Science-Fiction

Anamnèse de Lady Star

Titre : Anamnèse de Lady Star
Auteur : L. L. Kloetzer
Éditeur : Denoël / Folio SF
Date de publication : 2013 / 2016

Synopsis :   Futur proche. Un attentat à Islamabad a provoqué une pandémie terrifiante. Les trois quarts de la population mondiale ont disparu. L’arme utilisée : la bombe iconique. Les coupables ont été retrouvés, jugés et exécutés. Mais certains se sont échappés. Parmi eux, une femme, leur inspiratrice, leur muse. Sa simple existence est un risque : tant qu’elle vit, la connaissance menant à la bombe reste accessible. Elle a disparu, n’a laissé aucune trace, pas l’ombre d’une ombre. Des hommes disent pourtant l’avoir rencontrée : savants, soldats, terroristes, ermites… Ont-ils rêvé ? Voici le récit d’une enquête, de l’Asie à l’Europe, des terres dévastées jusqu’aux sociétés hypertechnologiques de l’après-catastrophe. Un jeu de pistes, doublé d’une plongée dans les archives digitales de notre futur, avec le plus fou des enjeux : refermer la boîte de Pandore.

 

Enquête dans les archives du futur

Paru en 2013, « Anamnèse de Lady Star » est le fruit de la collaboration entre Laure et Laurent Kloetzer, (déjà co-auteurs de « Cleer » quelques années plus tôt) et a soulevé énormément d’enthousiasme lors de sa parution, ce qui lui a d’ailleurs valu d’être récompensé par plusieurs prix littéraires. Laurent Kloetzer est ensuite revenu à plusieurs reprises dans le même univers, que ce soit dans le roman « Vostok », qui se déroule quelque temps après les événements relatés ici, ou, plus récemment, dans la novella « Issa Elohim » parue dans la collection Une Heure Lumière du Bélial. Pour ma part, si j’avais énormément apprécié ma lecture des deux œuvres précédemment cités, je dois avouer que celle-ci m’a laissée un sentiment bien plus mitigé. Posons un peu le décor : le roman est composé de plusieurs chapitres qui se déroulent à différentes époques classées de manière non chronologique. La première partie prend place dans une société qui pourrait tout à fait être la notre (à quelques petites exceptions près), dans laquelle des scientifiques et des militaires penchent sur une nouvelle arme capable de cibler les individus en fonction de leurs origines (on devine bien vite que les Blancs n’ont rien à craindre, et que ce sont les populations noires et arabes qui sont directement et volontairement visées). Seulement l’expérience tourne mal et aboutit à l’extinction d’une grande partie de l’humanité, toute origine confondue. La société qui émerge ensuite n’a toutefois pas grand-chose à voir avec celles mises en scène dans les romans de post-apo classiques, puisqu’il n’y est nullement question de course poursuite avec des zombies ou de rescapés en mode survie dans une nature redevenue sauvage. Les nouvelles technologies se sont, au contraire, encore un peu plus développées, et le mode de vie des survivants n’a finalement pas été si altéré que cela. Parmi eux, une jeune chercheuse en archéologie numérique se lance dans des recherches ambitieuses visant à prouver la présence d’une Elohim, une créature mi-extraterrestre mi-humaine, tout au long du processus de fabrication de la « bombe », et son influence sur plusieurs des événements majeurs qui ont suivi.

