Fantasy

La Tour de Garde – Capitale du Sud, tome 1 : Le sang de la cité

Titre : Le sang de la cité
Cycle/Série : Capitale du Sud, tome 1 [La Tour de Garde]
Auteur : Guillaume Chamanadjian
Éditeur : Aux forges de Vulcain
Date de publication : 2021 (avril)

Synopsis : Enfermée derrière deux murailles immenses, la cité est une mégalopole surpeuplée, constituée de multiples duchés. Commis d’épicerie sur le port, Nox est lié depuis son enfance à la maison de la Caouane, la tortue de mer. Il partage son temps entre livraisons de vins prestigieux et sessions de poésie avec ses amis. Suite à un coup d’éclat, il hérite d’un livre de poésie qui raconte l’origine de la cité. Très vite, Nox se rend compte que le texte fait écho à sa propre histoire. Malgré lui, il se retrouve emporté dans des enjeux politiques qui le dépassent, et confronté à la part sombre de sa ville, une cité-miroir peuplée de monstres.

Un projet à quatre mains ambitieux

« Le sang de la cité » est le premier roman se déroulant dans l’univers partagé de « La Tour de Garde » qui sera exploité de façon complémentaire par deux auteurs : Claire Duvivier (autrice du très remarqué « Un long voyage », dont le prochain ouvrage est prévu pour octobre 2021) et Guillaume Chamanadjian. Tous deux ont pour objectif d’écrire une trilogie consacrée chacune à deux cités majeures : Dehaven dans le cas de Claire Duvivier (« Capitale du Nord ») et Gemina pour Guillaume Chamanadjian (« Capitale du Sud ») qui inaugure donc ici la saga de « La tour de garde ». Nous voilà plongé dans une sorte de cité-état inspirée de la Renaissance italienne dans laquelle plusieurs grandes familles se partagent le pouvoir. Parmi elles, la maison de la Caouane a connu une ascension fulgurante suite à sa victoire sur un clan rival, entièrement annihilé à l’exception de deux enfants à l’origine incertaine, retrouvés enfermés dans une prison souterraine lors de l’assaut final. C’est l’un d’eux qui va nous servir de narrateur pour cette histoire, un adolescent du nom de Nox dont la vie se partage entre le Moineau-du-Fou, chef lieu du camp de la Caouane, et Saint-Vivant, établissement particulièrement renommé chez les gourmets et pour lequel il assure le rôle de commis, livrant vin et sucrerie à tout le gratin de la cité. Son quotidien va toutefois être chamboulé par le projet ambitieux du duc Servaint de construire un canal traversant la cité de part en part afin de faciliter l’acheminement des marchandises. Un projet grandiose qui suscite énormément d’hostilité, notamment de la part des maisons du centre de la cité qui seraient alors privées de leur rôle d’intermédiaire et des bénéfices que cette position engendre. Bien malgré lui, Nox va se retrouver entraîné dans des intrigues politiques qui le dépassent alors que le duc entend le mettre à profit tour à tour en tant que diplomate ou assassin.

