Fantasy

La Maison des jeux, tome 1 : Le Serpent

Le Serpent

Titre : Le Serpent (The Serpent)
Cycle/Série : La Maison des jeux, tome 1
Auteur : Claire North
Éditeur : Le Bélial’ (Une Heure-Lumière) [site officiel]
Date de publication : 24 mars 2022 (2019 en VO)

Synopsis : Venise, 1610.
Au cœur de la Sérénissime, cité-monde la plus peuplée d’Europe, puissance honnie par le pape Paul V, il est un établissement mystérieux connu sous le nom de Maison des Jeux. Palais accueillant des joueurs de tous horizons, il se divise en deux cercles, Basse et Haute Loge. Dans le premier, les fortunes se font et se défont autour de tables de jeux divers et parfois improbables. Rarement, très rarement, certains joueurs aux talents hors normes sont invités à franchir les portes dorées de la Haute Loge. Les enjeux de ce lieu secret sont tout autre : pouvoir et politique à l’échelle des États, souvenirs, dons et capacités, années de vie… Tout le monde n’est pas digne de concourir dans la Haute Loge. Mais pour Thene, jeune femme bafouée par un mari aigri et falot ayant englouti sa fortune, il n’y a aucune alternative. D’autant que l’horizon qui s’offre à elle ne connaît pas de limite. Pour peu qu’elle gagne. Et qu’elle n’oublie pas que plus élevés sont les enjeux, plus dangereuses sont les règles…

Coup de coeur

Prenez garde à ne pas vous perdre trop profondément dans le jeu. L’émotion est une faiblesse, mais les joueurs restent humains ; les pièces aussi ; si vous oubliez le sens de l’amour ou de la peur, vous ne verrez plus le plateau clairement.

Autrice anglaise connue pour Les Quinze premières vies d’Harry August, Claire North propose avec Le Serpent un roman court mettant en scène une héroïne confrontée à des choix cornéliens et à sa soif de vivre, le tout dans l’écrin habituel des récits de la collection Une Heure-Lumière du Bélial’ !

Héroïne cherche raison de vivre

Thene est l’épouse honnie de Jacomo de Orcelo, bourgeois endetté vivant dans la Sérénissime Venise du début du XVIIe siècle. Accompagnant son mari à la Maison des Jeux, elle découvre un monde où les enjeux divergent. Si la Basse Loge a tout d’un casino classique, la Haute sélectionne drastiquement ses joueurs, pour le bon plaisir de la Maîtresse des Jeux. C’est justement son cas et on lui propose de « jouer » au Jeu des Rois : à la manière d’un tarot où les cartes sont des alliés, des pions à utiliser dans la ville, Thene fait face à trois antagonistes qu’elle ne connaît pas, dans une lutte acharnée pour faire triompher son Roi (un aristocrate vénitien) et l’asseoir au poste de Tribun. Plus qu’un divertissement aux considérables enjeux, il s’agit aussi pour Thene de se trouver une raison de vivre plus longtemps, autrement que cette vie de femme bafouée, mais au prix sûrement de pertes qu’elle n’imagine pas encore. Toutefois, au fur et à mesure que le jeu des Rois se déploie, elle comprend que l’égalité de départ n’est que de façade et que bien des dés ont déjà été lancés…

Jeu d’intrigues et de vitesse

Coups bas, corruption et coups de théâtre sont autant d’armes entre les mains de Thene et de ses concurrents pour mettre au pouvoir l’homme qui leur sert d’étendard. Chaque personnage est une pièce de l’intrigue prenant le surnom d’un élément de tarot (la Reine de Coupe, la Tour, le Valet d’Épée, le Fou, le Trois de Deniers, etc.) ; leur histoire, souvent tragique, vient justifier leur embrigadement dans cette aventure macabre (c’est l’occasion à chaque fois d’un portrait brossé en quelques phrases mais redoutablement efficace). Il en est ainsi du simple aspirant pris dans les filets de l’intrigue à cause d’une simple dette, comme du puissant intrigant qui cherche à s’accommoder la Maîtresse des Jeux : Seluda, Belligno, Contarini, Faliere et Tiapolo sont autant d’aristocrates issus de la bourgeoisie marchande vénitienne qui tentent par tous les moyens de s’adjuger le pouvoir sur la Sérénissime. L’autrice en profite pour approfondir notre connaissance des enjeux politiques et économiques de la société vénitienne renaissante : la puissance du commerce vers l’Orient et les Turcs ottomans, les bas coups liés aux vendettas familiales et même quelques stratégies matrimoniales, plaçant ça et là contre leur gré des filles bien nées mais mariées de force. De plus, en toile de fond, on devine que La Maison des Jeux correspond à une institution plurimillénaire qui s’insinue dans les arcanes du pouvoir à son seul profit en usant de tout moyen, même magique. La narration, rythmée et implacable, maintient la tension jusqu’à la fin, dans un format dense et concis parfaitement adapté à cette belle collection Une Heure-Lumière dont l’illustration de couverture d’Aurélien Police sert admirablement le propos et l’envie de lire.

Le Serpent est donc un récit ô combien palpitant, dont deux suites sont en cours de traduction par Michel Pagel (pour automne 2022 et hiver 2023).

Voir aussi :
Tome 2 ; Tome 3

Autres critiques :
L’Épaule d’Orion

Kaamelotien de souche et apprenti médiéviste, tentant de naviguer entre bandes dessinées, essais historiques, littératures de l’imaginaire et quelques incursions vers de la littérature plus contemporaine. Membre fondateur du Bibliocosme.

Un commentaire

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.