Fantasy

Interview de Claire Duvivier et Guillaume Chamanadjian (octobre 2022)

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Suite à leur venue au Mans lors du salon du livre début octobre 2022 (ils sont les lauréats 2021 et 2022 du prix Imaginaire Christine-Rabin de La 25e Heure du Livre), Claire Duvivier et Guillaume Chamanadjian ont accepté de répondre à quelques questions sur leur écriture en cours, notamment la double trilogie de la Tour de Garde.

Claire Duvivier et Guillaume Chamanadjian (Le Mans, 2022.10.02)

Le Bibliocosme : La Tour de garde est une série qui se composera de six ouvrages divisés en deux trilogies, l’une consacrée à Gemina et écrite par Guillaume Chamanadjian, et l’autre centrée sur Dehaven et écrite par Claire Duvivier. Comment vous est venue l’idée d’une parution en double trilogie ? Et comment s’est passé votre rencontre avec votre éditeur (Aux forges de Vulcain) ?

Claire Duvivier : David Meulemans des Forges de Vulcain avait déjà publié mon premier roman Un long voyage, et c’est donc naturellement à lui que j’ai parlé du projet Tour de Garde, qui était bien entamé. Ce n’était pas encore deux trilogies à l’époque, mais un corpus déjà imposant… Il a d’abord fallu que j’explique que j’avais un coauteur – cela peut être un peu inquiétant pour un éditeur de devoir, pour suivre une autrice, publier un auteur qu’il ne connaît pas, d’autant qu’il s’agissait de mon compagnon… Mais David a accepté de lire le texte de Guillaume, qui l’a suffisamment impressionné pour qu’il se lance dans ce projet un peu fou ! C’est en discutant avec lui des modalités de publication que la forme de deux trilogies publiées en alternance s’est imposée peu à peu.

Le Bibliocosme : La ville de Gemina s’inspire fortement de l’ambiance méditerranéenne, et plus spécifiquement de la ville de Sienne : quels sont les aspects de cette ville qui vous ont le plus marqué et vous ont amené à l’idée d’en faire un décor de fantasy ?

Guillaume Chamanadjian : Tout est effectivement parti d’un séjour à Sienne. Outre ses innombrables venelles aux murs colorés, c’est surtout l’organisation en quartiers de la ville, les contrade, qui nous a beaucoup plu. En effet, à Sienne comme à Gemina, les quartiers sont représentés par des animaux. Chaque contrade abrite également une fontaine à l’effigie de l’animal en question et possède son église. Nous avons beaucoup erré dans les ruelles à la recherche des fontaines. Deux fois par an a également lieu une course de chevaux sur la place centrale de la ville, le Palio, dans laquelle s’affrontent les « champions » de chaque contrade. Ce sont ces éléments qui nous ont fait inspiré pour une ville de fantasy, avec des quartiers à l’image de Sienne, et un tournoi à l’image du Palio.

Le Bibliocosme : Dehaven, en revanche, s’inspire davantage des cités portuaires du nord de l’Europe, notamment Amsterdam. Là encore, qu’est-ce qui vous a frappé pour que vous soyez amenée à vous en servir comme cadre pour un roman d’imaginaire ?

CD : J’ai eu un coup de cœur pour la ville d’Amsterdam. Et ce que j’ai appris (dans les musées…) sur la société néerlandaise du Siècle d’or m’a semblé très intéressant, elle était en avance sur son temps par rapport aux autres pays d’Europe, concernant l’éducation, l’urbanisme, la tolérance religieuse, l’émergence d’une classe moyenne… Je trouvais qu’il y avait là des bases intéressantes pour un roman de fantasy, qui permettrait de dépeindre une culture très différente des décors médiévalisants habituels. Par ailleurs, puisque l’idée était aussi de construire Dehaven en opposition avec Gemina, je trouvais intéressante la séparation physique des quartiers causée par les canaux. Je voulais pousser cette séparation encore plus loin, en faire une séparation sociale, pour dépeindre une société très cloisonnée qui ne se mélange pas ou peu – contrairement à la capitale du Sud.

Le Bibliocosme : Comment se passe l’écriture à quatre mains ? Y a-t-il relecture et annotation des textes de l’autre tout au long de la phase d’écriture ?