Plongée dans une cité chaleureuse et mystérieuse

Pour un premier tome, on peut dire que « Le sang de la cité » se révèle particulièrement prometteur. Le roman met en scène une cité d’inspiration méditerranéenne, à mi-chemin entre de grandes villes italiennes comme Siennes ou Gênes ou d’une cité portuaire comme Marseille. Véritable labyrinthe de ruelles et quartiers impossibles à cartographier précisément, la ville de Gemina séduit immédiatement par la chaleur qui se dégage de ses habitants, ainsi que par les secrets qu’on y devine enfouis. Cette première ballade nous permet de nous familiariser avec l’atmosphère de la ville et ses monuments ou quartiers les plus emblématiques. L’auteur fait énormément appel à nos sens, à commencer par l’ouïe, l’odorat et le goût qu’il parvient efficacement à retranscrire au lecteur qui salivera plus d’une fois à la description des spécialités culinaires locales. Le découpage par clan est intéressant et rappelle là encore les cités italiennes de la Renaissance dont l’auteur semble également s’être inspiré pour ses intrigues politiques. Complots, alliances et trahisons sont en effet au cœur de ce premier tome qui met en scène la confrontation entre plusieurs maisons rivales de Gemina. Par cet aspect, le roman a un petit côté « Gagner la guerre » (la gouaille et le protagoniste retors en moins) tout en s’inspirant pas mal de l’« Assassin royal ». On a en effet avant tout affaire à un récit initiatique au cours duquel on assiste à la transformation de Nox en assassin au service du duc qui l’a recueilli. La formation du héros est toutefois loin d’être l’unique centre d’intérêt du roman qui, comme dans la série de Robin Hobb, s’attache également à décrire le quotidien du personnage, loin des intrigues de cour. On suit ainsi le jeune homme dans ses courses pour livrer tel ou tel met délicat dans la capitale, on le voit également se lier d’amitié avec d’autres jeunes de son âge mais aussi manger, jouer, déambuler dans les rues… Loin d’être anecdotiques ou ennuyantes, ces scènes permettent de mieux cerner le personnage aussi bien que la cité dont on apprend peu à peu les codes et les spécificités.

Des personnages convaincants

Le début souffre cela dit de quelques longueurs et de légers problèmes de rythme, problèmes toutefois vite résolus dans la deuxième partie du récit qui se fait bien plus trépidante. La politique prend alors peu à peu le pas sur le quotidien (un peu répétitif) de Nox et permet à l’auteur de surprendre agréablement le lecteur par plusieurs retournements de situation joliment amenés. Parmi les nombreuses qualités dont peut se targuer le roman, on peut également mentionner les personnages, et notamment le protagoniste et narrateur. Un peu lent à la détente parfois mais d’une grande gentillesse et animé par une volonté de bien faire et de ne pas blesser, Nox est un personnage très sympathique qu’on prend énormément de plaisir à suivre dans ses pérégrinations au sein de la cité. L’auteur a l’intelligence de nous épargner le stéréotype de l’ado rebelle qui passerait la moitié du roman a combattre les plans fomentés pour lui par le duc et son entourage pour nous offrir à la place un jeune homme mature, qui a bien conscience de ce qu’il doit à la maison qui l’a recueilli et des obligations qui vont de paire avec son nouveau statut. Le récit offre également une belle galerie de seconds-couteaux qui ne demandent qu’à s’étoffer et qui possèdent des origines sociales variées, du fils d’une petite propriétaire d’un vignoble à la fille d’un duc en passant par la capitaine de la garde de la Caouane ou encore une apprentie artiste-peintre. La conclusion de ce premier tome offre une fin satisfaisante, l’arc narratif développé ici étant d’une certaine manière terminé, mais la curiosité est forte de découvrir ce qui attend la cité dans les prochains volumes.

Pari réussi pour Guillaume Chamanadjian qui inaugure avec talent l’univers de la Tour de Garde qu’on ne peut qu’être ravi de voir s’étoffer sur cinq autres tomes. L’intrigue, bien qu’un peu lente à se mettre en route, est habilement construite et parvient efficacement à maintenir en éveil l’intérêt du lecteur jusqu’à la toute fin. Le narrateur, lui, séduit par la sympathie qu’il dégage ainsi que par sa simplicité, de même que par le sentiment communicatif qui l’habite d’être pris dans un engrenage complexe. Une belle découverte, qu’il me tarde de prolonger avec le roman de Claire Duvivier cet automne.

Voir aussi : Capitale du Sud : Tome 2 ; Tome 3 ; Capitale du Nord : Tome 1 ; Tome 2 ; Tome 3

Autres critiques : Aelinel (La bibliothèque d’Aelinel) ; Baroona (233°C) ; Célindanaé (Au pays des cave trolls) ; Les Chroniques du Chroniqueur ; Le dragon galactique ; Le nocher des livres

Antiquiste passionnée d’art, de cinéma, de voyage et surtout grande lectrice des littératures de l’imaginaire (fantasy essentiellement).

11 commentaires

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