Fantasy

Interview de Sandrine Alexie (novembre 2019)

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Après l’avoir rencontrée lors de la 25e Heure du Livre du Mans 2019, Sandrine Alexie, autrice de la série La Rose de Djam chez L’Atalante nous a gentiment accordé une interview.

Le Bibliocosme : Pouvez-vous nous présenter votre parcours : comment en êtes-vous venue à l’écriture et pourquoi avoir choisi d’écrire de la fantasy ?

Sandrine Alexie : Je ne m’en souviens pas moi-même, mais j’avais quatre ans, paraît-il, quand j’affirmais à mes parents que plus tard, « je raconterai des histoires ». À l’école, ma matière forte (et préférée) était la rédaction, et dès le collège, je savais que j’écrirai un jour. J’ai commencé vraiment à l’adolescence, en gribouillant, comme tout le monde, de la poésie, un journal (que je tiens toujours, depuis bientôt quarante ans) mais aussi des fictions de jeunesse qui se faisaient refuser par les maisons d’édition ; et puis un premier roman « abouti », Kawa le Kurde, a été publié chez l’Harmattan en 2005, roman que j’ai mis des années à écrire, parce que ma vie était entrecoupée de voyages au Kurdistan et que je ne rédige pas de fiction quand je vis mes propres aventures.

Je n’ai pas vraiment choisi la « fantasy », d’abord parce que ma génération est plus familière avec les distinctions basiques de merveilleux/fantastique/réalisme magique, ce dernier me convenant peut-être un peu mieux. J’ai toujours été fascinée par les passages, les frontières, les entre-deux… Et c’est ce que j’aime imaginer : des intrigues où plusieurs « réalités » se chevauchent, s’interpénètrent ou agissent en parallèle, sans que cela soit forcément inquiétant ou angoissant. Si bien que si je pouvais choisir mon étiquette, je dirais que j’écris de la littérature d’Outre-monde. Dans Kawa le Kurde, je raconte la naissance mythique du peuple kurde et le règne de Zohak, un roi légendaire symbole de cruauté, en alternant avec ce que j’avais vu ou entendu au Kurdistan, dans les terribles années 1990. La tyrannie contemporaine est ainsi éclairée par ce mal originel, celui du roi-serpent, qui sévit encore dans La Rose de Djam. De même, dans La Rose de Djam, la chute de Jérusalem, la Troisième Croisade, Saladin, les roitelets turcs forment une trame historique, bien documentée par les chroniqueurs. C’est le monde des apparences, l’exotérique. Mais l’action de mes personnages tissent aussi une autre trame, qui procède du monde « inversé » des Quarante, ces « gens du Secret » qui agissent sur les événements de façon invisible, afin de préserver la cohésion de l’univers : ce sont les agents du monde caché, de l’ésotérique.

LB : La Rose de Djam a été édité par les éditions L’Atalante cette année mais le texte avait déjà fait l’objet d’une première édition : comment s’est déroulée votre rencontre et votre collaboration avec l’éditeur ?

SA : En novembre 2017, je suis revenue du Kurdistan d’Irak où j’avais vécu deux ans, sans remettre le pied en Europe tout ce temps. Je flottais donc entre deux mondes, et je ne savais pas trop ce qu’allait être ma vie en France. Fin janvier 2018, je me suis dit, par un maussade après-midi, que je pouvais retenter les envois à un éditeur. Je n’y croyais pas du tout, mais qu’est-ce que j’avais à perdre ? J’ai parcouru les sites et j’ai sélectionné ceux qui ne réclamaient pas de bla-bla en plus du texte : ni CV, ni synopsis, ni résumé, ça me convenait. C’est ainsi que je suis tombée sur le site de l’Atalante, qui avait lancé en début d’année une opération « en janvier, envoyez-vos textes ». J’ai dû balancer L’Appel des Quarante par mail le 30 ou 31 janvier, si je me fie à mon journal, c’est-à-dire in extremis !

