Fantasy

Peines de mots perdus

Titre : Peines de mots perdus
Auteur/Autrice : Jean-Laurent del Socorro
Éditeur : Argyll
Date de publication : 2024 (mars)

Synopsis : France, 1593. La chance a tourné pour les membres de la compagnie du Chariot : les voilà désormais enfermés à la prison de Rennes. Contre leur libération, leur capitaine Axelle de Thorenc est envoyée sur ordre du roi Henri IV en Angleterre pour retrouver le sceau de l’enfer, un artefact alchimique aux immenses pouvoirs. Première d’une longue série, cette mission la verra s’opposer à la mystérieuse École de la nuit. Des jardins du palais de la reine Élisabeth aux planches du théâtre de William Shakespeare, Axelle tiendra – souvent malgré elle – le premier rôle dans des complots en tous genres et donnera la réplique à des compagnons de scène inattendus : l’impertinent corsaire Francis Drake, la gouailleuse Mary la tire-laine ou encore la très engagée poétesse Jane Anger.

– A quoi buvons-nous, Axelle ?
– A nous ! A toutes les femmes qui avancent sur les chemins inattendus de leur vie.
Ma proposition enthousiasme Jane.
-A la sororité des destins contrariés !

De nouvelles aventures pour Axelle

Presque dix ans après la parution de « Royaume de vent et de colères », Jean-Laurent del Socorro continue d’explorer son univers de prédilection auquel il est déjà revenu à plusieurs reprises (« Du roi je serai l’assassin » et « La guerre des trois rois », pour ce qui est du long format). Le roman met à nouveau en scène Axelle de Thorenc, capitaine de la compagnie de mercenaires du Chariot, que l’on retrouve en bien mauvaise posture. La jeune femme a en effet été arrêtée avec ses hommes et croupit désormais dans une prison de Rennes en attendant la décision du roi Henri IV. Ce dernier n’a toutefois pas l’intention de se priver d’un élément aussi prometteur que la mercenaire, aussi est-elle libérée sous condition de remplir une mission qui va l’entraîner de l’autre côté de la Manche. La voici donc à Londres où, aidée par un certain Francis Drake, elle est censée dérober au puissant astrologue de la reine un mystérieux artefact alchimique, le sceau de l’enfer. Mais les choses ne vont évidemment pas se dérouler comme prévues, et la jeune femme va se retrouvée empêtrée dans des luttes de pouvoir entre plusieurs factions. Le roman est construit à la manière d’une pièce de théâtre, avec trois actes entrecoupés d’entractes, tous mettant en scène une mission d’Axelle à différents moments de sa vie et se déroulant à Londres. L’occasion de se plonger dans l’ambiance de l’Angleterre sous Elizabeth Iere et de rencontrer une multitude de personnages historiques de renom. Un même fil rouge relie toutes ces excursions londoniennes : une société secrète baptisée l’École de la nuit dont les membres entendent utiliser le peu d’artbon qu’ils ont pu récolter lors d’une expédition au Nouveau Monde pour devenir de puissants mages.

