Les armées de ceux que j’aime
Titre : Les armées de ceux que j’aime
Auteur/Autrice : Ken Liu
Éditeur : Le Bélial (Une Heure Lumière)
Date de publication : 2024 (novembre)
Synopsis : Ville de Boss, une montagne pleine de coins et de recoins. Temps futurs. Le monde tel qu’on le sait n’existe plus. Ni non plus les sciences, la connaissance du passé ou celle de l’écrit. L’électricité est une magie précieuse. Ce qu’il reste de l’humanité vit sur le dos de cités mobiles qui, comme d’immenses animaux, poursuivent des desseins mystérieux sous l’égide de Pilotes qui le sont tout autant. Franny Fenway a quatorze ans ; elle est orpheline. Et s’il y a une chose que Franny aime par-dessus tout, elle à qui la vieille Prudence a enseigné le pouvoir des « sorts d’histoire », ce sont les questions. « Une question n’indique que le milieu d’une histoire, et non sa fin. » Or, Franny compte bien aller jusqu’au bout du récit de sa propre histoire, de celui de ses origines et du devenir du monde…
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Villes nomades et vestiges de civilisation
Ce n’est pas la première fois que Ken Liu se voit intégrer à la désormais prestigieuse collection Une Heure Lumière du Bélial puisque déjà quatre de ses nouvelles ou novellas y ont été publiées, parmi lesquelles l’inoubliable « L’homme qui mit fin à l’histoire ». Avec « Les armées de ceux que j’aime », l’auteur nous embarque à bord d’une ville mobile dans un décor post apo. L’action se déroule dans un futur indéterminé où les communautés humaines se sont regroupées dans des cités qu’on croirait juchées sur le dos de gigantesques animaux en perpétuel mouvement. S’il reste ici où là quelques vestiges de notre civilisation, à commencer par des branchements électriques encore fonctionnels, le monde dans lequel vit l’héroïne tient désormais plus d’un décor de fantasy dont il devient nécessaire de se familiariser avec les codes. Codes que Franny, elle, a du très vite intégrer pour pouvoir survivre. On fait donc la connaissance d’une jeune femme vivant en marge d’un village et refusant de se mêler aux autres dont on devine rapidement qu’ils sont responsables de l’absence douloureuse de la femme qui l’a élevée. Sa solitude va toutefois voler en éclat lorsqu’un homme fait soudainement irruption dans son abri, poursuivi par ceux là même qu’elle cherche à éviter. Bien que tentée dans un premier temps de le livrer, Franny se ravise lorsqu’il lui apprend qu’il connaît un moyen d’entrer en contact avec les Pilotes, mystérieuses entités contrôlant la trajectoire de la ville. Les voici donc en cavale tous les deux dans un environnement hostile, avec pour seuls soutiens des reliques de notre époque et ce que l’héroïne appelle « les sorts d’histoire ».
Un futur intriguant mais trop imprécis
Le récit est assez ardu, notamment au début, dans la mesure où l’auteur nous projette dans le quotidien de son héroïne mais reste avare en contextualisation. On a ainsi parfois du mal à se représenter la façon dont fonctionne cette ville mobile, certaines de ses règles et de ses acteurs demeurant nébuleux pendant la quasi totalité de la novella. Les interactions de la jeune femme avec ses voisins sont quasi inexistants, si bien que les seuls êtres humains avec lesquels on la voit interagir sont son ancienne protectrice et le fuyard venu frapper à sa porte, ce qui n’est pas suffisant pour s’imprégner de la façon dont les personnages vivent ni comprendre leurs coutumes. Franny est cependant une héroïne attachante, et on suit avec curiosité les péripéties qui s’enchaînent aux côtés de cet inconnu qui l’a arrachée à son quotidien et sa solitude. Le récit se lit donc sans déplaisir mais sans réel engouement non plus, les passages les plus captivants étant finalement ceux qui nous permettent de comprendre le passé de l’héroïne et la relation qu’elle avait tissé avec la femme qui lui a servi de mère. La seconde partie est plus rythmée et apporte un certain nombre de réponses (dont certaines assez prévisibles), mais je suis restée quelque peu sur ma faim. A cette novelle suit une nouvelle, « Alter », un texte bref et auquel je n’ai absolument pas accroché : trop éparpillé, trop abstrait. Anecdote amusante cependant, le récit en question a été rajouté pour éviter un litige juridique, la novella de Ken Liu ayant jusqu’à présent été publiée uniquement sous forme audio, avec interdiction d’adaptation telle quel en format papier, d’où l’ajout.
Dans « Les armées de ceux que j’aime », Ken Liu imagine un futur dans lequel les humains vivraient sur des villes en perpétuel mouvement, tels des parasites sur le dos d’une immense créature. La plume de l’auteur est toujours aussi prenante mais le récit a tendance à laisser les lecteurices sur leur faim car il ne fournit que trop peu d’éléments susceptibles de nous imprégner de cette société futuriste fort peu enviable.
Autres critiques : Célinedanaë (Au pays des cave trolls)