Fantasy

Noon, tome 1 : Du Soleil noir

Noon du Soleil noir

Titre : Du soleil noir

Série: Noon, tome 1
Auteur : L. L. Kloetzer
Éditeur : Le Bélial’
Date de publication : 2022 (juin)

Synopsis : Cela se passe dans la plus grande ville du monde connu. La Cité de la toge noire, la Ville aux mille fumées, donnez-lui le nom que vous voulez, vous y êtes déjà allé, vous y retournerez. Surplombée par le palais du Suzerain et les temples de l’allée des dieux, port maritime et fluvial, elle grouille de marchands, de prêtres, de voleurs. On y respire les parfums de pays lointains et la puanteur de la misère. C’est là qu’est né, c’est là que survit Yors, ancien mercenaire devenu philosophe par la force de l’âge et des choses. Mais la sagesse ne nourrit pas son homme et Yors n’a plus un sou en poche quand commence notre histoire. Un peu par hasard il va se mettre au service d’un jeune homme, un étranger venu faire des affaires en ville. Pas n’importe quelles affaires : de la sorcellerie. Nul ne l’ignore, les sorciers sont des crapules malhonnêtes, des vendeurs de malédictions, des préparateurs de potions aux doigts sales. Celui-ci est différent… Courtois, un brin naïf, certain d’être le meilleur dans sa partie. Il s’appelle Noon, et son emblème est un soleil noir…

Hommage au « Cycle des épées »

Après les très remarqués « Cleer » et « Anamnèse de Lady Star » parus au début des années 2010, le duo constitué de Laure et Laurent Kloetzer s’était fait discret. Les voilà de retour sur le devant de la scène avec un nouveau roman, de fantasy, cette fois, et qui sera suivi par au moins un volume supplémentaire (même si l’intrigue se suffit ici parfaitement à elle-même). Hommage affiché à Fritz Leiber, grand auteur de fantasy des années 1970/1980, et à sa série du « Cycle de l’épée », le récit met en scène deux personnages atypiques et radicalement opposés. Après avoir été marin, soldat, puis mercenaire, Yors, usé par les combats, vivote dans la grande ville qui l’a vu naître en tentant de trouver des petits boulots pas trop mal payés. Endurci par des années de labeur et fin connaisseur du fonctionnement et de la géographie de la cité, il lui arrive parfois de proposer ses services à de nobles visiteurs fraîchement débarqués. C’est ainsi qu’il fait la connaissance de Noon, un jeune homme lunaire et naïf qui se prend d’amitié pour lui et l’embauche comme guide. Malgré l’étrangeté du bonhomme, Yors saute sur l’occasion mais voit son enthousiasme douché lorsqu’il se trouve en contact avec des forces surnaturelles qui le dépassent. Car Noon est un sorcier, un bon, et il entend bien se faire une clientèle dans cette cité labyrinthique où les phénomènes magiques sont loin d’être rares. L’attitude surprenante du jeune homme et sa méconnaissance des codes sociaux les plus élémentaires en font toutefois une proie facile pour des escrocs mal intentionnés, et c’est là que Yors entre en scène. Le pitch est simple et le roman court mais on passe un excellent moment de lecture au côté de ce duo insolite qui n’est pas sans laisser penser à d’autres couples mythiques de la littérature (Fafhrd et le Souricier Gris, bien sûr, mais aussi Sherlock Holmes et John Watson, par exemple).