Un jeu de pistes difficile à suivre

Si vous trouvez ce résumé complexe, dites-vous bien qu’il ne s’agit pourtant que d’une version extrêmement simplifiée de celle élaborée par L. L. Kloetzer dans ce roman qui n’est pas sans rappeler, par sa construction et sa volonté de faire perdre ses repères au lecteur, les ouvrages de Philip K. Dick ou de Christopher Priest (j’ai personnellement beaucoup pensé à « L’adjacent »). La lecture n’est en effet pas de tout repos et, si on prend dans un premier temps plaisir à suivre la trace de cette mystérieuse Elohim et à tenter de comprendre les enjeux dont il est question, j’avoue pour ma part avoir eu davantage de mal dans la deuxième partie, qui se fait encore plus sibylline et décousue. A cela s’ajoute que, changement d’époque oblige, l’ambiance et le style évoluent radicalement en fonction des chapitres qu’on pourrait parfois prendre pour des nouvelles à part, assemblées ici dans une sorte de fix-up (l’un d’eux a d’ailleurs déjà été publié sous la forme de nouvelle sous le titre « Trois singes » dans l’anthologie « Retour sur l’horizon » en 2009). Certes, tous sont liés par un même fil rouge qui prend de plus en plus d’ampleur au fil des chapitres, mais la lecture se fait néanmoins plus ou moins aisée, plus ou moins passionnante, en fonction des époques. Les deux premiers chapitres m’ont ainsi beaucoup enthousiasmée : le premier met en scène un attaché parlementaire français qui orbite dans l’entourage de scientifiques et d’artistes responsables de la création de la bombe, tandis que le second dévoile le témoignage du soldat à l’origine de son déclenchement. Le décor est alors globalement posé, et l’intérêt du lecteur agréablement titillé. Et puis arrive le drame, désigné sous le nom de Satori, et on découvre alors un monde dont on ne comprend plus les codes, sans que l’auteur ne vienne jamais à notre secours pour contextualiser. Certains chapitres laissent échapper quelques indices, d’autres semblent totalement déconnectés du reste (et sont, par conséquent, encore plus difficilement compréhensibles), et la plupart vient de toute façon remettre en cause ce qui vient d’être énoncé dans le précédent. Le concept d’Elohim, qui se trouve ici au coeur du récit, est quant à lui explicité trop rarement, et trop partiellement, si bien qu’on peine à cerner les enjeux pour les protagonistes.

« Anamnèse de Lady Star » est un roman extrêmement déroutant qui possède un charme certain mais donne trop peu de clés de compréhension au lecteur pour lui permettre de s’immerger dans ce monde futuriste dont on peine à cerner les contours et les spécificités. L’accueil unanimement enthousiaste qu’a rencontré le roman lors de sa sortie m’incite à penser que je suis complètement passée à côté de l’oeuvre, aussi vous encourage-je malgré tout à tenter l’aventure, d’autant que le reste de la bibliographie de l’auteur est d’un excellent niveau.

Autres critiques :  Xapur (Les lectures de Xapur)

Antiquiste passionnée d’art, de cinéma, de voyage et surtout grande lectrice des littératures de l’imaginaire (fantasy essentiellement).

9 commentaires

  • Les mots de Mahault

    Tu as assuré pour résumer ce livre simplement, bravo, parce que c’était un exercice périlleux ^^

    Je l’ai lu il y a plusieurs années, mais j’en garde un souvenir entêtant … Ça n’avait pas été un coup de cœur mais disons que c’était vraiment différent de ce que j’avais pu lire en matière de SF/post-apo jusque-là, que ce soit au niveau de la complexité ou de la langue. En tout cas, certains moments sont saisissants (tout ce qui touche à l’espèce de chorégraphie concernant la bombe, justement).

    Comme tu le dis, c’est une lecture à tenter pour se faire son propre avis !

    • Boudicca

      C’est vrai que c’est difficile à résumer comme ouvrage ^^ Même si je n’ai pas été très enthousiasmée je suis d’accord avec toi sur le côté entêtant : c’est une lecture à laquelle je repense souvent malgré tout, et certains passages sont effectivement marquants. 🙂

  • Baroona

    Je fais partie des lecteurs enthousiastes, j’avais trouvé ça vraiment très bon, un vrai labyrinthe enthousiasmant à parcourir. Mais je comprends très facilement qu’on puisse passer à côté – je mesure ma chance – c’est vraiment très particulier, il ne faut clairement pas vouloir des réponses claires. ^^’

  • Tigger Lilly

    J’ai lu ce bouquin en 2013, rattrapage estival du Prix Planète SF, je suis COMPLETEMENT passée à côté. Bon faut dire que c’est un bouquin qui demande des ressources intellectuelles certaines. Or cet été là avait été très compliqué pour moi. Du coup je pense réessayer un jour. Je viens de finir Issa Elohim et j’ai beaucoup aimé ^^

    • Boudicca

      Ah, tu me rassures ! Je l’ai peut-être lu également à la mauvaise période… Par contre j’ai aussi bien aimé Issa Elohim (et la grande majorité des autres romans de l’auteur d’ailleurs)

    • Boudicca

      Un peu trop pour moi 😉 J’ai préféré Vostok, dans le même univers, qui est beaucoup plus classique au niveau de sa construction mais qui brasse quand même pas mal de concepts complexes.

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