Science-Fiction

Le Jardin quantique

Le Jardin quantique

Titre : Le Jardin quantique (The Quantum Garden)
Cycle/Série : Cycle de l’évolution quantique, tome 2
Auteur : Derek Künskhen
Éditeur : Albin Michel Imaginaire [site officiel]
Date de publication : 2 mars 2022 (2019 en VO)

Synopsis : Belisarius Arjona, le magicien quantique, a réalisé la plus audacieuse escroquerie de tous les temps. Il est riche, son grand amour partage de nouveau sa vie, et surtout, il a mis la main sur la plus précieuse des technologies jamais mises au point. A priori, rien ne peut gâcher ce tableau… sauf la destruction totale de ses pairs, les Hommes Quantiques, et du monde sur lequel ils vivaient. Pour les sauver, tous sans exception, Belisarius va devoir conclure un marché avec les puissances qu’il vient tout juste d’escroquer, manipuler le temps et échapper à l’implacable Épouvantail lancé à ses trousses.

Coup de coeur

Son cerveau modifié, trop curieux, avec sa soif passionnée de compréhension qui tenait presque du vice, se sentait rassasié, pour une fois. Il était plein.

Nouveau roman du canadien Derek Künsken chez Albin Michel Imaginaire, Le Jardin quantique fait directement suite au déjà très bon Magicien quantique.

Le revers de la médaille

Belisarius Arjona a réussi son coup : par la magie de l’arnaque, il a non seulement rempli le contrat conclu avec la Sixième Force expéditionnaire de l’Union Subsaharienne (ils sont rentrés à bon port en traversant un trou de ver ennemi, mais il a aussi et surtout retrouvé son amour de jeunesse et volé au passage à ses employeurs l’outil qui leur avait permis de progresser technologiquement sans concurrence possible, un portail temporel. Mais voilà, cette réussite a mis en lumière l’incroyable force de frappe que peuvent être ceux de son espèce, les humains quantiques, personnes ayant subi des mutations telles qu’elles forment une autre étape de l’humanité en développant un « cerveau quantique », fondé sur l’analyse quasi constante de modèles et probabilités (en contrepartie, ils ont une fâcheuse tendance à la contemplation, normalement). Or, peu de temps après, Arjona assiste impuissant à l’annihilation manu militari de la Mansarde, refuge des Homo quantus dont lui et sa compagne font partie. En sachant qu’il ne pourra plus modifier ce qui s’est passé, il contourne le problème en utilisant le portail temporel et remonter de quelques jours afin de prévenir et mettre à l’abri ses collègues quantiques. Mais où les emmener en lieu sûr quand les plus grandes puissances, militaires comme économiques, veulent leur mettre la main dessus ? La colonelle Ayen Iekanijka, moteur de l’arnaque précédente, est une des clés de leur fuite.

Voyage temporel de qualité

Le portail temporel volé par Arjona aux vaisseaux de l’Union est le centre de l’intrigue de ce deuxième volume. Il est à la fois l’outil qui a apporté survie et avance technologique à une flotte isolée depuis quarante ans dans l’espace, l’objet qui « vaut » plus que n’importe quelle richesse et le moyen de s’immiscer dans la ligne temporelle de bien des gens. Grâce à cela, vis-à-vis du premier tome, l’ambiance change du tout au tout. Nous ne sommes plus dans un récit d’arnaque et de braquage, mais dans un récit d’aventure temporelle avec un peu de combats spatiaux au passage. Nous n’en sommes plus à découvrir le post-humanisme avec quantité d’espèces humaines évoluées sur des critères variés qui peuvent faire froid dans le dos (rappelons que dans le premier tome, le fanatisme des Fantoches était particulièrement intéressant mais glaçant), nous sommes plutôt en train d’imaginer jusqu’où ces évolutions peuvent nous porter et ce que de petites entités comme nous peuvent faire face à cela. Il s’agit davantage d’une histoire personnelle, familiale même ici. Il peut y avoir un paradoxe à parler constamment de physique ou de logique quantiques et ne pas tenter le coup des lignes temporelles multiples (qui peuvent théoriquement toutes coexister), mais forcément ça n’a pas la même puissance narrative dans une intrigue de ce genre. Le Jardin quantique reprend tous les codes du voyage temporel, paradoxes compris forcément, toutefois il est nécessaire d’avoir des personnages impliqués émotionnellement dans les enjeux temporels du moment et il faut reconnaître que le personnage de la colonelle Iekanijka est parfait pour immerger le lecteur dans sa perte de repères. Tout le sel de ce roman revient à veiller à ne pas commettre d’impairs quand on revient dans le passé : tout s’est déjà déroulé, mais le libre arbitre tente toujours les personnages pour essayer de faire tourner les événements autrement que ce qu’ils pensent qu’il s’est passé. Et justement, l’essentiel réside dans le « ce qu’ils pensent qu’il s’est passé ». Tout est question d’observation, et là on retrouve une logique quantique, c’est l’observateur qui fait l’événement (quand il le vit, pas quand on lui rapporte). À savourer donc, car c’est bien tourné.

La prochaine étape de l’évolution

Dans ce roman, les termes à base de « quantique » ne sont pas édulcorés. Sans être dans de la pire hard SF qui puisse être et en tenant compte que la physique quantique n’est pas abordable (de base), il faut parfois s’accrocher quand l’auteur disserte sur l’intrication de trous de ver. Mais, au fond, cela n’est pas le plus important, cela rend possible une autre forme d’évolution fondée sur la modélisation des probabilités de chaque événement d’exister en plusieurs états, forcément cela demande de la puissance de calcul donc les Homo quantus nécessitent un cerveau bien différent du nôtre. Comme dans le premier tome, on retrouve diverses espèces avec leurs caractéristiques truculentes (l’IA qui se prend pour saint Matthieu, Stills l’Homo eridanus dans son conteneur pressurisé, etc.), mais d’autres s’ajoutent comme le terrible Épouvantail (dont les quelques chapitres dédiés ne font que teaser un troisième volume où il tiendra un plus grand rôle, j’imagine). Comme dans la question temporelle, le plus important dans les questionnements que toutes ces espèces se posent chacune leur tour : d’où venons-nous ? à quoi servons-nous ? où allons-nous ? comment s’organise-t-on ? Comique est d’ailleurs un des derniers dialogues du roman mettant en scène l’Homo eridanus qui se demande bien ce qu’un gouvernement de son espèce pourrait bien faire tant il a incorporé que les siens ne vivent qu’au jour le jour, pour le combat et la survie uniquement. Et cela juste avant de repartir avec des Homo quantus qui ont à peine esquisser l’étendue de leurs pouvoirs physiques et psychiques.

Ce sont donc des romans comme celui-ci qu’il faut lire pour avoir de la science-fiction inventive, épique et utile !

Voir aussi :
Tome 1 ; Tome 3

Autres critiques :
Célinedanaë (Au Pays des Cave Trolls)
L’Épaule d’Orion
Le Nocher des livres

Kaamelotien de souche et apprenti médiéviste, tentant de naviguer entre bandes dessinées, essais historiques, littératures de l’imaginaire et quelques incursions vers de la littérature plus contemporaine. Membre fondateur du Bibliocosme.

6 commentaires

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