Fantasy

Les maîtres-enlumineurs, tome 3 : Les terres closes

Titre : Les terres closes
Cycle/Série : Les maîtres enlumineurs, tome 3
Auteur : Robert Jackson Bennett
Éditeur : Albin Michel Imaginaire
Date de publication : 2023 (mai)

Synopsis : Autrefois, Sancia Grado n’était qu’une jeune voleuse dotée d’un talent rare. Puis elle a appris à utiliser ce talent et a battu les grandes maisons marchandes de Tevanne à leur propre jeu. Avec Clef et Bérénice, elle a même éliminé un hiérophante immortel – mais la guerre qu’ils mènent maintenant semble perdue d’avance. Sancia et ses alliés n’affrontent plus les élites de l’enluminure ou un hiérophante revenu d’un passé oublié ; cette fois, ils veulent détruire une entité dont l’intelligence est répartie sur la moitié du globe : un fantôme bien caché, qui utilise la magie pour posséder les objets, mais aussi contrôler les esprits humains. Malgré tous les efforts de Sancia et de ses alliés, leur implacable ennemi se rapproche de son véritable but : une ancienne porte qui mène au cœur-même de la création. Mais peut-être leur reste-t-il une ultime chance de survivre à ce combat, en réalisant le casse le plus audacieux qu’ils aient jamais tenté…

Suite et fin

Dernier volume de la trilogie des « Maîtres enlumineurs », « Les terres closes » met fin aux aventures de Sancia et Clef, personnages emblématiques de l’univers de fantasy de Robert Jackson Bennett qui a connu un important succès du public pour cette série. Le premier tome mettait en scène une jeune voleuse, empêtrée dans des intrigues dont elle se serait bien passée après qu’on l’ait commandité pour subtiliser un objet à priori tout à fait ordinaire : un simple clé. Seulement non seulement celle-ci se révèle consciente et à même de communiquer avec sa nouvelle propriétaire, mais il se trouve aussi qu’elle possède le pouvoir d’ouvrir n’importe quelle porte, et de convaincre n’importe quel objet enluminé de faire ce qu’il veut. Et c’est là que se trouve tout l’intérêt du roman de Robert Jackson Bennett qui est ici à l’origine d’un système de magie particulièrement sophistiqué basé sur ces fameuses enluminures. Pour faire court, une enluminure est un assemblage de sceaux qui, en fonction de la manière dont ils sont agencés, permettent de tordre légèrement la réalité afin de faire faire à un objet une action qu’il aurait, en temps normal, été bien incapable de réaliser. Correctement utilisé, ce savoir permet de bénéficier de technologies sophistiquées utilisables aussi bien pour le transport, l’éclairage et, surtout, l’armement. [Attention, si vous n’avez pas encore lu les volumes précédents, vous risquez désormais de vous voir SPOILER une partie de l’intrigue des précédents opus.] Au début du premier tome, le continent sur lequel vit notre héroïne se divise en campo, des enclaves dirigées par de grandes familles qui concentrent la quasi totalité des connaissances et des savoirs-faire concernant les enluminures. Une situation totalement dynamitée par les coups d’éclat réalisés par Sancia et ses compagnons, ainsi que par le retour d’une ancienne menace, celle du hiéropante, une entité tenant plus de la divinité que de l’être humain et dotée de pouvoirs colossaux. Déjà costaux, le combat opposant notre héroïne à ce « super-boss » n’était pourtant rien à côté de celui qui l’attend aujourd’hui et qui l’oppose à une créature encore plus difficile à appréhender mais capable de contrôler humains et objets enluminés comme des marionnettes. Irrémédiable, son avancée grignote peu à peu l’ensemble du continent, à l’exception d’une petite enclave dans laquelle Sancia, Clef, Bérénice et les autres tentent de lutter et de mettre en place une nouvelle société, plus égalitaire que celle des campos.

