Essai

Les Empoisonneurs – Antisémitisme, islamophobie, xénophobie

Les empoisonneurs

Titre : Les Empoisonneurs : Antisémitisme, islamophobie, xénophobie
Auteur : Sébastien Fontenelle
Éditeur : Lux [site officiel]
Date de publication : 20 août 2020

Synopsis : Quotidiennement, des agitateurs prennent d’assaut les tribunes pour attiser colères identitaires et passions xénophobes. Leur brutalité verbale, qui vise principalement les «migrants» et les «musulmans», rappelle la violence de ceux qui, dans la première moitié du siècle précédent, vilipendaient les «métèques» et les «juifs». De la même façon que les droites d’antan vitupéraient contre le «judéo-bolchevisme», leurs épigones fustigent l’«islamo-gauchisme», qu’ils associent à l’antisémitisme.
Or ces mêmes accusateurs font parfois preuve d’une étonnante complaisance lorsqu’ils se trouvent confrontés, dans leurs alentours culturels et idéologiques, à des considérations pour le moins équivoques sur les juifs ou sur l’histoire de la Seconde Guerre mondiale. Soudain ils deviennent magnanimes et peuvent même trouver à leurs auteurs des circonstances atténuantes. Et ainsi se perpétue l’abject.

Les Empoisonneurs, c’est un tout petit livre, mais astucieux et efficace, car il n’y a pas besoin d’écrire pendant des pages et des pages pour démontrer que la vie politique française garde un fond d’extrême-droite. C’est ce que propose donc de faire Sébastien Fontenelle chez Lux avec cet ouvrage sous-titré « antisémitisme, islamophobie, xénophobie ».

Nationalisme, identitarisme : le rejet de l’Autre

En effet, ces trois dimensions (« antisémitisme, islamophobie, xénophobie ») renvoient au même fantasme qui veut que pour une société fonctionne, il faudrait qu’elle soit le plus homogène possible, que ce soit culturellement, ethniquement ou religieusement. Or, cette vision très réduite de la politique est celle de l’extrême-droite et nous sommes dans une période où elle est largement défendue. Bien sûr, on pourrait prendre l’approche numérique : les représentant.e.s du « Rassemblement National », de la « Droite Populaire », de « Valeurs Actuelles », de « Boulevard Voltaire », de « Génération Identitaire » (désormais dissoute) et de quantité d’autres de la même famille politique (la droite légitimiste constituant le bloc le plus réactionnaire) occupent les plateaux des médias mainstream presque autant que les autres droites (libérale ou orléaniste et conservatrice ou bonapartiste). On pourrait également aborder la multiplication des menaces de plus en plus concrètes de ce que certains appellent « l’ultradroite », mais qui n’est qu’une version armée des idéologiques nationalistes, voire fascistes, que nous avons déjà connues. Ici, le choix de l’auteur se porte davantage sur les mots, sur des événements littéraires symboliques, mais symptomatiques d’un climat bien malsain.

Légitimation médiatique

Par la voix ou la plume d’écrivains portés par un milieu bourgeois qui s’autosatisfait, ce sont autant de Zemmour, de Finkielkraut ou de Camus (Renaud, hein, pas Albert !) qui sont légitimés alors que leurs propos véhiculent le pire des rejets xénophobes et devraient être condamnés pénalement (heureusement, parfois, c’est bien le cas : Zemmour est un exemple de délinquant multirécidiviste). Or, leur vision des choses est celle qui est la plus mise en valeur par les médias dominant du début du XXIe siècle par la « fait-diversion », la constante recherche de buzz et la focalisation sur des thématiques accrocheuses à base de peur sécuritaire et attisement d’un identitarisme sectaire, on parle désormais de « zemmourisation » tant les interventions d’Éric Zemmour, faciles, non sourcées ou non prouvées (rappelons qu’il n’est pas du tout historien, alors qu’il s’en donne les airs), font désormais école pour des générations d’anciennes figures médiatiques (Jean-Claude Dassier, Ivan Rioufol par exemple) ou de jeunes figures montantes (. Le pire est même que, « zemmourisation » des discours ou non, l’émotion est de toute façon à géométrie variable : l’antisémitisme, par exemple, est abject certes, mais l’est médiatiquement moins si c’est un antisémitisme bourgeois, là ça en deviendrait presque pardonnable (l’exemple de Yann Moix en 2019 est alors un cas d’école). Enfin, cela fait plaisir de lire un ouvrage qui fait clairement le lien entre les attaques contre les prétendus « judéo-bolchéviques » du début du XXe siècle et celles contre les prétendus « islamo-gauchistes » du début du XXIe ; le parallèle est si évident que c’est aberrant de ne toujours pas le voir constamment rappeler. À chaque fois, le groupe religieux associé au groupe politique n’est qu’un prétexte pour construire une « anti-France » qu’il faudrait abattre au plus vite de peur qu’elle soit une cinquième colonne pour un ennemi qui nous assaille… Même si ces pensées sont rarement produites directement par les médias mainstream, en revanche ils ont la possibilité de les mettre en valeur en déplaçant la « fenêtre d’Overton », en les légitimant encore une fois. C’est malheureusement classique comme propagande, mais comme quoi, il y a toujours besoin de la réexpliquer.

Les Empoisonneurs est donc un ouvrage qui ouvre de bonnes pistes de réflexion en posant les cadres de pensées identitaires qui nous sont trop souvent imposés et contre lesquels il convient de lutter.

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Kaamelotien de souche et apprenti médiéviste, tentant de naviguer entre bandes dessinées, essais historiques, littératures de l’imaginaire et quelques incursions vers de la littérature plus contemporaine. Membre fondateur du Bibliocosme.

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