Rossignol

Titre : Rossignol
Auteur/Autrice : Audrey Pleynet
Éditeur : Le Bélial (collection Une Heure Lumière)
Date de publication : 2023 (mai)
Synopsis : Lointain futur. Espace profond. Plus qu’une prouesse technologique, la station est une expérience. Politique, sociale, économique, philosophique. Ainsi, au sein de ce gigantesque assemblage minier peuplé d’espèces venues de tous horizons, les stationniens se définissent moins en fonction de leurs origines que de leurs pourcentages génétiques. Melting-pot utopique, la station offre de fait un refuge de tolérance unique au cœur de la Galaxie — une vie en symbiose gérée par les Paramètres qui adaptent l’environnement aux différentes morphologies, aux contraintes physiques, à toutes les essences du vivant. Ou du moins offrait… De profonds désaccords entre les Spéciens, favorables à la séparation interespèce, et les Fusionnistes, qui œuvrent pour davantage de métissage, cristallisent les tensions. Au milieu de ces courants qu’elle ne maîtrise pas, une femme, stationnienne insignifiante, va devoir choisir son camp, et par là même, peut-être, peser sur le devenir de la station et sa myriade d’habitants.
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Cohabiter, malgré les différences
Cela fait un moment déjà que le nom d’Audrey Pleynet est évoqué comme étant l’une des plumes les plus prometteuses de la SF française. La parution de la novella « Rossignol » dans l’excellente collection Une Heure Lumière du Bélial fournit ainsi l’occasion parfaite (avec un peu de retard en ce qui me concerne) de découvrir le style et les préoccupations de l’autrice. L’action se déroule sur une station spatiale d’un genre assez exceptionnelle puisqu’y cohabitent une multitude d’êtres issus d’un peu partout dans l’univers. Bien que toutes ne possèdent pas les mêmes caractéristiques physiques, et ne nécessitent donc pas des paramètres ou un environnement similaires pour survivre, un mécanisme au fonctionnement oublié mais néanmoins toujours bien huilé permet à toutes ces espèces de cohabiter au sein d’un même espace en une sorte de symbiose. Ce brassage culturel et génétique n’est cependant pas au goût de tout le monde, comme le démontre le succès rencontré par la faction des Spéciens qui souhaiteraient un cloisonnement strict entre les différentes espèces. C’est dans ce contexte que l’on fait la connaissance de notre héroïne, une jeune femme sans histoire qui, par un concours de circonstances plus ou moins malheureuses, va se retrouver entraînée dans le conflit idéologique opposant Spéciens et Fusionnistes. La voilà désormais au pied du mur, forcée de choisir un camp pour lequel elle ira jusqu’au bout, quitte à risquer d’être séparée de son fils. Le roman alterne entre des chapitres au présent, dans lesquels on suit la jeune femme alors qu’elle est poursuivie par l’une des factions pour avoir dérobé quelque chose de visiblement inestimable, et des passages sous forme de flash-back, dans lesquels on remonte le cours de sa vie pour comprendre comment elle a pu en arriver à la situation actuelle.
Un savant mélange d’émotion et de réflexion
J’ai eu un peu de mal à accrocher au début du récit, la faute à un trop grand nombre d’espèces aux caractéristiques nombreuses et variées avec lesquelles il faut prendre le temps de se familiariser. Il en va de même du contexte politique de la station et des enjeux qu’on peine dans un premier temps à cerner, ce qui a tendance à atténuer l’implication émotionnelle des lecteurices. Une fois la première moitié passée, en revanche, je me suis agréablement laissée prendre par le récit de cette jeune femme en fuite désespérée de voir sa station s’effondrer, mais déterminée à lutter jusqu’au bout pour ce en quoi elle croit. Une fois les différentes espèces et leur fonctionnement identifiés, on est également plus à même de savourer l’originalité des trouvailles d’Audrey Pleynet et la qualité du dépaysement ou de la réflexion qu’elles procurent. Le traitement effectué par l’autrice de sa thématique principale, à savoir la question du racisme, avec tout ce que cela engendre de peur de l’autre et de repli sur soi, est convainquant et fait évidemment échos (comme souvent en SF) à des préoccupations très actuelles. Par cet aspect, le texte m’a un peu rappelé ce que peut faire Becky Chambers. En effet, même si Audrey Pleynet ne cherche clairement pas à nous offrir un roman feel-good, on retrouve tout ce même la même volonté de présenter la diversité (même sous des formes particulièrement étonnantes dans le cas de certaines espèces extraterrestres), comme une chance et un enrichissement, et non quelque chose à redouter. Enfin, j’ai été assez sensible à la façon dont l’autrice dépeint la relation entretenue entre la protagoniste et son fils, mais aussi celle, plus ambivalente, entre elle-même et sa mère. Des passages souvent bouleversants qui sont clairement à l’origine de la forte empathie que j’ai fini par développer pour le personnage.
Dans « Rossignol », Audrey Pleynet met en scène une jeune femme menant une vie ordinaire dans une station spatiale dans laquelle s’opposent deux factions ne partageant absolument pas la même conception de la coexistence entre les espèces extraterrestres. En dépit de ma difficulté initiale à m’immerger dans l’histoire, j’ai finalement pris plaisir à suivre le parcours de l’héroïne, tout comme j’ai apprécié la qualité de la réflexion de l’autrice ainsi que sa capacité à faire naître l’émotion chez le/la lecteur/lectrice.
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