Une plongée dans l’Angleterre du XVIIe

Le roman se lit rapidement, les aventures de la mercenaire s’enchaînant à un rythme effréné et les moments permettant de reprendre son souffle étant finalement assez peu nombreux. Les trois mini-intrigues qui compose la pièce se répondent bien et, même si les différents actes font souvent appel aux mêmes ressorts narratifs, ils parviennent néanmoins à maintenir l’attention du lecteur. Le décor participe de l’intérêt que l’on éprouve pour le récit qui multiplie les références à des lieux, des événements ou encore des personnages emblématiques de la période ou de l’histoire anglaise. On croisera ainsi au cours des pérégrinations d’Axelle aussi bien le corsaire Francis Drake que les célèbres dramaturge Christopher Marlowe et William Shakespeare, mais aussi l’astrologue officiel de la reine, l’un des conjurateurs de la conspiration des Poudres, ou encore des savants et des nobles influents de la cour d’Angleterre. Comme dans tous ses romans, l’auteur accorde une place de choix aux personnages féminins à qui il confie toujours des rôles bien éloignés des stéréotypes habituels. Ce roman-ci ne fait pas exception, si bien que, en plus de la mercenaire qu’on retrouve dans ces précédentes œuvres, on croise également le chemin de la célèbre pamphlétaire Jane Anger (dont l’auteur a par ailleurs décidé de traduire de manière inédite son texte le plus célèbre, « De la protection des femmes » qu’on peut retrouver à la fin du roman), mais aussi une voleuse culottée dotée d’un sacré bagout, ou encore des officières exerçant dans la troupe d’élite du roi de France. L’auteur a en effet fait le choix d’un cadre historique légèrement modifié puisque les femmes y ont accès aux mêmes postes que les hommes, y compris dans l’armée, ce qui ne les empêche pas d’être malgré tout victimes de discriminations.

La Guerre des trois rois

Complots, sociétés secrètes… et femmes de caractère !

Le roman offre également une belle promenade dans Londres et coche toutes les cases du parfait petit guide touristique historique de la capitale puisqu’on y arpente les bords de la Tamise, certains établissements renommés, la Tour de Londres, le théâtre le Globe, le palais royal… L’ouvrage fourmille également de références littéraires, notamment théâtrales, les personnages étant friands de citations latines, de pièces et de poésies. On pense évidemment aussi beaucoup à des œuvres telles que « Les trois mousquetaires » puisqu’on retrouve ici les principales caractéristiques des romans de cape et d’épée ou d’aventure dans lesquels se mêlent combats acharnés, complots politiques, courses poursuites et conspirations. Le principal reproche que l’on peut formuler à l’égard de l’ouvrage concerne finalement son manque d’épaisseur et de détails. L’auteur va en effet toujours à l’essentiel, que ce soit dans la narration ou les dialogues, et cela s’avère efficace en terme de dynamisme mais moins pour ce qui est de favoriser l’immersion du lecteur. Les descriptions sont ainsi très succinctes, ce qui ne permet pas toujours de bien se représenter le décor auquel il manque un peu de vie. De la même manière, l’état d’esprit des personnages évolue à toute vitesse et donne donc l’impression d’être trop fluctuant, l’héroïne ayant à peine eu le temps de se remettre d’une émotion que, déjà, elle se retrouve entraînée par un tourbillon d’aventures qui la feront passer par d’autres émotions, toutes aussi fugaces que les précédentes.

Avec « Peines de mots perdus », Jean-Laurent del Socorro revient à son univers de prédilection déjà mis en scène dans « Royaume de vent et de colères » et renoue avec le personnage d’Axelle de Thorenc qu’il envoie remplir plusieurs missions au nom du roi de France dans la capitale londonienne. Mêlant société secrète occulte, complot politique, combats et références historiques et littéraires, le roman nous entraîne dans un véritable tourbillon d’action dont on peut seulement regretter qu’il manque légèrement de détails à même de renforcer l’immersion et l’attachement aux personnages. On peut néanmoins saluer la diversité de ces derniers, l’auteur mettant en scène un grand nombre de femmes aux profils variés mais qui partagent une même volonté de ne pas se laisser dicter leur destin.

Autres critiques :  ?

Passionnée d'histoire (surtout le XIXe siècle) et grande lectrice des littératures de l’imaginaire (fantasy essentiellement) mais aussi d'essais politiques et de recherches historiques. Ancrée très à gauche. Féministe.

Un commentaire

  • Tachan

    Il faut vraiment que je reparte dans cet univers, surtout j’ai tous les textes annexes chez moi. J’adore la plume et la virtuosité de l’auteur pour nous embarquer dans ses histoires pleines de verves en général. Ici le portrait de ces femmes fortes que tu évoques et cette Angleterre si bien retranscrite ont tout pour me séduire après Marseille.

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