant qu’il est revenu dans sa cité occupée mais sans son amour et sans sa Confrérie ? jusqu’où Evyna va-t-elle pousser son engagement en faveur du bien-être des classes populaires ? Arrivé dans un tel troisième tome, la lutte de classes parfaitement campée dès le premier opus cède plus souvent la place à des enjeux plus complexes encore, plus impérieux parfois. Ce choix révèle d’ailleurs une difficulté supplémentaire pour l’auteur, puisqu’il est nécessaire de faire comprendre l’installation de cette occupation étrangère et d’une éventuelle résistance organisée, et cela prend du temps ! Le premier tiers du roman est ainsi consacrée à une longue mise en place qui prend le risque de gérer le temps long (avec des descriptions de phénomènes stratégiques prenant place sur plusieurs mois), et puis arrivé à ce premier tiers, on enchaîne avec une enquête sur un personnage aussi étrange qu’efficace, un tueur en série qui compte faire payer au centuple la répression par le nouveau pouvoir en écorchant le visage de miliciens. Or, plusieurs personnages le recherchent, soit pour le faire taire, soit pour obtenir des informations ; on entre alors dans une phase très intéressante d’allers-retours entre action et mises en place de plans où Clément Bouhélier joue sur la chronologie des faits pour essayer de nous dissimuler les tenants et aboutissants du « grand plan qui doit sauver Olangar » (alternance un peu comme dans Le Château des millions d’années, en reculant de quelques jours ou juste de quelques minutes, c’est selon). Évidemment, si tout se passait comme prévu, ce ne serait pas drôle !
Clore en beauté
Pour terminer sa saga d’Olangar, Clément Bouhélier convoque un casting cinq étoiles, un casting absolument complet, puisque le vieux de la vieille Baldek rejoue un rôle de premier plan, le duo Torgend-Egan est bien là aussi même si son rôle est moindre, les dirigeants comme d’Alverny, Thagon, Rossio et d’autres se déchirent encore. Les personnages féminins ne sont pas négligés, ce sont même les meilleurs : Evyna d’Enguerrand, bien sûr, est finalement le grand personnage de la trilogie avec la meilleure progression et le lecteur que je suis en viendrait à réfuter ce qu’il a pu dire sur elle dans le premier tome où ses réactions de jeune aristocrate pouvait lasser très vite ; ici, elle embrasse pleinement son rôle majeur d’organisatrice hors pair du début à la fin. À ses côtés, elle finit par trouver une autre personnage-clé, dont je ne dévoilerai pas le nom ici, mais dont l’histoire et le mode opératoire sont très bien narrés. Au fur et à mesure que les derniers paragraphes, on ressent très bien le plaisir non dissimulé de l’auteur de clôturer de façon claire et bien ficelée le destin de personnages côtoyés durant plus de 2 000 pages.
Le Combat des ombres clôt très bien cette trilogie d’Olangar, l’auteur nous faisant bien ressentir la nostalgie qui porte ces derniers chapitres. Adieu Baldek, Evyna et les autres, et bon vent !
Voir aussi :
Tome 1.1 ; Tome 1.2 ; Tome 2
Autres critiques :
Célinedanaë (Au pays des Cave Trolls)