Science-Fiction

Rempart, tome 2 : Les épreuves de Koli

Titre : Les épreuves de Koli
Cycle/Série : Rempart, tome 2
Auteur : M. R. Carey
Éditeur : L’Atalante
Date de publication : 2022 (mars)

Synopsis : Ils étaient trois ou quatre, ça dépend comment on veut compter : il y avait Koli, chassé de son village, et c’est lui qui raconte l’histoire ; Ursala, une guérisseuse itinérante ; Tasse, une fille rescapée d’une secte d’illuminés ; et, quatre ou pas, Monono, un tech mais aussi une fille dans un boîtier. Et ils étaient en route vers Londres à travers une végétation hostile, guettés par des bêtes vicieuses et parfois des ennemis humains plus redoutables encore. Le voyage serait long, les épreuves ardues, et Londres existerait-elle encore ? Elle était seule face à tout un village, et c’est elle aussi qui raconte l’histoire. Enfin celle qui se passe à Mythen-Croyd, où la maladie avait frappé et que Toupie avait éradiquée en se servant d’un tech qui n’était pas le sien…

Angleterre post-apo : le voyage continue !

Six mois seulement après la parution du premier tome de la nouvelle trilogie de M. R. Carey (à qui on doit notamment le roman à succès « Celle qui a tous les dons »), les éditions L’Atalante nous font la bonne surprise de publier le second volume des aventures de Koli, dont j’avais particulièrement apprécié les prémices. Sans surprise, cette suite se révèle d’un aussi bon niveau que le précédent opus, avec un rythme qui a même tendance à s’accélérer et qui s’accompagne notamment d’une évolution sensible (et réussie) du mode de narration. [Attention : Si vous n’avez pas encore eu l’occasion de découvrir le premier tome de la trilogie, je vous conseille de ne pas lire la suite de ce paragraphe mais de passer directement au suivant, au risque de vous faire spoiler une partie de l’intrigue du « Livre de Koli ».] On retrouve notre héros là où on l’avait laissé, à savoir sur la route en compagnie de deux femmes (et demi…) et en route pour Londres, ville désormais disparue mais à l’emplacement de laquelle ils sont parvenus à capter un signal radio. Le roman se passe dans une Angleterre post-apo où la flore est finalement venue à bout de presque tous les humains et dans laquelle le peu de vestiges de notre époque fait l’objet d’une véritable vénération et se révèle déterminant pour la survie des communautés qui sont parvenues à s’établir dans cet environnement hostile. Désormais possesseur de l’un de ces artefacts, une sorte de MP3 intelligent dont l’IA est parvenue à s’affranchir de ses codes pour acquérir sa propre autonomie, Koli continue son exploration, lui qui n’était jusqu’à présent jamais sorti de son village. Il nous en apprend ainsi un peu plus sur la manière dont s’est reconfigurée cette région du monde suite aux guerres et aux cataclysmes ayant causé la quasi-extinction de l’humanité. Malgré l’absence de Koli, l’auteur continue de nous narrer également l’évolution de son village natale par la voix de Toupie, l’amie d’enfance du héros, qui prend à son tour la plume pour nous exposer, en alternance avec lui, les bouleversements qui ont agité la communauté de Mythen-Croyd suite au départ du jeune homme.

