Fantastique - Horreur

Katie

Titre : Katie
Auteur/Autrice : Michael McDowell
Éditeur : Monsieur Toussaint Louverture
Date de publication : 2024

Synopsis : Lorsqu’en 1871, la désargentée et intrépide Philomela Drax reçoit une lettre de son richissime grand-père déclarant qu’il craint pour sa vie à cause d’une famille peu scrupuleuse, les Slape, elle se précipite à la rescousse. Mais le temps presse, car Katie Slape, une jeune femme dotée d’un don de voyance et d’un bon coup de marteau, est sur le point d’arriver à ses fins…

Chassé-croisé sanglant

Les éditions Monsieur Toussaint Louverture poursuivent cette année encore leur travail de réédition et de mise à l’honneur de l’écrivain à succès Michael McDowell, célèbre pour son personnage de Beetlejuice et dont la série « Blackwater », éditée en six volumes en 2022, a relancé l’intérêt du public pour sa bibliographie. Le roman « Les aiguilles d’or », qui mettait en scène la lutte acharnée à laquelle se livrait deux familles radicalement différentes (l’une issue des classes populaires et flirtant avec le banditisme, l’autre appartenant à la haute bourgeoisie) dans le New York du XIXe, possédait lui aussi toutes les qualités d’un bon page-turner, aussi me suis-je tout naturellement empressée de découvrir la dernière pépite dénichée par l’éditeur (et qui dispose une fois encore d’un écrin incroyablement beau et sophistiqué). Interrogé sur l’écriture de ce roman, Michal McDowell répondait : « Katie contient certains de mes meurtres les plus effroyables. C’est sans doute mon livre le plus cruel. C’était très amusant à écrire » Voilà, tout est dit. L’ouvrage est en effet un curieux mélange entre un roman de Jane Austen et Dexter, avec des meurtres en série plus terribles les uns que les autres, le tout sur fond de jeu de chat et souris entre deux jeunes femmes. Un mélange aussi entre macabre et horreur, humour et bons sentiments. Tout commence lorsque Philolela Drax reçoit une lettre de son grand-père, fâché avec sa mère depuis des années. Lettre dans laquelle il lui explique être devenu la proie d’une famille de trois escrocs (John, le père, Hannah, la belle-mère, et Katie, la fille) qui en veulent à son argent et, vraisemblablement, à sa vie. Animée à la fois par la volonté de sauver une vie et par celle de les sortir sa mère et elle de la misère en aidant son riche aïeul, la jeune fille se rend donc chez ce dernier sous l’identité d’une domestique pour ne pas attirer l’attention des Slape. Très vite, Philo comprend que tous trois sont prêts à tout, et se met à redouter aussi bien la violence dont elle les juge capable que le mystérieux don de voyance de Katie qui anticipe chacune de ses actions. C’est le début d’un long chassé-croisé sanglant dans toute l’Amérique entre les deux femmes.

Un page-turner efficace

On retrouve sans surprise ici les mêmes qualités qui ont fait le succès de « Blackwater » ou des « Aiguilles d’or ». Le roman est un véritable page-turner, construit à la manière d’un feuilleton, ce qui permet d’en venir rapidement à bout. L’intrigue met donc en scène deux jeunes filles que l’on va suivre le plus souvent indépendamment l’une de l’autre et dont les rares moments de rencontres se termineront systématiquement en bain de sang. L’auteur renoue ici avec un procédé déjà utilisé dans « Blackwater » et qui repose sur le paradoxe entre la description presque paisible d’un quotidien tout à fait normal mais brutalement rompu par l’arrivée d’un élément perturbateur qui vient faire basculer le récit dans l’horreur. Ici, l’élément en question n’est toutefois pas d’ordre fantastique (même si le roman possède bien une touche de surnaturel par le biais du don de prescience de Katie), mais réside dans les retrouvailles sanglantes entre l’héroïne et ses bourreaux. Deux ambiances totalement différentes cohabitent ainsi dans ce récit. Les chapitres consacrés à Philo ne dépareilleraient ainsi pas dans un roman de Jane Austen puisqu’on y retrouve dépeint le quotidien d’une jeune femme sans le sou qui cherche à sortir de la misère et sous le charme de laquelle un riche prétendant tombera justement (au terme de milles péripéties retardant évidemment sans cesse l’exposition des sentiments de chacun). Les chapitres mettant en scène les Slape, eux, ont au contraire tout du roman d’horreur. Là où Philomela se révèle être une héroïne charmante car pleine d’esprit et débrouillarde, les Slape sont au contraire des personnages extrêmement déplaisants, que ce soit pour leur bêtise, leur cruauté ou encore leur absence totale de scrupules. C’est d’ailleurs ce qui les rend si inquiétants et peut à certains moments donner des frissons aux lecteurices. Le style, lui, est toujours aussi moderne et agréable, la fluidité de la plume de McDowell venant renforcer le caractère feuilletonesque du récit. Petite déception en revanche en ce qui concerne la résolution de l’intrigue qui relève finalement davantage d’un concours de circonstances que de la vengeance mûrement calculée qu’on aurait souhaité voir mise en œuvre.

Michael McDowell signe avec « Katie » un roman haletant bourré de rebondissements, de meurtres sanglants et de méchants bien flippants, mais met aussi en scène une héroïne solaire et attachante qu’on voit peu à peu s’extirper de la misère. On prend finalement autant de plaisir à se promener dans cette Amérique du milieu du XIXe qu’à suivre le chassé-croisé meurtrier auxquelles se livrent les deux héroïnes.

Autres critiques :  ?

Passionnée d'histoire (surtout le XIXe siècle) et grande lectrice des littératures de l’imaginaire (fantasy essentiellement) mais aussi d'essais politiques et de recherches historiques. Ancrée très à gauche. Féministe.

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