Fiction historique

Maus – Intégrale

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Titre : Maus – Intégrale
Scénariste et dessinateur : Art Spiegelman
Éditeur : Flammarion
Date de publication : 1998
Récompenses : Prix Angoulême 1988 et 1993(meilleur album étranger) ; Prix Pulitzer 1992

Synopsis : Art Spiegelman retrace le destin de ses parents, juifs polonais déportés par les nazis, entre 1939 et 1945. Maus, auquel l’auteur a consacré treize ans de sa vie, est aussi le récit de retrouvailles entre un père et un fils après des années d’incompréhension. Bande dessinée exceptionnelle par son sujet, Maus l’est aussi par son audience : l’œuvre de Spiegelman a séduit le public au-delà des amateurs de BD en apportant la preuve de la capacité du genre à s’emparer des thèmes les plus ardus.

Note 5.0

Je pense à mon livre… c’est tellement présomptueux de ma part. J’veux dire, je n’arrive même pas à comprendre mes relations avec mon père. Comment pourrais-je comprendre Auschwitz ? L’holocauste ?

 

Des témoignages sur l’holocauste, il y en a eu beaucoup. Et heureusement, tant il est essentiel pour nous comme pour les générations futures de préserver la mémoire de ces événements, aussi douloureux qu’ils puissent être. Parmi ceux que j’ai eu l’occasion de découvrir, aucun ne m’aura toutefois autant remué que celui rapporté ici par Art Spiegelman. « Maus », c’est d’abord l’histoire d’un homme pris dans la tourmente nazie et tentant tant bien que mal de survivre et de veiller sur les siens. C’est aussi l’histoire de l’auteur lui-même et de sa relation avec ce père avec lequel il a toujours eu du mal à communiquer et qu’il redécouvre par le biais de son récit. L’entrelacement des deux récits est tout bonnement bouleversant et permet de livrer un témoignage original de l’enfer vécu par le peuple juif tout au long de la Seconde Guerre mondiale. Le premier tome couvre la période des années 1930 à l’hiver 1944 et relate la montée progressive du nazisme et, avec lui, la rapide dégradation des conditions de vie des Juifs de Pologne. Ce sont d’abord des pogroms au cours desquels ils sont nombreux à trouver la mort. Puis arrivent les lois et décrets leur interdisant de tenir un commerce et les obligeant à quitter leur logement pour s’installer dans des ghettos où les conditions de vie sont déplorables. Et puis c’est finalement l’épuration, inexorable et impitoyable : les Juifs âgés de plus de 70 ans sont les premiers à être déportés, puis c’est au tour des invalides, des familles nombreuses, des enfants et puis finalement de tous ceux qui restent. Les quelques Juifs ayant réussi à échapper aux rafles en sont réduis à se terrer comme des rats, ou plutôt ici des souris, pris au piège de leur félin tortionnaire.

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On reste complètement hébété devant l’accumulation de tant d’horreurs que l’on souhaiterait de tout cœur n’être que le fruit de l’imagination morbide de l’auteur tout en sachant pertinemment qu’il n’en est rien. Le témoignage livré ici est accablant et rendu d’autant plus insupportable par un fait rapidement confirmé par le père du narrateur : ils savaient. Dès le début des années 1940, les Juifs savaient ce qu’il se passait à Auschwitz et savaient qu’on les envoyait à la mort. Mais comment lutter face à l’efficacité et implacabilité de la machine de guerre nazie ? Après des années passées à se terrer, à voir disparaître un à un tous les êtres qui leur étaient chers, Vladek et Anja finissent par eux aussi rejoindre la file des déportés. C’est à ces quelques mois passés à Auschwitz par les parents de l’auteur qu’est consacré le deuxième tome, une expérience à laquelle tous deux survivront miraculeusement, échappant non seulement aux chambres à gaz mais aussi aux mauvais traitements, à la maladie et aux marches de la mort. Pour contrebalancer l’horreur du récit, l’auteur intercale tout au long de l’ouvrage de nombreux passages dans lesquels il se met lui-même en scène en train de construire son livre et de renouer avec son père. Un père pour lequel on éprouve évidemment beaucoup de compassion tout en ne pouvant s’empêcher de le trouver insupportable dans ses vieux jours. Les dessins quant à eux pourront au premier abord rebuter (surtout de jeunes lecteurs, ce qui est bien dommage) mais servent parfaitement le propos, la représentation des personnages en animaux n’atténuant en rien le choc ressenti par le lecteur.

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Avec « Maus », Art Spiegelman signe une très grande œuvre proposant une vision novatrice et plus bouleversante encore de l’histoire des Juifs de Pologne pendant la Seconde Guerre mondiale. A lire et à faire lire pour ne pas oublier et surtout ne plus jamais recommencer.

Voir aussi : Auschwitz ; Jan Karksi : L’homme qui a découvert l’holocauste ; Young : Tunis 1911 – Auschwitz 1945

Antiquiste passionnée d’art, de cinéma, de voyage et surtout grande lectrice des littératures de l’imaginaire (fantasy essentiellement).

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