Fantasy

La Tour de Garde – Capitale du Nord, tome 2 : Mort aux geais !

Capitale du Nord tome 2 - Mort aux geais

Titre : Mort aux geais !
Cycle/Série : La Tour de Garde – Capitale du Nord, tome 2
Auteur : Claire Duvivier
Éditeur : Aux forges de Vulcain
Date de publication : 2022 (octobre)

Synopsis : Après les terribles meurtres de la maison De Wautier, le monde d’Amalia Van Esqwill s’est écroulé. Considérés comme les principaux suspects, Yonas et elle trouvent refuge dans les tumultueux Faubourgs de la ville. Mais s’ils peuvent se cacher de la garde havenoise, qui les protégera de l’emprise de l’enchantement ? Pour survivre, Amalia devra surmonter sa douleur, dompter ses peurs, s’adapter à la clandestinité… et accepter de confier son destin au jeu de la tour de garde.

Toutes ces histoires n’en racontaient qu’une seule finalement : celle de la lente décadence d’une cité trop sûre d’elle qui prenait conscience qu’elle était construite sur l’ancien estuaire d’un fleuve et que ses fondations s’enfonçaient dans la glaise.

Dehaven vu d’en bas

« Mort aux geais » est le deuxième tome de « Capitale du Nord », une trilogie de Claire Duvivier consacrée à la ville de Dehaven et s’inscrivant dans l’univers de « La Tour de Garde », un univers partagé avec Guillaume Chamadjian, lui-même auteur d’une trilogie consacrée à une autre cité. Les tomes de chacune de ces séries paraissent depuis deux ans maintenant, l’un après l’autre, si bien que, si l’intrigue du présent volume se suffit à elle-même, elle s’inscrit également dans celle, bien plus vaste, narrée dans les romans de « Capitale du Sud ». [Attention, à ce stade, des spoilers sont inévitables et risqueraient de gâcher le plaisir de lecture de ceux qui n’auraient pas eu l’occasion de découvrir le premier volume : « Citadins de demain »] Le précédent tome nous avait laissé abasourdi par un final totalement inattendu au cours duquel plusieurs personnages, et notamment un protagoniste, trouvèrent une mort sanglante. Sonnés, Amalia et Jonas ont à peine eu le temps de prendre conscience de l’horreur de la situation et de pleurer leur ami que l’urgence de la situation leur a imposé de prendre des mesures drastiques. Car les apparences sont contre eux et, au sein de la capitale, nombreux sont ceux avides de tirer parti de la déchéance de la maison Van Esqwill. Les voilà donc tous deux accusés du massacre, recherchés par les autorités et forcés de se réfugier dans les bas-fonds de la cité. Les beaux quartiers et demeures cossues du premier tome laissent alors la place à un décor plus rustique qui permet de découvrir une nouvelle facette de la capitale. Une facette avec laquelle Amalia, héritière d’une des familles les plus puissantes de la cité, n’est pas particulièrement à l’aise mais que connaît en revanche très bien Jonas, jeune homme issu des classes populaires mais ayant bénéficié d’une éducation noble en raison de la vivacité de son esprit et de l’accointance de son père avec les Van Esqwill. C’est dans un premier temps sur lui que la survie du duo va jouer, avant que notre héroïne ne reprenne enfin du poil de la bête. Et il était temps car, outre l’enjeu de leur propre survie, se pose la question qui les terrorise tous les deux : d’où vient la magie à l’origine du drame qui a frappé et, surtout, comment l’empêcher de recommencer ?

