Fantasy

La brume l’emportera

Titre : La brume l’emportera
Auteur/Autrice : Stéphane Arnier
Éditeur : Mnémos
Date de publication : 2024 (février)

Synopsis : Dans un monde inexorablement englouti par une brume remontant du passé, Keb Gris-de-pierre, berger de son état, a tout perdu. Maramazoe, guerrière renommée du peuple des mers, est une paria. Autrefois ennemis, ils arpentent ensemble les sentiers de montagne et les crêtes escarpées à la recherche d’une échappatoire, mais également de réponses… Quel qu’en soit le prix. Narrant le destin poignant de deux héros que tout oppose, pris dans les ombres de leur passé et contraints de devoir sceller une alliance pour la survie de leur monde, La brume l’emportera captive de la première à la dernière page par sa voix singulière et son émotion vibrante.

Quand la fantasy rencontre le post-apo

Depuis plusieurs années maintenant, les trois maisons d’édition composant les « Indés de l’Imaginaire » ont pris l’habitude de proposer une fois par an une « pépite », un roman signé par un.e jeune auteur/autrice qui bénéficie d’une mise en avant un peu plus poussée que d’ordinaire. ActuSF étant en pleine transformation et Les Moutons Électriques aux abonnées absents, seule Mnémos a repris le flambeau pour 2024 avec « La brume l’emportera » de Stéphane Arnier. Il s’agit ici d’un roman mêlant en quelque sorte fantasy et post-apo, puisque l’auteur y met en scène un monde presque totalement englouti par une brume étrange que rien ne semble pouvoir arrêter. Ayant émergé il y a maintenant des années, cette dernière a eu pour principale conséquence de faire disparaître toutes celles et ceux qui se sont retrouvés enveloppés par elle, qu’ils soient Dak, habitant.es des montagnes, ou Ta’moaza, conquérant.es des mers, mettant ainsi un terme définitif à la guerre que se livraient les deux peuples. C’est dans ce contexte que l’on fait la rencontre du narrateur, Keb Gris-de-pierre, un Dak qui a perdu tous ceux qu’il aimait dans la brume, à commencer par son épouse et son enfant à naître, et qui tente tant bien que mal de survivre en arpentant les quelques sommets encore épargnés. Là, deux événements inattendus vont complètement chambouler et ses projets et ses certitudes. Le premier consiste en l’apparition, suite à un contact furtif avec la brume, d’un étrange pouvoir lui permettant de plonger dans le passé lorsqu’il retient sa respiration. Le second réside dans sa rencontre avec Maramazoe, une impressionnante guerrière Ta’moaza qui parvient à l’entraîner dans sa folle quête au terme de laquelle elle entend bien parvenir à dissiper la brume.

Une intrigue en dents-de-scie

Le roman met donc en scène une sorte de road-trip dans un monde complètement déserté de ses habitants et qui porte encore les stigmates des drames causés par l’apparition de la brume. Cela donne au récit une atmosphère douce-amère très particulière, les deux personnages n’ayant pas la même conception de ce qui est arrivé, l’un étant prisonnier de son passé, l’autre pleine d’espoir en l’avenir. Le propos du roman est finalement assez philosophique, l’auteur cherchant à nous faire réfléchir sur le souvenir, le deuil, ou encore la façon dont on conçoit le passé et la place qu’on accorde à ses enseignements. On prend donc plaisir à suivre le périple de cet étrange duo, même si toutes leurs péripéties ne sont pas toujours captivantes. En effet, si certains coups de théâtre parviennent efficacement à surprendre et à relancer l’intrigue, celle-ci se révèle finalement assez répétitive et parfois un peu décevante. C’est le cas, entre autre, des scènes de combat qui se déroulent finalement toujours de la même façon et n’offrent que peu de surprises. La faute notamment aux étranges pouvoirs temporels de Keb qui sont utilisés régulièrement au cours de l’histoire mais qui, une fois qu’on a saisi le principe, se révèlent finalement plutôt limités et offrent peu de perspectives. De manière générale, les explications fournies pour tenter de justifier le fonctionnement de tel ou tel phénomène qui peut s’apparenter à de la magie ne sont pas des plus passionnantes et ne parviennent pas vraiment à donner plus de densité à un univers finalement assez restreint. L’auteur nous donne certes des informations sur le contexte pré-catastrophe et sur les spécificités culturelles propres à chaque peuple, mais cela ne suffit pas à rendre l’immersion très profonde.

Des personnages attachants

L’intérêt que l’on porte au récit tient ainsi moins aux ressorts narratifs déployés par l’auteur qu’à l’affection que l’on porte aux deux protagonistes. La relation que le Dak et la Ta’moaza parviennent à tisser constitue en effet à mon sens le principal moteur de cette histoire, peut-être même autant que la quête menée pour tenter de dissiper la brume et comprendre son origine. Keb, notamment, est un personnage très attachant avec lequel on entre très vite en empathie et dont on comprend parfaitement le dilemme qui l’agite pendant une bonne partie du roman. Difficile en effet de résister à la tentation de faire revenir un être cher du passé, même si cela implique que le monde qu’on retrouvera alors sera totalement différent du précédent. Maramazoe est plus difficile à cerner car sa façon de penser nous est sans doute moins familière, ce qui retarde quelque peu l’identification sans parvenir à l’empêcher. Les différences culturelles et physiques entre ces représentants de deux peuples en apparence très différents sont quant à elles astucieusement utilisées, notamment parce qu’elles permettent de déjouer de nombreux stéréotypes (au niveau de la force physique ou encore de la répartition des rôles dans le duo, par exemple). La plume de Stéphane Arnier est pour sa part agréable tandis que les différents choix pris en terme de narration (première personne, récit à posteriori, oralité…) se révèlent assez efficaces.

Dans « La brume l’emportera », Stéphane Arnier met en scène un duo peu commun arpentant les hauts sommets d’un monde déserté pour tenter d’échapper à la brume qui l’a ravagé, mais aussi pour tenter de la dissiper. Si l’intrigue n’est pas toujours à la hauteur, on prend néanmoins plaisir à suivre la quête de ces deux personnages attachants dont on assiste avec émotion à l’amitié en formation, et ce en dépit des stéréotypes et des conflits ayant jusqu’ici opposé leur deux peuples. Sympathique.

Autres critiques : L’ours inculte

Antiquiste passionnée d’art, de cinéma, de voyage et surtout grande lectrice des littératures de l’imaginaire (fantasy essentiellement).

2 commentaires

  • Ma Lecturothèque

    Malgré les quelques bémols concernant l’intrigue, je suis toujours tentée par ce roman – surtout parce que je suis très curieuse et qu’il me fait de l’œil depuis quelques semaines.
    Je prends en compte ton retour et j’espère que, lorsque je le lirai, ayant en tête tout ça, j’apprécie tout de même comme il se doit « La brume l’emportera » 🙂

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