Science-Fiction

La fontaine des âges

Titre : La fontaine des âges
Auteur : Nancy Kress
Éditeur : Le Bélial (collection Une Heure Lumière)
Date de publication : 2021 (février)

Synopsis : Max Feder est riche. Immensément. Une fortune aux origines troubles, mais après tout, qu’importe ? Car Max Feder va mourir. Et dans ses vieux jours, ses derniers mois, le plus précieux de ses trésors se résume à une bague et ce qu’elle contient, le symbole d’un amour aussi ancien qu’absolu. Éternel, littéralement, puisque l’objet de son amour perdu ne peut pas mourir… Or il semble bien que pour Max Feder, au crépuscule d’une vie tumultueuse, le temps soit venu d’entreprendre un ultime voyage, celui de toutes les remises en question, de tous les possibles…

Quel intérêt ? Stopper la flèche du temps jusqu’à se retrouver d’un coup d’un seul à, pile vingt ans plus tard, à l’état de cadavre ? On pouvait bien sûr comprendre ce désir de la part de vieillards déliquescents, voire même de mourants plus ou moins épargnés par la souffrance. Mais quantité de gens moins âgés recevaient le traitement D. Des hommes et des femmes brûlant de rester jeunes au prix de leur propre vie. Et ce jusqu’à certains très jeunes athlètes. Des danseurs. Des holostars. Dingue.

L’éternelle jeunesse, ça vous tente ?

Depuis un peu plus de cinq ans maintenant, la collection Une Heure Lumière du Bélial permet au lectorat français de se familiariser avec les textes d’auteurs et autrices réputé(e)s, ici ou outre-atlantique, le tout par le biais d’un format court n’excédant que rarement la centaine de pages. Déjà présente parmi les premiers auteurs mis en avant par la collection (« Le nexus du docteur Erdmann »), Nancy Kress fait sont retour avec un nouveau texte dans lequel on reconnaît sans mal la patte de cette prolifique autrice américaine récompensée par de nombreuses distinctions propres au milieu de la SF. On y retrouve l’une des thématiques phares de l’autrice qui s’attarde à nouveau sur les conséquences à long terme que pourrait avoir telle ou telle innovation scientifique sur la société en générale, et sur certains individus en particulier. Après les modifications génétiques visant à influer sur le sommeil (« L’une rêve l’autre pas ») ou bien l’analyse par l’état d’éventuels problèmes génétiques de tous ses citoyens afin d’exclure les plus à risque du système de santé (« La montagne ira à Mahommet »), c’est cette fois la question du non vieillissement du corps et de l’éternelle jeunesse qui taraude Nancy Kress. La novella met en scène un homme à l’aube de sa vie et qui a manifestement réussi sa vie professionnelle en passant à côté de sa vie sentimentale. Son fils et ses petits-enfants ne semblent lui inspirer aucune sympathie, et il en va de même pour la femme qui a partagé l’essentiel de sa vie. La seule chose à même de l’émouvoir est une bague dans laquelle réside un souvenir de son premier et unique amour, une jeune femme rencontrée il y a une éternité de cela à Chypre. L’histoire aurait pu être belle, mais la vie en a décidé autrement, du moins jusqu’à ce que le milliardaire vieillissant ne se décide à renouer avec son passé.

Nexus docteur Erdmann

L’humain et la science

Comme souvent dans les récits de Nancy Kress, la science se trouve au cœur de la réflexion de l’autrice, mais ce sont les personnages et leurs choix face à des innovations aux possibilités vertigineuses qui occupent essentiellement le devant de la scène. Ainsi, nul besoin d’être particulièrement calé dans le domaine de la génétique ou de la médecine pour comprendre les implications des nouveautés imaginées par l’autrice. Ici, c’est la perspective de repousser la mort tout en conservant sa jeunesse qui a provoqué d’énormes remous dans la société après qu’une entreprise se soit spécialisée dans un traitement capable de figer le corps à l’âge actuel du participant, avec toutefois un inévitable couperet vingt ans plus tard. Le thème de la vie éternelle ou de l’élixir de jouvence est loin d’être original mais le récit de Nancy Kress a cela d’intéressant qu’il insiste moins sur la manière dont cette expérience pourrait être réalisée que sur les conséquences qu’une telle possibilité aurait sur la société dans son ensemble. C’est cette volonté de l’autrice de placer encore et toujours l’humain au cœur de ses écrits qui me font d’ordinaire apprécier ses textes, mais force est de reconnaître que l’implication émotionnelle est ici un peu limitée. La faute à un protagoniste assez odieux et au sort duquel on a par conséquent du mal à compatir. Le récit comporte pourtant quelques beaux moments d’émotion, malheureusement souvent parasités par les réactions méprisables du héros. Les personnages secondaires sont plus touchants, notamment dans leurs tentatives de renouer avec cet homme arrogant et froid, mais demeurent trop peu développés pour compenser véritablement l’absence de protagoniste auquel s’identifier. La plume de l’autrice est en revanche toujours aussi agréable et l’intrigue bien ficelée, avec des rebondissements qui parviennent à surprendre et une conclusion en demi-teinte parfaitement adaptée à l’ambiance générale du texte qui s’apparente parfois davantage à un thriller qu’à un récit de science-fiction.

Lecture en demi-teinte pour cette novella signée par une ponte de la SF qui s’interroge ici sur les effets potentiels d’un accès à un traitement capable de stopper le vieillissement d’un corps humain. Malgré la qualité de la réflexion fournie par l’autrice j’ai été quelque peu rebutée par l’antipathie provoquée par le personnage principal dont on peine parfois à comprendre les motivations et les émotions. On reste cela dit sur du bon cru, à l’image de ce que propose toujours la collection Une Heure Lumière du Bélial.

Autres critiques : Aelinel (La bibliothèque d’Aelinel) ; Célindanaé (Au pays des cave trolls) ; Les Chroniques du Chroniqueur ; Tigger Lilly (Le dragon galactique)

Antiquiste passionnée d’art, de cinéma, de voyage et surtout grande lectrice des littératures de l’imaginaire (fantasy essentiellement).

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