Fantasy

Les maîtres-enlumineurs, tome 2 : Le retour du hiérophante

Titre : Le retour du hiérophante
Cycle/Série : Les maîtres-enlumineurs, tome 2
Auteur : Robert Jackson Bennett
Éditeur : Albin Michel
Date de publication : 2021 (septembre)

Synopsis : Une des quatre maisons marchandes de Tevanne est tombée. Sancia Grado et ses associés ont non seulement changé l’histoire de la cité, mais ils ont aussi créé Interfonderies dans le but de démocratiser l’art magique de l’enluminure. Mais la jeune entreprise a beau accomplir des prouesses, celles-ci ne suffisent pas à la maintenir à flots. Non seulement la concurrence est rude, mais les grandes maisons marchandes de Tevanne sont prêtes à tout pour écraser Sancia et l’idéal qu’elle représente. Alors que la situation est déjà bien précaire, une ancienne puissance vogue en direction de Tevanne : un hiérophante. Un adversaire qui connaît et maîtrise l’enluminure mieux que personne, qui est en outre très intéressé par Sancia et ses pouvoirs. Pour survivre à cette menace qui la dépasse et sauver ceux qu’elle aime, la jeune femme devra percer le secret le mieux gardé de l’univers, celui des origines de l’enluminure.

Aux origines de l’enluminure

Après un premier tome remarquable qui mettait en avant des personnages bien construits, une intrigue palpitante et un système de magie astucieux, l’attente était forte envers ce second opus qui se déroule plusieurs années après les événements racontés dans « Les maîtres enlumineurs ». [Attention SPOILERS : si vous n’avez pas encore eu l’occasion de lire le volume précédent, je vous invite à passer directement au paragraphe suivant.] On y retrouve Sancia et ses acolytes à la tête de leur propre maison marchande, mais avec un mode de fonctionnement totalement différent de celui ayant cours jusqu’à présent à Tevanne puisque l’objectif n’est pas ici de développer secrètement de nouvelles enluminures pour assurer le prestige du clan, mais de faire progresser la discipline en démocratisant leur utilisation à l’ensemble de la ville, privée jusque là d’innovations majeures et dont les habitants vivaient donc dans des conditions misérables. Les autres maisons marchandes n’ont toutefois pas dit leur dernier mot, et la petite équipe d’Interfonderie doit faire face à quantité de nouveaux défis qui n’entament en rien leurs nobles ambitions. Celles-ci vont néanmoins devoir être mises en arrière plan en raison de la résurgence d’une très vieille menace sur le point de réduire à néant tous leurs projets : le retour du premier et du plus puissant des hiérophantes à Tevanne. Pour l’empêcher, Sancia, Bérénice, Orso et Gregor vont devoir faire preuve de beaucoup d’imagination afin de repousser plus loin encore les limites de l’enluminure, tout en tentant de percer les mystères de ses origines. Si le premier tome avait suscité chez moi un enthousiasme sans réserve, je serais en revanche beaucoup plus nuancée concernant ce deuxième volet qui, s’il reprend en partie les recettes du précédent, n’en accumule pas moins un certain nombre de défauts qui finissent par provoquer, si ce n’est l’ennui, du moins la lassitude du lecteur. Et la perte de l’effet de surprise concernant la découverte du système de magie imaginé par Robert Jackson Bennett n’est pas la seule raison qui explique les faiblesses de ce second tome.