La tour de garde - Capitale du nord - Citadins de demain

Une héroïne atypique

Quoique différent du premier en terme d’ambiance, ce second volume s’inscrit dans la droite lignée de « Citadins de demain » avec lequel il partage grand nombre de caractéristiques. On retrouve d’abord avec plaisir la plume élégante de Claire Duvivier qui s’amuse manifestement beaucoup à diversifier les registres de langues, le parler snob et précieux de la classe dirigeante, omniprésente dans le précédent opus, étant ici supplanté par le langage plus familier et direct des bas-quartiers. Le style de l’autrice reste tout de même soigné et contribue à donner à l’ensemble une musicalité agréable. L’intrigue évolue selon un rythme assez lent, sans que cela ne soit synonyme d’ennui pour le lecteur qui suit au contraire avec autant d’intérêt les avancées du duo concernant l’élaboration de leur plan que l’évolution de leur relation ou de leur état d’esprit. Il faut dire que les liens qui unissent Amalia et Jonas sont complexes, les deux personnages partageant certes une solide amitié mais qui sera sacrément mise à l’épreuve tout au long de leur cavale. L’un comme l’autre se révèlent en tout cas toujours aussi attachants, quoique pour des raisons très différentes, Jonas séduisant par sa sincérité et sa bienveillance quand Amalia, plus froide mais aussi plus brute de décoffrage, charme par sa répartie et par son incroyable capacité d’adaptation. C’est justement la personnalité atypique de la jeune femme qui permet au duo d’échapper à la plupart des écueils attendus dès lors qu’une relation telle que la leur est mise en scène. Les personnages qui gravitent dans leur entourage, souvent de manière éphémère compte tenu de leur statut de fuyards, sont quant à eux bien campés et possèdent des personnalités souvent ambivalentes qui incitent le lecteur comme l’héroïne à se tenir sur leurs gardes. La nécessité pour les protagonistes de cacher leur identité, avec le risque permanent d’être découvert à la moindre erreur, permet d’ailleurs d’entretenir une tension croissante tout au long du récit, avec des phases d’alarme plus ou moins fortes.

Un univers qui s’étoffe

En parallèle des tentatives des deux fugitifs d’échapper à la garde, on glane ici ou là des indices sur ce qu’il se passe dans la capitale et sur les conséquences du drame dont ils furent spectateurs. La mort d’un certain nombre de personnages influents, au premier rang desquels la grand-mère d’Amalia, a effet provoqué un séisme politique au sein de Dehaven qui était d’ores et déjà traversé par des tensions laissant présager d’un bouleversement prochain, tant en ce qui concerne l’ordre social au sein même de la capitale, qu’au niveau des territoires conquis outre-mer. Tout comme dans le deuxième tome de « Capitale du Sud », qui étendait légèrement les frontières de la ville et faisait ainsi émerger de nouvelles problématiques, « Mort aux geais » élargit la vision que l’on pouvait avoir de Dehaven en faisant apparaître sur le devant de la scène des profils d’intellectuels ou d’hommes et femmes politiques qui permettent de pousser plus loin la réflexion concernant le fonctionnement de la cité. Comme à Gemina, la guerre civile couve et laisse présager d’un embrasement général qui devrait prendre toute son ampleur dans le troisième et dernier volet. Parmi les similitudes entre ce volume et son équivalent pour la capitale du Sud, on peut également mentionner le rôle prépondérant joué dans l’intrigue par cette fameuse Tour de Garde, jeu de stratégie à priori inoffensif et particulièrement populaire dans les deux cités et dont on devine depuis le départ qu’il occupe une place de premier plan dans la manière dont les deux auteurs ont construit leurs intrigues respectives. Celles-ci s’entre-mêlent d’ailleurs encore davantage ici, au point que les derniers tomes semblent s’orienter vers la mise en scène d’une intrigue impliquant à la fois Nox et Amalia.

« Mort aux geais ! » s’inscrit dans la droite lignée du précédent tome et séduit aussi bien par la qualité de la plume de l’autrice que par celle de son intrigue qui nous dévoile ici une nouvelle facette de la ville de Dehaven dans laquelle les tensions latentes menacent d’exploser. Claire Duvivier accorde un soin tout particulier à ses personnages, et notamment son héroïne qui séduit par sa personnalité atypique et son côté un peu brusque. Reste à savoir quelle orientation prendra la série dans les derniers tomes consacrés respectivement aux capitales du Nord et du Sud, même s’il est certain que la qualité sera de toute façon au rendez-vous.

Voir aussi : Capitale du Nord : Tome 1 ; Tome 3 ; Capitale du Sud : Tome 1 ; Tome 2 ; Tome 3

Autres critiques : Dionysos (Le Bibliocosme)
Les Chroniques du Chroniqueur

Passionnée d'histoire (surtout le XIXe siècle) et grande lectrice des littératures de l’imaginaire (fantasy essentiellement) mais aussi d'essais politiques et de recherches historiques. Ancrée très à gauche. Féministe.

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