Le mercenaire bourru et le sorcier excentrique

L. L. Kloetzer reprennent ici tous les principaux codes de la « Sword & Sorcery » et nous entraînent dans une aventure pleine de magie noire et de créatures inquiétantes dans un décor qui pourrait, à lui seul, constituer un personnage à part entière. On arpente dans ce premier tome quelques uns des quartiers et une partie des grandes institutions de cette gigantesque cité, mais on sent bien que l’univers créé recèle une grande richesse et que nous avons encore beaucoup de choses à y découvrir. L’ignorance de Noon concernant la ville qu’il visite pour la première fois constitue un prétexte idéal pour multiplier les balades tout en exposant tel pan de son histoire ou telle originalité architecturale, sans que les auteurs ne tombent jamais dans l’écueil du guide touristique. Bien que simple, l’intrigue n’en demeure pas moins solide, et c’est avec plaisir que l’on suit, d’abord, l’installation de Noon dans la cité ainsi que ses premières interactions avec les figures locales les plus influentes, puis son enquête afin de répondre à la demande de son premier client. Mêlant intrigues politiques, dangereuses créatures oubliées ou encore escroqueries savamment orchestrées, le récit enchaîne les péripéties et parvient souvent à surprendre grâce à d’astucieuses feintes ou illusions. L’aura de mystère qui entoure Noon participe au charme du roman, le jeune sorcier ne tardant pas à s’attirer l’affection du lecteur par sa candeur et sa vivacité d’esprit, tout en provoquant de temps à autre le malaise par son côté décalé et, bien sûr, les grandes puissances qu’il semble capable de maîtriser. Plus humain, plus touchant malgré son côté bourru, Yors adopte rapidement la posture de l’acolyte fidèle, moins charismatique mais néanmoins dégourdi. Un rôle qui aurait du, traditionnellement, le cantonner au second plan, or c’est le devant de la scène qu’il occupe ici, et ce contre-pied fonctionne à merveille.

L’importance du décor

Les autres personnages sont à l’avenant, rapidement mais efficacement caractérisés, ce qui permet au lecteur de s’y attacher (ou de les détester !) aisément. On retrouve parmi eux des figures emblématiques de la Sword & Sorcery : sorciers malveillants, voleurs, dignitaires en danger, brutes mal intentionnées… Les femmes sont relativement peu présentes et traitées avec rudesse ou déférence par Yors (en fonction de leur physique, souvent), mais certaines d’entre elles en viennent à révéler des facettes surprenantes qui nous les font voir sous un jour différent (sans que cela ne change pour autant leur relégation au second plan de l’intrigue). Les illustrations de Nicolas Fructus qui parsèment le roman constituent un plus indéniable qui permet de renforcer l’immersion. Dépeignant tour à tour les personnages ou les endroits les plus marquants de la cité, n’occupant qu’un petit espace ou s’étalant au contraire sur une page entière, ces représentations en noir et blanc participent à renforcer l’atmosphère troublante qui se dégage du texte. Difficile de ne pas se sentir fasciné par le décor mis en scène ici, ni par tous ces passages consacrés aux démonstrations de puissance de Noon ou de ses adversaires qui font chaque fois naître une petite pointe d’angoisse qui n’est pas sans rappeler, dans une moindre mesure, celle éprouvée à la lecture de textes de H. P. Lovecraft. Le style, lui, est agréable, et la narration rythmée par de nombreux dialogues savoureux. Yors n’est en effet pas dénué de bagou, et sa façon un peu rustre de s’exprimer vient encore une fois trancher avec les manières plus policées et les tournures de phrases plus élaborées de Noon.

Après la science-fiction, le couple L. L. Kloetzer s’attaque à la fantasy en rendant un bel hommage à l’oeuvre de Fritz Leiber et en mettant en scène un duo plein de contraste mais très attachant, le tout dans un décor fascinant qu’on arpenterait bien à nouveau dans d’autres aventures. Cela tombe bien, l’ouvrage annonce dans sa conclusion l’arrivée prochaine d’une suite intitulée « La Première ou dernière » dans laquelle le lecteur pourra de nouveau suivre Yors et Noon.

Voir aussi : La Première ou dernière

Autres critiques : Apophis (Le culte d’Apophis) ; Dionysos (Le Bibliocosme) ; Ombrebones (Chroniques de l’Imaginaire) ; Xapur (Les lectures de Xapur)

Antiquiste passionnée d’art, de cinéma, de voyage et surtout grande lectrice des littératures de l’imaginaire (fantasy essentiellement).

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