Olangar, tome 2 : Une cité en flammes
Titre : Olangar – Une cité en flammes
Cycle/Série : Olangar, tome 2 (?)
Auteur : Clément Bouhélier
Éditeur : Critic
Date de publication : 2020 (mai)
Synopsis : La menace d’une nouvelle guerre gronde aux portes d’Olangar. Furieux de la pollution qui touche leur fleuve sacré, les elfes sont sur le pied de guerre. La Chancellerie charge deux nains, Kalin et Nockis, de trouver les preuves qui permettraient de maintenir la paix. Pendant ce temps, dans l’arrière-pays, d’insaisissables incendiaires frappent au hasard, ne laissant dans leur sillage que des cadavres brûlés. Quand la province d’Enguerrand est frappée à son tour, la jeune suzeraine Evyna n’a d’autre choix que de revenir à la capitale pour mener l’enquête et arrêter les tueurs. Elle ignore que, très loin de là, son ancien compagnon d’armes, l’elfe Torgend, a décidé de quitter son exil forcé sur le continent des orcs et de regagner lui aussi le royaume.
-Cherchez-vous notre hôpital ?
Un à un les ouvriers hochèrent la tête. La révolte des nains avait amélioré le sort d’une partie du peuple. Les écoles ouvraient et les hôpitaux disposaient de meilleurs moyens pour soigner les malades et les infirmes. Mais les bases sociales demeuraient inchangées. Dans les usines, au fond des mines, sur les navires de commerce et dans les champs désormais arrosés de substances « bienfaitrices » pour les légumes, on mourrait encore. Ces hommes, comme tant d’autres, venaient ici pour éviter d’être vus dans les hôpitaux d’Olangar. Contre quelques couronnes d’argent, des mouchards donnaient aux grandes compagnies les noms des ouvriers qui se portaient mal et qu’il valait mieux ne pas embaucher.
Enquête au pays des Zones Économiques Franches
Après un premier diptyque très réussi relatant une insurrection populaire dans un monde de fantasy peuplé d’orcs, d’elfes et de nains, Clément Bouhélier récidive avec un nouveau roman, toujours consacré à la ville d’Olangar. Si l’intrigue ne fait pas directement suite à celle développée dans « Bans et barricades », il reste tout de même préférable d’avoir lu les deux précédents tomes pour bien comprendre les tenants et aboutissants du récit, d’autant qu’on y retrouve la plupart des personnages de départ. Cinq ans se sont écoulés depuis la bataille du port, mais à Olangar peu de choses ont finalement changé, même si les conditions de vie des classes populaires se sont légèrement améliorées suite à la victoire de la Confrérie. Le système politique en place n’a toutefois pas bougé et cultive toujours l’opacité, même envers les parlementaires qui peinent parfois à se tenir informés des décisions prises par la Chancellerie. L’une d’entre elles soulève en particulier l’indignation : la création de ZEF, zones économiques franches, où, au nom de l’emploi, carte blanche est donnée aux investisseurs qui peuvent ainsi s’affranchir de la réglementation en vigueur partout ailleurs et rester flous concernant la nature de leur business. La zone de Lorkhil suscite notamment beaucoup de questions, d’autant que les espions envoyés sur place par certains curieux ne sont jamais revenus. Olangar a toutefois bien d’autres soucis en tête, à commencer par la tension croissante avec les elfes du Pradennad qui menacent d’entrer en guerre contre les hommes et les accusent de polluer leur fleuve sacré. Et puis il y a ces attaques terroristes menées un peu partout sur le territoire, pour le moment non revendiquées, devant lesquelles le pouvoir en place se trouve complètement impuissant. C’est dans ce contexte pour le moins tendu que l’on retrouve plusieurs des protagonistes du précédent roman. Torgend, d’abord, qui se voit forcé de mettre fin à son exil chez les orcs lorsqu’il découvre d’étranges manigances qui pourraient indiquer une possible nouvelle invasion du royaume. On retrouve aussi Evyna, devenue suzeraine d’Enguerrand à la place de son père dont elle tente d’administrer les terres tout en restant fidèle à ses idéaux. On retrouve enfin deux des nains de la Confrérie, Kalin et Nockis, forcés à une alliance contre-nature avec le chef de la garde civile afin de tenter de désamorcer le conflit avec les elfes et mener l’enquête à Lorkhil.
Sur le rayon, Evyna n’avait déniché qu’un acte de vente sans intérêt. Tout juste rappelait-il la législation encadrant la ZEF : possibilité de déroger au droit des travailleurs et de ne pas s’assurer contre les accidents, obligation d’employer en permanence un certain nombre d’ouvriers en fonction du chiffre d’affaires réalisé… Le décret de création de la zone ne donnait pas davantage de précisions. D’Alverny et ses ministres faisaient voter à la majorité régionaliste la loi sur les ZEF, ils choisissaient ensuite les territoires du royaume à céder aux investisseurs et privaient les parlementaires de toute information sur le sujet. Aucun élu ne disposait des moyens de contrôler les zones économiques franches.
