Les Affaires du Club de la Rue de Rome (janvier-août 1891)
Titre : Les Affaires du Club de la Rue de Rome (janvier-août 1891)
Autrice fictive : Adorée Floupette
Nouvelles : « L’Étrange chorée du Pierrot blême » (Léo Henry) ; « L’Effroyable affaire des souffreuses » (Raphaël Eymery) ; « Coquillages et crustacés » (luvan) ; « Les Plaies du ciel » (Johnny Tchekhova)
Éditeur : La Volte [site officiel]
Date de publication : 23 janvier 2020
Synopsis : Jamais sans doute n’a-t-on connu personnalité plus énigmatique qu’Adorée Floupette, ni ouvrage plus mystérieux encore que son propre auteur que ces Affaires du club de la rue de Rome écrites par cette même Adorée Floupette. Ces enquêtes composent une saga d’aventures historiques prenant place dans le Paris fin-de-siècle, entre les brumes de la gare Montparnasse et les berges de Seine encombrées par les bouquinistes d’époque. Jadis intitulé M***, 1890’s, ce recueil de mystères policiers met en scène Stéphane Mallarmé, Pierre Louÿs ou Octave Mirbeau, sur la piste de disparitions inexpliquées ou de crimes surnaturels. Autour d’eux règne un Mal ambigu, indéfinissable et effroyable, dont on ne sait s’il se joue des détectives ou du lecteur.
SUIVRE LE CLUB DE LA RUE DE ROME, C’EST ENTRER DANS UN DÉDALE MYSTIQUE DONT ON NE RESSORT PAS TOUJOURS SAUF. ET PAS TOUJOURS TRÈS SAIN : VOUS VOILÀ PRÉVENUS.
Une inquiétante épidémie aux symptômes mortels qui frappe les jeunes filles. Un Pierrot lunaire s’évaporant sous les yeux de ses poursuivants. Une tête qui trône sans corps à la manière d’un sphinx d’outre-tombe.
Seuls d’authentiques enquêteurs, familiers de l’horreur et du fantastique, sauraient résoudre ces affaires qui nous plongent chacune à sa manière dans une surprenante spirale macabre.
C’était la première fois que le Maître lui confiait une tâche à responsabilité : une occasion immanquable de faire ses preuves au sein du Club de la rue de Rome.
Une fois n’est pas coutume, les éditions La Volte éditent durant cette année 2020 un recueil de nouvelles sous un pseudonyme collectif : Adorée Floupette. Elle nous présente ses Affaires du Club de la Rue de Rome.
Principe très méta
Les Affaires du Club de la Rue de Rome sont une aubaine. Tout d’abord pour quatre auteurs (Léo Henry, Raphaël Eymery, luvan et Johnny Tchekhova) qui ont l’occasion de réunir leur plume pour créer un univers commun, ensuite pour Adorée Floupette et ses disciples, car cette autrice méconnue du début du siècle dernier a, ô grand malheur, vu son œuvre être disséminée aux quatre vents par les hasards de l’histoire, c’est Léo Henry, grâce à bien d’autres hasards, qui a pu réunir quelques notes ça et là afin de reconstruire des récits malheureusement perdus. Enfin, c’est une aubaine pour de nombreux auteurs de la fin du XIXe siècle, car ils sont réunis en ces pages par le truchement de quelques aventures scabreuses : le Club de la Rue de Rome ressemble à une société secrète où Stéphane Mallarmé règne en Maître, recrutant comme il l’entend des enquêteurs de l’étrange qui ne sont autres que des écrivains bien connus (Oscar Wilde, Alphonse Allais, Octave Mirbeau, Arthur Rimbaud et bien d’autres à découvrir). Ces enquêtes sont l’occasion de fouiller le Paris de la fin du XIXe siècle et de plonger dans les affres du symbolisme et du décadentisme, français comme anglais.
