Sortir du rang
Titre : Sortir du rang
Auteur/Autrice : Rodolphe Casso
Éditeur : Aux forges de Vulcain
Date de publication : 2025 (mars)
Synopsis : Almería, directrice de la communication de la corporation Sierra Vista, découvre des informations confidentielles concernant les risques pour la santé liés à un nouveau produit agro-industriel fabriqué par l’entreprise. Elle décide alors de renoncer à son ambition et de voler ces informations afin de les rendre publiques. Commence alors une chasse à l’homme – chasse à la femme ? – qui la mènera des tours de La Défense à la Pinosa, une colonie minière désaffectée, juchée sur une montagne des Pyrénées-Orientales, où un survivaliste attend la fin du monde dans un bunker flambant neuf.
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C’est l’histoire d’une lanceuse d’alerte et d’un survivaliste…
Rodolphe Casso est un auteur que j’ai découvert il y a quelques années grâce à « Nécropolitains », un roman post-apo qui venait rompre avec les récits de zombies traditionnels. Rien à voir ici puisque « Sortir du rang » ne relève pas de l’imaginaire mais du thriller. Le roman met en scène une jeune femme travaillant pour une grande industrie qui découvre par hasard des documents attestant du caractère hautement dangereux pour la biodiversité autant que pour la santé humaine des produits vendus par la multinationale (toute ressemblance avec Bayer Monsanto est évidemment le fruit du hasard…). Bien que n’ayant pas spécialement l’âme d’une activiste, Alméria va pourtant être tellement choquée par le contenu de ces documents qu’elle va décider d’endosser le rôle de lanceuse d’alerte en récupérant les infos pour tenter de les transmettre aux journalistes. Son entorse aux règles de sécurités édictées par l’entreprise n’est cependant pas passée inaperçue, si bien que cette dernière ne tarde pas à l’identifier comme la source de la fuite. Désireux d’empêcher à tout prix la jeune femme de divulguer ces informations compromettantes à un quelconque média, ses anciens patrons vont aller jusqu’à embaucher une équipe de tueurs à gage, payés pour lui régler son compte. Ces derniers se lancent alors dans une traque implacable à la poursuite d’une proie qui n’a aucune idée du danger qu’elle encoure, ni de la meilleure façon de passer inaperçu. Parallèlement à l’histoire d’Alméria, on suit le quotidien d’un homme vivant reclus avec son chien dans un bunker aménagé dans les montagnes des Pyrénées-orientales. Là, le survivaliste chasse, entretient son potager, écoute de la bonne musique, et ne descend que rarement au village voisin où, de toute façon, il n’est pas vraiment le bienvenu. Enfin, une troisième trame narrative émerge de temps à autre et relate l’histoire d’un réseau de résistance installée dans la montagne au moment de la Seconde Guerre mondiale à l’initiative des habitants de ce même village.
Lecture en demi-teinte
Le roman est court et nerveux, si bien qu’il se lit vite mais je ressors mitigée de ma lecture. J’ai beaucoup aimé la trame narrative propre au survivaliste qui m’a permis de retrouver certains aspects qui m’avaient plu dans « Nécropolitains », à commencer par la bande-son qui, là encore, s’avère particulièrement réjouissante. Bien qu’on peine dans un premier temps à comprendre le rapport avec l’intrigue principale, j’ai aussi aimé l’histoire autour de ce fameux réseau de résistance à propos duquel l’auteur s’est minutieusement documenté (et pour cause…!). Ma déception vient en revanche de l’intrigue consacrée à Alméria qui m’a parue peu plausible et trop simpliste. Qu’il s’agisse de la découverte des documents incriminants ou de la réaction de l’entreprise, tout manque de crédibilité, et ce d’autant plus qu’on ne sait rien pendant la quasi totalité du roman de la teneur des révélations qui ont tant choqué la lanceuse d’alerte. Les réactions de cette dernière sont quant à elles systématiquement à côté de la plaque et la condamne à subir les événements tout au long du récit. A l’exception de sa décision initiale (à propos de laquelle l’auteur ne s’appesantit jamais, ce qui aurait permis de comprendre le conflit intérieur ou les éventuels doutes qui animent l’héroïne), Alméria est trop souvent cantonnée au rôle de simple spectatrice, transbahutée d’un lieu à un autre dans une fuite en avant permanente qui peine à captiver. Globalement j’ai été dérangée dans ce roman par le traitement des personnages féminins que j’ai trouvé très stéréotypés, tout comme le comportement des personnages masculins à leur égard. Les tueurs à gage cochent à ce sujet toutes les cases de la caricature, laissant sur leur route plusieurs cadavres de femmes tabassées puis sauvagement tuées et n’oubliant jamais de traiter leur cible de « salope ». Le cliché se poursuit avec la rencontre entre les deux protagonistes qui prend un tournant convenu et, à nouveau, peu crédible. Alors je sais bien que le fantasme apparaît souvent en littérature comme au cinéma mais, non, il n’y a aucune chance pour qu’une femme, seule, craignant pour sa vie et ayant rencontré un homme depuis moins de 48 heures ait envie de s’envoyer en l’air avec lui ! Les thématiques abordées sont quant à elles intéressantes (les différentes réactions provoquées par le désastre écologique en cours, la dénonciation de l’écocide commis par les grandes multinationales, la surveillance généralisée…) mais sont traitées de façon trop superficielles.
Bilan mitigé pour « Sortir du rang », dernier roman de Rodolphe Casso dans lequel l’auteur délaisse l’imaginaire pour le thriller et nous raconte la fuite désespérée d’une lanceuse d’alerte poursuivie par des tueurs à gage après qu’elle ait volé des documents incriminant la multinationale pour laquelle elle travaille. Si les intrigues secondaires sont intéressantes, la principale manque malheureusement de crédibilité, tout comme l’héroïne qui s’avère bien trop stéréotypée et à laquelle on peine à s’identifier.
Autres critiques : ?