GC : Nous avons bien sûr commencé par nous mettre d’accord sur les quelques éléments de construction du monde et la chronologie globale des événements. Avant la rédaction proprement dite, chacun de nous a confié à l’autre un résumé de l’intrigue de ses romans, ce qui nous a déjà permis de nous accorder sur les grands thèmes, les situations en miroirs, etc. Puis nous nous sommes attelés à la rédaction proprement dite, en nous faisant relire mutuellement nos chapitres au fur et à mesure de l’écriture. Ceci afin d’être certains qu’il n’y ait pas de contresens entre la Capitale du Nord et la Capitale du Sud. Enfin, il y a bien sûr plusieurs relectures mutuelles à la fin de chaque manuscrit pour corriger les petites erreurs qui ont pu subsister.

Le Bibliocosme : Votre série porte le nom d’un jeu de stratégie particulièrement populaire dans vos deux cités : on devine que cela n’est pas anodin ?

CD : En effet, la tour de garde est le trait d’union entre les deux trilogies. C’est ce jeu de société pratiqué aussi bien à Dehaven qu’à Gemina, dans tous les milieux, à tous les âges. C’est aussi un lieu qui apparaît pratiquement dès le début. Et l’on en apprend un peu plus à ce sujet à chaque tome qui paraît. C’est aussi une métaphore du projet dans sa globalité : Guillaume et moi jouons à un vaste jeu de tour de garde, sur ce plateau nous posons des figurines chacun notre tour…

Le Bibliocosme : La co-écriture implique une certaine rigueur, vous permettez-vous malgré tout quelques libertés ou changements en cours d’écriture ou bien votre trame narrative est-elle déjà totalement fixée ?

GC : C’est beaucoup plus amusant en nous donnant des libertés. La trame narrative de laquelle nous partons est finalement assez peu détaillée. Avant que nous envisagions une publication, la rédaction de la Tour de Garde était surtout un jeu entre Claire Duvivier et moi. Il fallait bien se surprendre l’un-l’autre et se lancer quelques défis dans l’écriture.

Le Bibliocosme : Y a-t-il des auteurs qui vous ont particulièrement marqué ou qui vous ont particulièrement inspiré ? On a par exemple souvent comparé « Le sang de la cité » à du Robin Hobb ou du Jean-Philippe Jaworski : est-ce que ce sont des comparaisons qui vous paraissent pertinentes ?

CD : Le jeu des comparaisons est toujours surprenant. Beaucoup d’auteurs m’ont marquée, en imaginaire et hors imaginaire, et pourtant ce sont rarement leurs noms qui sortent. Et pour cause : leurs univers sont très différents de celui de la Tour de Garde. C’est intéressant, cela montre quels sont les grands noms qui font référence en fantasy dans le lectorat, et le cas échéant cela nous permet de rattraper certains classiques dont on connaît l’importance mais que nous n’avons pas encore eu l’occasion de lire. (Par exemple, je n’avais jamais lu de fictions d’Ursula Le Guin avant d’avoir écrit Un long voyage, et Guillaume n’avait pas lu Gagner la guerre avant d’avoir écrit Le Sang de la cité.)
GC : Nous avons fait nos devoirs, depuis, et rattrapés nos retards respectifs sur ces auteurs.

Le Bibliocosme : « Capitale du Nord » et « Capitale du Sud » n’attendent désormais plus que leur tome de conclusion : que pouvez-vous nous dire sur les tomes à venir et qui mettront un terme aux deux trilogies ?

GC : Nous sommes bien sûr très impatients de faire découvrir les deux fins de ces trilogies, avec un petit peu d’appréhension car nous savons que les fins sont des cycles de fantasy suscitent énormément d’attente. Il n’y a qu’à voir les réactions du public lors de la fin de la série Game of Thrones.
Ce qui est certain, c’est que nous restons fidèles au credo qui veut que chaque trilogie du cycle se suffit à elle-même. Capitale du Sud, puis Capitale du Nord sont deux arcs qui vont se fermer et, nous l’espérons, continuer d’enchanter nos lecteurs.

Le Bibliocosme : Avez-vous déjà des projets une fois que l’écriture de « La Tour de Garde » sera achevée ?

CD : Ils commencent à germer, mais il est encore trop tôt pour les évoquer.
GC : Il y a encore un peu de travail sur les textes des tomes 3. C’est un peu compliqué de déjà se projeter sur de nouveaux projets. Mais bien sûr, des idées éclosent dans un coin de nos têtes.

Merci donc à Claire et Guillaume pour leurs réponses. On a hâte de poursuivre l’aventure de La Tour de Garde en 2023 !

Antiquiste passionnée d’art, de cinéma, de voyage et surtout grande lectrice des littératures de l’imaginaire (fantasy essentiellement).

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