Un recueil au goût étrange
Les quatre nouvelles qui se succèdent entre janvier et août 1891 sont très cohérentes, mais optent pour des thématiques assez rudes. « L’Étrange chorée du Pierrot blême », de Léo Henry, commence doucement en nous narrant l’enquête dans certains cabarets parisiens d’Alphonse Allais et surtout Jane Avril pour élucider le « mystère » d’un Pierrot qui inquiète fort le Maître du club de la rue de Rome ; l’enquête devient burlesque quand se mêlent les danses et les vapeurs d’absinthe. Puis « L’Effroyable affaire des souffreuses », de Raphaël Eymery, nous emmène dans une face sombre de certains écrivains, notamment britanniques : pour déjouer un mystère où de jeunes fillettes souffrent le martyr, le Maître fait appel à Oscar Wilde et à ses amis décadentistes.
Le « Coquillages et crustacés », de luvan, aborde la fascination de sociétés secrètes pour l’obscur et le grandiloquent, ici en lien avec l’univers marin. Enfin, « Les Plaies du ciel », de Johnny Tchekhova, misent sur les mésaventures de Judith Gautier dans un Paris hanté par les morts grotesques et monstrueuses de poètes en détresse.
Ressenti
Clairement, nous sommes, avec ce recueil, dans un exercice de style très marqué. Le symbolisme est parfois difficile à comprendre, tant il mise sur l’abscons, notamment cette obsession pour le personnage de Stéphane Mallarmé qu’on peut à peine cerner, malgré quatre récits dans son giron. Le premier récit, celui de Léo Henry, est probablement le plus abouti ; le deuxième récit, de Raphaël Eymery, a lui aussi des qualités littéraires certaines, par contre le propos, l’intrigue monopolisent l’attention. Ainsi, le fait de suivre des écrivains aimant s’entourer constamment de petites filles pour leur faire le thé et leur raconter des histoires trouble un brin, mais les entendre rabâcher, sans vis-à-vis, que les femmes ne sont que flétrissures passé 12 ans, bon… Voilà. Même en sachant pertinemment que les autrices et auteurs de ce recueil ne sont pas débauchés comme leurs personnages, ça fait quand même rude à lire. D’ailleurs, je crois bien que la lecture de cette deuxième nouvelle m’a tellement gêné par moments, qu’enchaîner sur les deux suivantes leur en a coûté. « Coquillages et crustacés », de luvan, ne me laisse pas un souvenir impérissable, loin de là ; comme dans Susto, l’autrice m’a malheureusement perdu avec son style ; ses idées ont l’air captivantes, mais sa façon de les placer me les rendent cryptiques, c’est dommage. Enfin, « Les Plaies du ciel », de Johnny Tchekhova, semble un premier texte publié tout aussi intéressant mais qui ne gagne pas forcément à se trouver en dernier dans ce quatuor. D’une façon générale, les idées qui surnagent me transportent plutôt : les conditions de vie des classes populaires dans un Paris déshumanisé et embourgeoisé, la dureté du XIXe siècle en matière d’inégalités femmes-hommes, la corruption morale et physique de nombreux écrivains de l’époque donnant lieu à des écrits troublants (le fameux C.L.D.), etc. Mais, pour les apprécier, il est nécessaire de surpasser une écriture volontairement chargée, misant sur le cru et le grotesque jusqu’à l’écœurement (les vomissures de toutes les parties du corps sont légion). J’imagine très bien que ces récits montrent les abus du décadentisme (du peu que j’en connais en tout cas), mais qu’il est difficile de trouver un contrepoint à ces abus dans ces récits ! Anecdotique sûrement, mais intéressant quand même : les rares moments positifs sont ceux où c’est une protagoniste (Judith Gautier ou Jane Avril par exemple) qui vit l’action.
Ces écrits « retrouvés » d’Adorée Floupette pourront fasciner autant que lamenter, tant ils veulent amener le lecteur à l’hermétisme bien connu du poète Mallarmé ; malheureusement, cela peut être le lecteur qui peut se sentir à hermétique à cette littérature quand c’est poussé à l’extrême, c’est dommage.
Autres critiques :
Charybde
Marc Ang-Cho (Les Chroniques du Chroniqueur)
Cette critique est la 26e de ma participation au Projet Maki 2020.
3 commentaires
Jean-Claude ROUQUET
Le site de la BNF recense UN Adoré Floupette. Poète déliquescent. Est il possible qu’il s’agisse du même ?
Dionysos
Non, c’est un ancien pseudo pour deux auteurs de cette époque-là, les quatre auteurs reprennent ici le principe avec une Adorée Floupette (en tout cas, c’est ce que j’en ai compris). 🙂
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