Un vrai page-turner

Cette double narration, loin de casser le rythme du récit, lui donne au contraire davantage de dynamisme, au point que, si le premier tome se lisait déjà avec beaucoup de facilité, on est tenté de dévorer celui-ci d’une seule traite. Le voyage de Koli est semé d’embûches et les difficultés s’enchaînent, qu’elles soient causées par une faune et une flore particulièrement agressives, des rencontres inattendues ou encore la découverte de vestiges pré-apocalypse plus ou moins faciles à appréhender. M. R. Carey évite toutefois tous les écueils de ce type de récit, parvenant ainsi à surprendre son lecteur à plusieurs reprises tout en se gardant bien de recycler les sempiternels clichés propres au post-apo. La dimension écologique de l’oeuvre saute évidemment aux yeux, mais l’auteur évoque aussi quantité d’autres sujets brûlant d’actualité comme la transidentité ou notre rapport aux IA, le tout avec beaucoup de sensibilité. Les chapitres consacrés à Toupie se révèlent tout aussi passionnants et permettent de décentrer le regard du lecteur et d’ainsi avoir une autre lecture d’un événement ou une autre vision d’un personnage. L’intégration de la jeune fille à la famille des Remparts nous donne également l’opportunité d’en apprendre davantage sur le fonctionnement et l’histoire du village qui recèle encore bien des secrets. Plus encore que dans le récit de Koli, M. R. Carey joue la carte du suspens, notamment via la mise en scène d’une épidémie ravageant la communauté et dont Toupie va, un peu malgré elle, être embarquée dans une enquête pour en comprendre l’origine. Le passage de l’un à l’autre des narrateurs se fait de manière très naturel et participe évidemment à entretenir la curiosité du lecteur, à la fois frustré de quitter le premier protagoniste dans une posture généralement délicate, mais aussi ravi de retrouver le second. Ce côté feuilletonnant fonctionne à merveille et se voit même régulièrement renforcé par quelques propos plus ou moins sibyllins des narrateurs qui préparent régulièrement le lecteur à la survenue d’un événement douloureux ou décisif.

Un héros ordinaire

Outre la qualité de l’intrigue, le plus gros point fort du roman se situe toujours du côté de ses personnages, Koli en tête. M. R. Carey nous livre ici le portrait d’un héros profondément bienveillant et dont la candeur, loin d’agacer, se révèle au contraire extrêmement rafraîchissante. Plus méfiante, car plus éprouvée par la vie, Toupie est elle aussi très bien campée, et on admire pour sa part sa capacité d’adaptation et son intelligence. Loin de se cantonner au rôle de figurants, les personnages secondaires sont tout aussi réussis, qu’il s’agisse d’Ursula, la hargneuse mais attachante guérisseuse qui accompagne Koli, de Tasse, ancienne adversaire qu’on apprend peu à peu à mieux cerner, de la pétillante IA Monono, mais aussi des habitants de Mythen-Croyd, à commencer par les membres de la famille Vennastin dont certains se révèlent bien plus ambigus que ce qu’on pouvait penser dans le premier tome. La narration, elle, est toujours aussi fluide, le choix de la première personne aidant à s’immerger plus rapidement dans le récit. Certains choix grammaticaux ou orthographiques ne sont néanmoins pas anodins et contribuent à renforcer ce curieux mélange de continuité/rupture entre notre époque et celle de Koli. L’usage du subjonctif est ainsi une fois encore abandonné, ce qui peut parfois faire tiquer, et certains mots continuent d’être écrits avec une orthographe approximative en phonétique, ce qui s’explique par une transmission devenue exclusivement orale. Les pistes avancées ici pour la suite sont quant à elle prometteuses, même si, compte tenu du rythme auquel avance le récit, on a un peu de mal à voir comment l’auteur parviendra à terminer son récit en un seul volume sans frustrer son lecteur, avide de réponses. Le troisième et dernier volume de « Rempart » devrait paraître en fin d’année selon un rythme de publication particulièrement soutenu et bénéfique pour l’oeuvre.

Aussi rythmé et captivant que le premier, ce second tome de la trilogie « Rempart » de M. R. Carey séduit autant par la qualité de ses personnages que par celle de son intrigue que l’on suit avec enthousiasme du début à la fin, sans temps mort. Si vous êtes friands de romans d’aventure bien ficelés et de héros sympathiques (à défaut d’être tout-puissant), vous y trouverez assurément votre compte. Reste à découvrir si le final, qui devrait paraître fin 2022, sera à la hauteur du reste de la trilogie.

Voir aussi : Tome 1 ; Tome 3

Autres critiques : Célinedanaë (Au pays des cave trolls) ; Le nocher des livres

Antiquiste passionnée d’art, de cinéma, de voyage et surtout grande lectrice des littératures de l’imaginaire (fantasy essentiellement).

5 commentaires

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