Un roman de fantasy et d’action prenant

Ce troisième et dernier tome réunit l’ensemble des qualités et des défauts que l’on pouvait formuler à l’égard de la série. Du côté des qualités, on retrouve la plume pleine de punch de Robert Jackson Bennett qui nous embarque aisément dans une nouvelle mission suicide qui connaît rebondissement sur rebondissement. L’action est presque constante, si bien que le roman se dévore rapidement malgré un nombre de pages plutôt conséquent. L’auteur opte pour le même fonctionnement que dans les précédents volumes, à savoir une succession de plusieurs opérations incroyablement osées et dangereuses dont on assiste d’abord longuement à la préparation, puis à l’exécution. Évidement rien ne se passe jamais comme prévu et, si on voit désormais certains coups arriver à l’avance, d’autres péripéties parviennent encore à nous surprendre. Les personnages sont toujours aussi réussis, à commencer par Sancia, la fameuse voleuse qui a parcouru bien du chemin depuis le début de la série et pour qui l’âge se fait désormais sentir. Clef est lui aussi toujours aussi attachants, et ce d’autant plus que l’auteur nous livre enfin des réponses concernant son passé et la personne qu’il était avant de devenir cet objet enluminé surpuissant. Bérénice, un peu plus en retrait jusqu’à présent, occupe quant à elle clairement le devant de la scène et en vient même à supplanter Sancia dans les scènes d’action, ce qui n’est pas sans provoquer un certain étonnement. La relation entretenue entre ces trois personnages est en tout cas toujours aussi belle et bien écrite, qu’il s’agisse de l’histoire d’amour très touchante que vivent les deux jeunes femmes, ou du fort lien d’amitié unissant Clé à sa propriétaire et qui prend ici une nouvelle dimension. Les dialogues sont quant à eux toujours aussi savoureux, directs et percutants, ce qui participent là encore à rendre la lecture fluide et agréable. Les touches d’humour se font néanmoins plus rares et le ton volontiers plus grave dans la mesure où « Les terres closes » sonnent effectivement comme une fin de série, et que la menace qui pèse sur les personnages paraît presque impossible à vaincre sans sacrifices.

Du spectaculaire jusqu’à l’overdose

Du côté des points négatifs, on retrouve cette espèce de surenchère qui se manifestait déjà dans « Le retour du hiérophante » et qui donne lieu à des scènes totalement disproportionnées. Alors certes, contrairement au cinéma, la littérature ne se soucie pas de budget, mais là ça fait parfois vraiment trop. Les pouvoirs de leur ennemi et les engins qu’elle manipule sont tout simplement trop immenses et trop puissants pour que l’on parvienne à se représenter la menace de façon plausible. Les scènes d’affrontement sonnent par conséquent un peu faux, dans la mesure où on a du mal à croire qu’une poignée d’être humains, aussi ingénieux et bien équipés soit-ils, puissent parvenir à causer le moindre dommage conséquent à ce colossal ennemi. Cette débauche de moyens s’accompagne évidemment du développement d’enluminures plus complexes et donc de technologies de plus en plus sophistiquées, au point que l’auteur doive se livrer à des explications techniques de plus en plus compliquées et de moins en moins intéressantes. En effet, l’attrait du système de magie développé dans le premier volume reposait sur sa cohérence et sa simplicité, avec des limites clairement établies. Or, ces limites sont désormais en permanence dépassées, ce qui nuit à la vraisemblance du récit. Parmi les autres regrets, on peut également mentionner la mise en retrait de Sancia qui occupe ici un rôle, non pas marginale mais malgré tout de second plan, au profit de Bérénice qui, bien que sympathique, n’a pas le même charisme que son amante.

« Les terres closes » met fin de façon spectaculaire à la trilogie des « Maîtres enlumineurs » qui met en scène un univers de fantasy dont l’attrait repose moins sur la richesse de sa construction que sur le remarquable système de magie élaboré par Robert Jackson Bennett. Bourré d’action, de scènes d’infiltration en milieu hostile ou de batailles contre des machines surpuissantes, le roman séduit par son dynamisme mais aussi par la qualité de ses protagonistes et des relations qu’ils ont tissé entre eux au fil des tomes. La volonté de l’auteur d’en mettre plein les yeux à son lecteur le conduit toutefois trop souvent à tomber dans la surenchère ce qui peut parfois nuire à l’immersion. La trilogie reste malgré tout de très bonne facture et je la conseille à n’importe quel amateur de fantasy.

Voir aussi : Tome 1 ; Tome 2

Autres critiques : Célinedanaë (Au pays des cave trolls) ; Le nocher des livres

Antiquiste passionnée d’art, de cinéma, de voyage et surtout grande lectrice des littératures de l’imaginaire (fantasy essentiellement).

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