Science-Fiction

Symposium inc.

Titre : Symposium inc.
Auteur : Olivier Caruso
Éditeur : Le Bélial’ (collection Une Heure Lumière)
Date de publication : 2021 (août)

Synopsis : Le jour de ses dix-huit ans, Rebecca Bertrand a commis l’irréparable. Au couteau. Dans un déferlement de violence rien moins qu’effroyable. Rebecca Bertrand, fille de Stéphane Bertrand, ce génie des neurosciences en passe de révolutionner la biotechnologie à l’échelle du monde avec sa firme Neurotech. Que s’est-il passé dans la tête de Rebecca pour se livrer à une telle atrocité ? Le jour de sa majorité ? Sur sa propre mère ? C’est tout l’enjeu du procès en passe de s’ouvrir, et ce qu’Amélie Lua, charismatique ténor du barreau, devra découvrir. Et vite, si elle veut éviter la perpétuité à sa cliente. Car déjà la vox populi des réseaux sociaux omniprésents a rendu son verdict… et quelque part, dans les secrets du cerveau malade d’une jeune femme, entre la pianiste assassinée, le scientifique révolutionnaire et l’avocate en quête d’absolu, patiemment, une araignée tisse sa toile…

Un drame familial enflamme les réseaux

Et une pépite de plus pour la collection « Une Heure Lumière » du Bélial ! Habitué au format court, Olivier Caruso nous livre ici une novella captivante qui ravira les amateurs de science-fiction et qui n’est pas sans faire penser, par les thématiques évoquées aussi bien que par les choix narratifs réalisés, à l’une des auteures majeures de la SF américaine : Nancy Kress. Le texte met en scène le point de vue de deux personnages qui vont se retrouver au coeur d’une bataille juridique déterminante pour l’avenir de la société. Le premier est un scientifique de renom, à l’origine de la popularisation d’un système de détection et d’affichage des constantes de notre corps, et plus particulièrement de notre cerveau. Le second est une brillante avocate réputée invincible mais en proie à des problèmes d’alcool et hantée par une vieille histoire d’amour. Le rapport entre les deux ? Rebecca, fille du premier et filleule non désirée de la seconde, qui vient de se rendre coupable, quelques heures seulement après ses dix-huit ans, du meurtre de sa mère. Dans cette société futuriste hyper-connectée, le fait divers ne manque pas de faire la Une et de déchaîner les passions sur les réseaux sociaux. D’ailleurs, les premières tendances rendant compte de l’opinion publique ne font pas un pli : Rebecca est un monstre, et doit être condamnée à la peine maximale pour son crime. Sollicitée par le père de la jeune fille, qu’elle a connu il y a bien longtemps, pour assurer sa défense, Amélie n’a que quelques semaines pour retourner l’opinion en faveur de sa cliente et tenter de comprendre comment fonctionne le cerveau de cette étrange jeune fille atteinte d’un kyste cérébral à même de déclencher des pulsions meurtrières. La novella alterne donc entre le point de vue du père, qui tente par tous les moyens de faire sortir sa fille de prison, et celui de l’avocate qui se débat avec ses propres souvenirs tout en tentant de comprendre les circonstances du drame et de trouver les arguments les plus à même de faire acquitter sa cliente.

Neurosciences et société

Le texte s’apparente à un véritable thriller d’anticipation, et il est difficile de ne pas être tenté de le lire d’une traite. La construction du récit telle qu’imaginée par Olivier Caruso y est pour beaucoup, l’intérêt du lecteur étant sans arrêt relancé par un rebondissement ou une révélation qui viennent rebattre les cartes et accroître les enjeux. Je le disais, la novella m’a beaucoup fait penser à ce que peut également produire dans le même genre Nancy Kress, puisqu’on retrouve ici un certain nombre de thématiques communes, à commencer par les potentiels bouleversements de société provoqués par l’influence de la science et de ses innovations dans les années à venir (manipulation de notre cerveau, déterminisme génétique, influence des réseaux…). Tout comme l’autrice, Olivier Caruso a également à cœur de placer l’humain au centre de son récit, si bien que des sujets qui pourraient paraître trop complexes pour des lecteurs dotés d’un faible bagage scientifique deviennent ici parfaitement accessibles. N’ayez donc crainte si, comme moi, vous n’entendez rien aux neurosciences ! Le but de l’auteur est avant tout d’interroger la société et d’imaginer quelles pourraient être ses évolutions et choix dans l’éventualité où le fonctionnement de notre cerveau pourrait être aisément modifié. Le suspens est également largement entretenu par les implications personnelles du drame pour les deux personnages, si bien que le lecteur attend avec la même impatience aussi bien le verdict du procès que les révélations concernant le passé commun des protagonistes. C’est la présence de cette dimension humaine qui permet à l’émotion d’affleurer à plusieurs reprises dans le récit, notamment par le biais d’Amélie, avocate pugnace prête à tous les coups bas pour gagner mais aussi profondément vulnérable et souvent en proie aux doutes.

Les amateurs de SF trouveront une fois encore leur compte avec ce trente-troisième ouvrage de la collection « Une Heure Lumière » qui réunit tous les ingrédients d’une bonne novella : une construction habile, des thématiques de société traitées avec subtilité, des personnages complexes et attachants, et surtout une chute magistralement bien amenée. A découvrir absolument !

Autres critiques : Aelinel (La bibliothèque d’Aelinel) ; Les chroniques du Chroniqueur ; Ombrebones (Chroniques de l’imaginaire)

Passionnée d'histoire (surtout le XIXe siècle) et grande lectrice des littératures de l’imaginaire (fantasy essentiellement) mais aussi d'essais politiques et de recherches historiques. Ancrée très à gauche. Féministe.

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