Science-Fiction

Sweet Harmony

Titre : Sweet Harmony
Auteur/Autrice : Claire North
Éditeur : Le Bélial (collection Une Heure Lumière)
Date de publication : 2024 (janvier)

Synopsis : Londres. Bientôt. Jeune et belle, Harmony Meads est promise à un avenir radieux. Sa carrière d’agente immobilière pour yuppies file vers les sommets, et le couple qu’elle forme avec Jiannis fait sensation dans les soirées les plus courues de la City. Pourtant, Harmony a un problème. Là. Sur le menton. Juste un petit bouton. Pas méchant, trois fois rien, mais bien là. Or, ce bouton est une impossibilité. Ses nombreux abonnements à Fullife, son fournisseur de santé, assurent le parfait réglage de ses nanos, et sa kyrielle d’extensions — Derméclat, Réveil en Beauté, Fraîche et Guillerette, Fini le Dentiste, Puissant Maintien, Prenez le Contrôle — garantissent à Harmony l’éclat d’une jeunesse insolente, et une efficience maximum en toutes circonstances. Certes. Mais alors, ce bouton ? Ne pourrait-il pas s’avérer un symptôme ? Car être la meilleure version de soi-même a un prix. Un prix élevé, à vrai dire… Pour Harmony Meads, il se pourrait que l’heure de s’en acquitter ait sonné.

Découvrez le corps du futur !

Après un premier passage remarqué dans la collection « Une Heure Lumière » du Bélial avec sa trilogie « La Maison des Jeux », Claire North revient en ce début d’année avec une autre novella, « Sweet Harmony ». L’autrice opte cette fois pour la SF et met en scène dans un futur plus ou moins proche une jeune femme d’une vingtaine d’années, Harmony Meads, qui vivait jusque là une vie de privilégiée dans les beaux quartiers de Londres. Certes, elle ne gagne pas une fortune en tant qu’agente immobilière, mais grâce à son fournisseur de santé Fulllife, elle dispose de quantité d’extensions qui, au moyen de nanos, sculptent son corps, le préservent et lui donnent un nombre considérable d’avantages qui lui permettront sans doute, à terme, de monter très haut. Seulement voilà, toutes ces extensions qui musclent, retirent la graisse, donnent un teint frais, des dents parfaites ou encore un maintien superbe, coûtent cher. Trop cher. Lorsque, un matin, la jeune femme se réveille contre toute attente avec un bouton sur le visage, elle apprend que l’entreprise Fullife a décidé d’arrêter la majorité de ses extensions (sauf celles qui préservent sa santé) et ne les réactiveront que lorsqu’elle se sera acquittée de la coquette somme qu’elle leur doit. Très vite, des désagréments totalement oubliés viennent se rappeler à son bon souvenir : cellulites, bourrelets, acné, mal de dos… Évidemment, cela va avoir un impact sur l’image qu’elle a d’elle-même, mais aussi sur sa carrière puisqu’on lui fait vite comprendre que, sans son physique de rêve bâti artificiellement, elle ne convient plus pour exercer dans une prestigieuse agence de la capitale londonienne. Une lente descente aux Enfers commence alors pour Harmony, qui est également rattrapée par tous les crédits à la consommation qu’elle avait contracté afin de se payer ses extensions.

Le Serpent

Un récit efficace

La novella de Claire North est une satire grinçante de la dictature des apparences et de ce qu’elle peut nous pousser à faire. Tout est faux, chez Harmony, sauf sa détresse qui aura au moins le bienfait de lui faire prendre du recul sur ses choix de vie et sera à l’origine de rares moments de sincérité. Le texte est habilement construit dans le sens où il alterne entre différentes périodes de la vie de la jeune femme que l’on découvre à la fois au moment du « drame » mais aussi avant, l’autrice remontant progressivement le fil de sa vie pour que le lecteur comprenne comment elle en est arrivée là. La perception que l’on a de l’héroïne change alors subrepticement à mesure que l’on découvre les circonstances dans lesquelles elle a souscrit toutes ces extensions, notamment une relation toxique avec un conjoint manipulateur et particulièrement odieux. Ces aller retour dans le temps renforcent le dynamisme du texte qui se lit d’autant plus rapidement que la plume de Claire North se révèle toujours aussi agréable. Harmony n’est pourtant pas une protagoniste très attachante : le désespoir et la colère la rendent agressive, elle est obnubilée par son image et son corps qu’elle souhaite parfait, et surtout elle porte un regard plein de mépris sur celles et ceux qui n’ont pas été capables, selon elle, de « s’augmenter » de façon aussi efficace et judicieuse qu’elle. La Haromny plus jeune, en revanche, suscite plus d’empathie au point que, quand bien même on sait parfaitement quel sera le chemin qu’elle empruntera, on espère malgré tout qu’elle parviendra à se sortir de sa situation en apparence inextricable. L’autrice nous donne finalement assez peu d’aperçus de la société du future dans laquelle évolue Haromny puisqu’elle se consacre exclusivement au parcours de son personnage, mais, celle-ci étant le reflet de son époque, on parvient à se faire d’elle une image assez précise. Avec beaucoup de mordant, Claire North dresse donc en filigrane le portrait d’une société cynique, uniquement focalisée sur l’apparence, où le corps peut être modifié à l’envie et est désormais lui aussi considéré comme un bien de consommation comme un autre.

Avec « Sweet Harmony », Claire North dresse le portrait d’une société futuriste glaçante dans laquelle les humains ont la possibilité de modifier leur corps à l’envie pour se rendre plus jeunes, plus beaux, plus charismatiques. A travers la descente aux Enfers d’une jeune femme engluée dans les crédits à la consommation et forcée de renouer avec son corps naturel, l’autrice nous propose une satire assez caustique de l’un des travers de notre société moderne, le culte de l’apparence.

Autres critiques : Célinedanaë (Au pays des cave trolls)

Antiquiste passionnée d’art, de cinéma, de voyage et surtout grande lectrice des littératures de l’imaginaire (fantasy essentiellement).

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