Les Sentiers des Astres, tome 1 : Manesh
Titre : Manesh
Cycle : Les sentiers des astres, tome 1
Auteur : Stefan Platteau
Éditeur : Les Moutons Électriques
Date de publication : 2014 (avril)
Récompenses : Prix Imaginales 2015 (meilleur roman francophone)
Synopsis : Quelque part dans la nordique forêt du Vyanthryr, les gabarres du capitaine Rana remontent le fleuve vers les sources sacrées où réside le Roi-diseur, l’oracle dont le savoir pourrait inverser le cours de la guerre civile. À bord, une poignée de guerriers prêts à tout pour sauver leur patrie. Mais qui, parmi eux, connaît vraiment le dessein du capitaine ? Même le Barde, son homme de confiance, n’a pas exploré tous les replis de son âme. Et lorsque les bateliers recueillent un moribond qui dérive au fil de l’eau, à des milles et des milles de toute civilisation, de nouvelles questions surgissent. Qui est Le Bâtard ? Que faisait-il dans la forêt ? Est-il un danger potentiel, ou au contraire le formidable allié qui pourrait sauver l’expédition de l’anéantissement pur et simple ?
Nous avons quitté Yvachrir sur le lac, dernière communauté au nord du monde, trois bonnes semaines après la fonte des neiges, à bord des deux gabarres turquoises rachetées aux pêcheurs freyanthi. Dans mon souvenir, ce ne sont que de longs chalands vaguement rectangulaires qui traînent leur coque plate à contre-courant ; mais je sais que Varagwynn, et d’autres compagnons, n’en reparleraient pas ainsi. Ils diraient : « c’était les meilleurs bateaux que l’on puisse trouver pour remonter le Framar vers sa source. Leurs flancs étaient bardés d’esprits protecteurs, des poissons ors accompagnaient leur course, les ondines et les nixes chevauchaient leur sillage. Leurs girouettes étaient d’ivoire finement ajouré, et dans ces girouettes, le vent chantait des mantras. » Qui suis-je pour les contredire ?
Dépeint comme un savant mélange entre Robin Hobb et Robert Holdstock, et vanté par Justine Niogret ou encore Jean-Philippe Jaworski comme une véritable révélation, c’est dire comme ce premier tome de la trilogie « Les sentiers des astres » signé Stefan Platteau était attendu ! Et si on aurait habituellement raison de se méfier de ces compliments entre auteurs souvent hasardeux et trompeurs, le terme de pépite ne me paraît pour une fois pas usurpé dans le cas de « Manesh ».
Perdues dans les lointaines et impénétrables forêts du Nord, deux gabarres menées par une petite compagnie dirigée par le chef de guerre Kalendûn Rana entreprennent plus ou moins aisément de remonter le cours du fleuve à la recherche d’un ancien oracle baptisé « le Roi-diseur ». Mais le Vyanthryr est traître, et on trouve parfois de bien étonnantes surprises dans les profondeurs de ses eaux… On pourrait certes reprocher à l’ouvrage quelques longueurs et un léger essoufflement du rythme lors de certains passages, mais au-delà de cela il faut bien avouer que le roman de Stefan Platteau se révèle être une véritable réussite, embarquant le lecteur dans un voyage envoûtant aux côtés de personnages fascinants. Parmi eux : Fintan Calathynn, notre narrateur, second du capitaine de l’expédition mais aussi et surtout barde, et de ce fait fort habile dès qu’il est question de manier les mots ; et surtout le fameux Manesh, le Bâtard de Marmach comme certains aiment à le nommer. Deux hommes d’exception, chacun à leur manière, et dont les récits constituent la trame de ce premier volume. A Manesh le passé : son origine, son enfance et ses aventures jusqu’à sa rencontre avec les membres de l’équipée de Kalendûn Rana ; au Barde le présent : la découverte du Bâtard et le déroulement de leur voyage sur le fleuve. Avec un talent remarquable, Stefan Platteau tisse les fils d’une intrigue dense et complexe dont les nombreux rebondissements ne cessent de surprendre le lecteur qui ne peut qu’attendre avec avidité que les différents protagonistes se décident enfin à livrer leurs secrets.
Bien que l’action s’y fasse finalement plutôt rare, on ne peut s’empêcher de se passionner pour le récit livré au compte-goutte aussi bien par le Barde que par le Bâtard, personnages aussi attachants et énigmatiques l’un que l’autre. Mais le tour de force de l’auteur tient surtout à l’ambiance dont il a su imprégner son histoire. Une ambiance fortement inspirée de plusieurs civilisations antiques dont Stefan Platteau est parvenu à retranscrire toute l’étrangeté et la complexité, notamment en choisissant de faire de son univers un lieu où résiderait encore une poignée d’antiques êtres magiques. Esprits primordiaux de la terre, Semeur de feu, Pâtre noir, Lunaires et Solaires…, elles sont nombreuses, les créatures fabuleuses des légendes, à peupler encore le royaume de l’Héritage et c’est avec émerveillement ou effroi que le lecteur fait connaissance, plus ou moins brièvement, avec certains de ces êtres fabuleux. Difficile de ne pas penser lors de la lecture au « Même pas mort » de Jean-Philippe Jaworski qui s’inspirait lui aussi amplement de la civilisation celtique et dont on retrouve ici quelques caractéristiques. Il y aurait beaucoup plus à dire mais « Manesh » est de ces ouvrages dont il est difficile de parler et qu’il convient plutôt de découvrir par soi-même pour en saisir toute la beauté et les subtilités. Un dernier mot malgré tout sur le style de l’auteur qui manie sa plume avec un talent admirable et donne ainsi naissance à des scènes ou des dialogues d’une rare intensité et par lesquels on se laisse complètement happer.
Un premier tome remarquable qui prend le lecteur au piège dès les premières lignes pour ensuite ne plus jamais le lâcher. Des personnages profonds et attachants, une plume évocatrice et non dénuée d’une certaine poésie, un univers envoûtant et qui recèle encore d’innombrables possibilités : autant d’ingrédients qui font de ce « Manesh » un ouvrage d’une grande saveur dont il me tarde de découvrir la suite. Sans aucun doute l’un de mes premiers gros coups de cœur de cette année 2014.
Voir aussi : Tome 2 ; Tome 3 ; Tome 4 ; Tome 5
Autres critiques : Anne Chauvel (Librairie Mollat), Caro (Carolivre), Cédric Jeanneret (Reflets de mes lectures), Célindanaé (Au pays des cave trolls), Cendre (L’Antre de Cendre), Doris (La Magie des Mots), Dup (Book en Stock), Elhyandra (Le monde d’Elhyandra), Gillossen (Elbakin), Jean-Philippe Brun (L’ours inculte), Julien Ecrancher (Les Chroniques d’Anacréon), Marque-ta-page, Nicolas Winter (Just a Word) ; Xapur (Les Lectures de Xapur) ; Yossarian (Sous les galets, la page)
Aucun commentaire
Lorhkan
Il avait été annoncé comme une gross révélation, ça semble être le cas, tant mieux !
Voilà qui me donne sacrément envie !
Boudicca
J’espère que tu apprécieras ta lecture autant que moi 🙂
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