Fantasy

Rois du monde, tome 2 : Chasse royale (partie 4)

Titre : Chasse royale (partie 4)
Cycle/Série : Rois du monde, tome 2
Auteur : Jean-Philippe Jaworski
Éditeur : Les Moutons Électriques
Date de publication : 2020 (janvier)

Synopsis : Ambigat est-il mort ? Est-il encore en vie ? L’incertitude excite les convoitises et ajoute au désordre. Par loyauté et par ambition, Bellovèse se lance à la recherche du roi caché. À travers les contrées écumées par des bandes féroces, mais aussi à travers la géographie des rêves et des oracles, il remonte la piste du souverain. Toutefois nombreuses sont les meutes qui lui disputent son gibier. Au terme de la courre, après s’être déchirés à belles dents, combien de limiers auront-ils encore la force de faire curée ?

 

Ce que vous cherchez tous deux réside dans ce cycle sans cesse recommencé. Le haut roi est-il vivant ou mort ? Est-il fort ou faible ? Sacrifie-t-il ou est-il supplicié ? Puisqu’il est souverain il est à la fois vivant et mort, fort et faible, officiant et offrande. Le haut roi est l’axe de vos tribulations. Ce qui importe n’est pas de le trouver, mais la nature du don que vous lui ferez. 

Au revoir à Bellovèse

Après « Janua vera » et « Gagner la guerre », un recueil et un roman qui ont tous deux connu un grand succès, Jean-Philippe Jaworski s’est attelé à l’écriture d’une grande fresque retraçant le parcours d’un certain Bellovèse à l’époque des Celtes de l’Antiquité. Une série dont les premiers opus se sont révélés d’aussi bonne qualité que les précédentes publications de l’auteur, mais qui a néanmoins connu un parcours éditorial un peu compliqué. Annoncée préalablement comme une trilogie, la série connaît un premier bouleversement dès la sortie du deuxième volet qui est découpé en deux parties. Et puis en fait ce sera trois. Et puis non, finalement, nous avons un deuxième tome en quatre parties (quatre livres distincts, donc) et pas de troisième tome, la parution de celui-ci (dont le titre et la couverture avaient pourtant été annoncé il y a déjà longtemps) étant repoussée à une date ultérieure. Ces décisions ont évidemment eu un impact sur la série, aussi bien au niveau de sa réception auprès des lecteurs (qui n’apprécient pas forcément de « casquer » pour quatre romans de deux cent cinquante pages chacun au lieu de l’unique volume annoncé), qu’au niveau de la cohérence même de l’œuvre qui pâtit inévitablement de ce découpage qui casse complètement le rythme du récit. En dépit des mésaventures éditoriales rencontrées par la série il serait pourtant dommage de bouder son plaisir car « Rois du monde » vaut tout de même le détour. [Attention aux spoilers pour les lecteurs n’ayant pas lu les précédents tomes.] L’ouvrage met donc en scène Bellovèse, fils d’un roi vaincu alors qu’il n’était qu’un petit garçon et par conséquent dépossédé de ses terres et de son héritage par le vainqueur. Aujourd’hui, Bellovèse est un guerrier dont la réputation n’est plus à faire, et il combat justement au côté de l’homme qui, il y a bien longtemps, a mis un terme aux ambitions de son père, le haut-roi Ambigat. Un souverain dont le royaume est en proie à la guerre civile depuis la trahison de son fils et d’une partie des chefs placés sous son autorité, et qui est aujourd’hui sur le point de céder. Le seul espoir des partisans du roi réside en Ambigat lui-même qui, après une blessure reçue sur le champ de bataille, n’a pas reparu. Estropié ? A l’agonie ? Mort ? Les rumeurs vont bon train, et c’est à Bellovèse que revient de lever le mystère sur le sort du haut-roi.
Même pas mort