Un roman politique
Le premier diptyque d’Olangar avait créé la surprise et séduit bon nombre de lecteurs non seulement grâce à ses problématiques très actuelles et son ton résolument engagé, mais aussi par son sens du rythme et de l’aventure. On retrouve les mêmes éléments dans « Une cité en flammes », avec toutefois un niveau de maîtrise bien supérieur de la part de l’auteur, si bien que, alors que les deux premiers tomes souffraient de petites baisses de régimes, ce troisième opus se dévore de bout en bout, sans que l’intérêt du lecteur ne décline à aucun moment. Clément Bouhélier étoffe ici son univers qui dévoile peu à peu toute sa complexité. L’action prend place dans un royaume devenu monarchie constitutionnelle depuis seulement un siècle suite à une révolution et dont la capitale, Olangar, et les territoires qui l’entourent ont été placé sous l’autorité d’un Chancelier élu et d’un Parlement. Les tensions restent toutefois vives, notamment entre le Nord et le Sud où prédomine la vieille aristocratie régionaliste qui ne goûte gère la centralisation et la démocratisation initiée par la révolution. Au sein même de la capitale, la Confrérie des nains donne également pas mal de fil à retordre au pouvoir en place, puisqu’elle entend défendre les intérêts des classes populaires et mettre fin au monopole et aux abus exercés par les grandes compagnies. Le traitement des affaires politiques n’est donc pas abordé ici (comme c’est souvent le cas en fantasy, et ailleurs) par le seul prisme des affrontements entre les « grands » de ce monde, l’auteur n’hésitant pas à mettre en scène une classe ouvrière revendicatrice et combattante. Cette mise en lumière des combats exercés par les « petits » et de leurs conditions de vie permet à Clément Bouhélier d’aborder des sujets qui font échos à l’actualité comme la « flexibilisation » du droit du travail au nom de l’emploi, ou encore l’opacité volontaire dont certains grands actionnaires entourent leurs affaires. Comme dans les tomes précédents, l’auteur mentionne également (plus superficiellement) des problématiques d’ordre écologique puisqu’il est question ici, entre autre, de pollution industrielle. La question du racisme est elle aussi omniprésente, que ce soit à l’encontre les elfes ou des nains, puisqu’il y est question de groupuscules d’extrême-droite violents et de discriminations.
Ransard d’Alverny justifiait sa politique de construction massive par la nécessité de la reprise économique. Un damné mirage puisque seules les dépenses du royaumes permettaient de préserver les emplois créés. Aucune grande compagnie n’emboîtait le pas à la puissance publique.
Intrigue, plume, personnages : tout est bon !
Le roman ne parle toutefois pas que de politique et s’attache aussi à développer un univers de fantasy complet, avec ses propres particularités. Y cohabitent les races « classiques », même s’il n’existe pas ici de différences notables entre elles, autre que le physique (les elfes vieillissent et meurent comme tout le monde, les nains n’ont pas d’appétence particulière pour les milieux souterrains…). Le choix de placer ces créatures traditionnellement associées à la nature (montagne ou forêt) dans un décor d’inspiration industrielle permet cependant de s’écarter des stéréotypes tout en variant les décors (train, usines, parlement…). Plusieurs aspects de cet univers sont pour leur moment seulement évoqués (passé révolutionnaire, royaumes voisins, mode de vie et culture des Orcs…) mais témoignent d’une richesse bien plus grande que j’ai hâte de voir l’auteur exploiter dans le/les tome(s) à venir. Les références à la vie quotidienne des habitants du royaume permettent quant à elles de renforcer l’immersion du lecteur, que ce soit grâce à des touches d’argot, aux spécificités propres aux célébrations des mariages dans le sud, à la pratique religieuse ou encore au sport, puisque l’auteur s’attarde ici sur une discipline originale et qui devait en amuser plus d’un : le borillo. L’intrigue, quant à elle, est palpitante de bout en bout : on suit l’enquête avec plaisir, on tente nous aussi de rassembler les indices, et on est frustré de constater que l’adversaire a toujours un coup d’avance. Les rebondissements sont nombreux, les scènes marquantes aussi, avec plusieurs montées en tension particulièrement réussies. Idem pour les scènes d’affrontements, bien écrites et immersives, l’auteur ne cherchant pas à faire dans le spectaculaire mais à donner le point de vue de différents types de combattants dans le feu de l’action. Un mot, enfin, sur les personnages qui figurent également parmi les points forts du roman. Ce n’était pourtant pas gagné, puisque Evyna, placée ici au coeur du récit, était loin d’être mon personnage favori dans « Bans et barricades ». Clément Bouhélier lui donne heureusement dans ce nouveau volume davantage d’épaisseur, si bien qu’on se prend à prendre en sympathie cette noble pétrie d’idéaux mais confrontée à des choix difficiles (même si la demoiselle redevient agaçante à l’occasion d’une ou deux scènes). Torgend est quant à lui toujours aussi attachant, en dépit de son manque d’expressivité, idem pour les deux nains qu’on est peiné de voir se déchirer de la sorte. Les nouvelles têtes venues rejoindre le casting d’origine sont elles aussi particulièrement réussies, à commencer par les membres de la Cohorte noire, qu’il s’agisse de son gueulard de capitaine ou de son effronté de sergent.
Pari réussi pour Clément Bouhélier qui nous offre avec « Une cité en flammes » une suite remarquable qui tient toutes ses promesses et dépasse même largement en maîtrise le premier diptyque. Sens du rythme, intrigue bien construite, personnages nuancés et attachants, univers immersif : tous les ingrédients sont là pour faire un bon roman de fantasy qui ravira aussi bien les néophytes que les habitués du genre. A ne pas manquer !
Voir aussi :
Bans et barricades, tome 1 ; Bans et barricades, tome 2
Autres critiques :
Apophis (Le culte d’Apophis)
Célindanaé (Au pays des Cave Trolls)
Dionysos (Le Bibliocosme)
Fantasy à la carte
Fred K (Un K à part)
Le nocher des livres
4 commentaires
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lutin82
Après aoir longuement discuté du premier opus, j’en conclue que celui-ci n’est pas pour moi. J’avoue que j’ai hésité avec une chronique aussi emballée.
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