Une suite en demi-teinte…

Parmi les principaux bémols, on peut sans aucun doute mentionner un gros souci de rythme. En effet, alors que le premier volume était parvenu à maintenir un dynamisme constant, alternant efficacement entre scènes de tension et moments plus intimistes propres à mettre l’accent sur la personnalité des protagonistes, le récit se trouve ici plombé par un ventre-mou sacrément long qui, sans être totalement ennuyeux, n’en demeure pas moins très en dessous de ce à quoi l’auteur nous avait habitué jusqu’à présent. Le second aspect responsable du manque d’attractivité de ce deuxième tome tient qu’en à lui à la surenchère à laquelle se livre Robert Jackson Bennett tout au long du roman par le biais du personnage de Crasedes, le fameux hiérophante. Super méchant pétri de bonnes intentions mais bien décidé à imposer son utopie par la force la plus brute, le personnage se révèle caricaturale et donne lieu, de part sa nature, à une débauche de scènes, certes spectaculaires, mais néanmoins très exagérées et surtout très redondantes. L’auteur a pris beaucoup de temps dans le premier tome pour nous expliquer le fonctionnement et les limites de son système d’enluminures, et là, soudainement, c’est comme si plus aucune règle n’avait cours : budget illimité, tout le monde fait ce qu’il veut ! Là où « Les maîtres enlumineurs » pouvait ainsi prendre des allures de roman d’espionnage, tout en finesse, « Le retour du hiérophante », lui, mise tout sur l’action la plus pure, devenant ainsi une sorte de blockbuster enchaînant les scènes de baston au cours desquelles le méchant peut faire étalage de ses pouvoirs presque illimités. Cette accumulation d’affrontements ne laisse que peu de temps aux personnages de se poser pour échafauder des plans ou réfléchir aux implications de ce qu’il vient de se passer, si bien qu’on a à plusieurs reprises l’impression de ne faire que survoler les enjeux qui étaient pourtant habilement exposés dans le premier tome.

… mais des pistes prometteuses

En dépit de ces bémols qui sont venus doucher mon enthousiasme, ce deuxième tome est malgré tout loin d’être mauvais. On retrouve ainsi avec joie les personnages emblématiques du volume précédent, avec une attention particulière portée sur Gregor, guerrier taciturne dont la nature fait l’objet de nouvelles révélations, et Bérénice, la brillante apprentie d’Orso qui n’a visiblement pas fini d’étonner par l’ampleur de sa maîtrise de l’enluminure. Sancia, elle, occupe à nouveau le devant de la scène mais les révélations concernant son passé de même que son évolution psychologique sont évoquées de façon très marginale. Orso est lui aussi un peu mis sur la touche, ce qui est dommage dans la mesure où il s’agissait d’un des personnages les plus travaillés dans « Les maîtres enlumineurs ». L’auteur a également toujours le sens du coup de théâtre, si bien que l’intérêt du lecteur est constamment relancé par des rebondissements ou révélations qu’on n’avait pas vu venir (même si, cette fois, d’autres sont un peu plus prévisibles). Les nouvelles têtes qui font leur apparition ici sont pour leur part plutôt fades : Crasedes est, on l’a dit, trop caricatural, Valéria trop froide et Polina sous-exploitée, même si son intégration au récit laisse entrevoir d’intéressantes perspectives pour la suite. Car oui, il y aura une suite (qui n’est pas encore parue en VO), et, si l’arc narratif du premier tome prenait fin de manière satisfaisante, ce n’est absolument pas le cas ici puisque les dernières scènes relancent au contraire complètement l’histoire. Les pistes évoquées par l’auteur concernant la suite de son récit sont d’ailleurs assez prometteuses et c’est avec curiosité que j’attends de voir quelle direction prendra la série, en espérant toutefois qu’elle tiendra davantage du premier opus que du second.

Lecture en demi-teinte pour ce deuxième volet des aventures de Sancia et ses compagnons. Si l’univers et les personnages imaginés par l’auteur font toujours leur effet, la débauche de magie à laquelle se livrent les protagonistes pour combattre un méchant tout-puissant, de même que la multiplication à outrance de scène d’action et d’affrontement finissent par desservir le propos du roman qui perd alors en subtilité et en attrait. Qu’en sera-t-il de la suite… ?

Voir aussi : Tome 1 ; Tome 3

Autres critiques : Aelinel (La bibliothèque d’Aelinel) ; Apophis (Le culte d’Apophis) ; Célindanaé (Au pays des cave trolls) ; Fantasy à la carte ; Le nocher des livres ; Les Chroniques du Chroniqueur

Passionnée d'histoire (surtout le XIXe siècle) et grande lectrice des littératures de l’imaginaire (fantasy essentiellement) mais aussi d'essais politiques et de recherches historiques. Ancrée très à gauche. Féministe.

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