Voyage avec les Celtes de l’âge du fer

Dernière partie de la « deuxième branche » de « Rois du monde », le roman est donc consacré à la fin de la guerre civile opposant Ambigat aux rebelles. On retrouve Bellovèse là où on l’avait quitté (abruptement) à la fin de la troisième partie, à savoir prêt à quitter le Gué d’Avara pour partir en quête du haut-roi. Pour cela, notre guerrier s’est entouré de sa petite clique habituelle, et les retrouvailles avec toute cette galerie de personnages attachants et bien campés font incontestablement plaisir. La première partie du récit évolue cela dit sur un rythme lent, trop lent, tant l’auteur semble s’amuser à différer toujours un peu plus la révélation concernant le sort d’Ambigat. Et puis, enfin, le mystère est levé et le lecteur éperonné par un regain d’intérêt. Après ce qui pouvait apparaître comme une longue parenthèse, le récit reprend donc son cours, de même que la guerre qui, enfin, semble sur le point de prendre un tournant décisif tant les belligérants sont avides d’en découdre une bonne fois pour toute. Le roman repose cette fois encore sur une documentation minutieuse qui permet une immersion totale dans ce premier âge du fer, bien loin des clichés entretenus sur les Celtes et nos fameux « ancêtres les Gaulois ». Jean-Philippe Jaworski dépeint notamment avec soin les rapports de domination qu’entretiennent les individus les uns avec les autres, et les honneurs et subtilités liés à l’obtention du statut de « héros ». Comme dans les précédents volumes, la guerre occupe une place de taille dans le récit, mais, pour autant, l’auteur s’était plutôt limité jusque là à mettre en scène des escarmouches ou des duels de héros plutôt que de véritables grandes batailles. Ce n’est plus le cas ici, et cela donne l’occasion à l’auteur de dépeindre, là encore avec beaucoup de soin, tous les rituels liés au combat, qu’il s’agisse de l’art des peintures de guerre, des échanges d’insultes entre les guerriers des deux camps, ou encore des provocations en duels et des exhortations des druides. On sent que les sources de l’auteur ne sont pas que littéraires mais aussi archéologiques tant il se montre précis dans sa description des armures, des armes ou des ornements dont sont vêtus les personnages, ce qui n’en rend le récit que plus immersif.

Les joies de la verve de Jaworski

Si les textes de Jean-Philippe Jaworski connaissent une aussi grande popularité, c’est aussi et surtout en raison de la qualité de sa plume, et, cette fois encore, celle-ci se montre à la hauteur. En dépit de l’utilisation de termes parfois assez techniques ou pouvant apparaître comme désuets, le texte se lit avec beaucoup de fluidité et donne même souvent envie de le réciter à haute voix tant certaines tournures sonnent justes. Le contraste entre le langage soutenu utilisé dans la narration et le vocabulaire fleuri et résolument moderne employé par les personnages lors de leurs interventions vient quant à lui donner un peu plus de piment au récit. C’est d’ailleurs la qualité de l’écriture, davantage que le charisme des personnages, qui rend certaines scènes assez marquantes. La confrontation entre Ambigat et Bellovèse se révèle particulièrement impressionnante tant l’auteur parvient à entretenir et relancer sans arrêt la tension entre les deux personnages. Les scènes de bataille restent cela dit les plus remarquables, et à ce titre la dernière partie du récit est un véritable bonheur. Jean-Philippe Jaworski narre les combats en mêlant souffle épique et réalisme sordide, dépeignant aussi bien les actes d’héroïsme les plus galvanisant que la violence et ses conséquences les plus abjectes. L’auteur fait également montre d’un talent certain pour mettre en scène et sublimer le tragique tant les situations auxquelles sont confrontés les personnages semblent parfois relever de la tragédie grecque. On atteint le paroxysme du drame, de la surprise et de la tension lors de la toute dernière scène qui plonge le lecteur dans un état d’horreur et d’hébétude qui témoigne du talent sans commune mesure de l’auteur. Et c’est dans cet état que Jean-Philippe Jaworski nous abandonne, car s’il place effectivement les premiers jalons de la suite des aventures de Bellovèse, il nous laisse malgré tout en pleine incertitude concernant la tournure que prendront les événements après le coup de théâtre venu clore cette deuxième branche.

Chasse royale, tome 2 partie 2

Avec cette quatrième partie de « Chasse royale », Jean-Philippe Jaworski met momentanément un terme à la série « Rois du monde » qui, bien qu’inachevée, ne devrait pourtant pas être poursuivie avant un bon moment. Difficile de se départir de l’idée que les aventures de Bellovèse auraient été mieux rythmées, et donc plus captivantes, sans tous ces découpages et interruptions, néanmoins les romans valent le coup d’être lus, que ce soit pour apprécier à nouveau la qualité de la plume de l’auteur, ou pour se plonger dans une reconstitution historique remarquable de la Celtique à l’âge du fer. En espérant retrouver Bellovèse dans quelques années pour connaître le fin mot de ses aventures…

Voir aussi : Tome 1 ; Tome 2 (partie 1) ; Tome 2 (partie 2) ; Tome 2 (partie 3)

Autres critiques : Célindanaé (Au pays des cave trolls) ; L’ours inculte

Antiquiste passionnée d’art, de cinéma, de voyage et surtout grande lectrice des littératures de l’imaginaire (fantasy essentiellement).

2 commentaires

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