Après l’accusé de réception, je n’en ai plus entendu parler et j’avais presque oublié, jusqu’à ce que je reçoive un mail de Yann Olivier le 10 septembre, me disant qu’ils étaient intéressés et qu’ils voulaient s’assurer que le roman n’était pas retenu ailleurs. Ensuite, après quelques échanges de mail, Mireille Rivalland m’a téléphonée afin que l’on se rencontre à Paris, puisque je vis en Île-de-France. Nous nous sommes vus le 14 novembre pour convenir des contrats et ensuite, tout a été assez rapide : corrections du texte, idée de couverture, préparation des cartes historiques, nous avons travaillé dessus tout l’hiver jusqu’au printemps, par mail ou téléphone. Le tome I est paru le 25 avril de cette année et tout de suite, j’ai été « embarquée » dans trois salons, celui d’Échos et merveilles fin avril, les Imaginales en mai et Étonnants Voyageurs en juin. On peut dire que j’ai tout de suite été jetée dans le grand bain !

LB : Avez-vous procédé à de nombreuses retouches par rapport au texte d’origine ?

SA : Quand j’écris, il m’arrive souvent de revenir corriger un fait, une date, un détail, au fur et à mesure que je creuse la documentation. Puis je me relis plusieurs fois en élaguant le superflu. À partir du tome II, la narration est éclatée entre plusieurs personnages qui vivent leurs aventures chacun de leur côté : en général, j’écris la partie d’un héros, puis je passe à un autre, jusqu’à avoir rédigé les intrigues de tout le monde. Ensuite je procède au montage, décidant d’alterner ou de ne pas alterner les chapitres, en fonction de la chronologie, du rythme, etc. À ce moment-là, je peux aussi modifier des passages pour que l’ensemble se tienne mieux.

Pour ce qui est de la correction en vue de la publication, les deux premiers tomes n’ont pas du tout été retouchés, hormis les petites corrections usuelles de style, de syntaxe, quelques paragraphes en trop. Pour le tome III, Le Pôle du monde, qui paraîtra en janvier prochain, j’ai intégralement réécrit la seconde partie, parce que je n’en étais pas satisfaite : je l’avais achevé l’été 2017, alors que j’étais encore au Kurdistan d’Irak, entre l’agitation autour du référendum sur l’indépendance, les représailles de Bagdad, la fermeture des frontières, mon visa expiré… bref, alors que je luttais pied à pied pour rester là-bas, je n’avais pas l’esprit disponible pour le roman. Je me suis obligée à le finir parce que je ne savais trop ce qui allait m’arriver ensuite. Mais c’était une erreur de contrevenir à ma règle, qui est de ne pas écrire en voyage, puisqu’à ce moment-là, même coincée au Kurdistan (dont les aéroports avaient été bloqués), mentalement, j’étais déjà sur le départ.

Au printemps dernier, au moment où paraissait le tome I, j’ai donc réécrit entièrement la moitié du III et l’atmosphère en est beaucoup plus lumineuse et sereine que le texte initial, qui se ressentait de mon humeur de l’époque !

LB : Vos romans se déroulent à la fin du XIIe siècle au Moyen-Orient : pouvez-vous présenter rapidement l’intrigue de votre série et nous expliquer pourquoi avoir choisi cette période ?

SA : L’action démarre en 1186, un an avant la prise de Jérusalem par Saladin. Dans la principauté normande d’Antioche, au nord de la Syrie, Bastian de Terra Nuova, le seigneur d’un château-fort situé à la frontière de l’émirat d’Alep, disparaît dans des conditions mystérieuses, avec six autres chevaliers, en repoussant une attaque nocturne dans la montagne Saint-Simon. Sa nièce Sibylle est son unique héritière, d’autant que son jeune époux est tué au cours de la même nuit. Toute la principauté s’attend à ce qu’elle se remarie au plus vite avec un chevalier capable de défendre Terra Nuova, alors que la guerre reprend entre les Francs et Saladin. Mais voilà qu’un faqîr venu d’Iran réapparait au château et se rappelle à son souvenir : il fut autrefois le maître de Sibylle en ses années d’enfance, et l’a instruite en vue d’une mission dont elle ignorait tout jusqu’à présent : retrouver une coupe miraculeuse, appelée la Rose de Djam, dans laquelle peuvent se lire tous les secrets du monde. Dans le même temps, un groupe mené par le spectre de Zohak, le roi-serpent qu’un maléfice mystérieux a fait revenir en ce monde, est aussi à la recherche de la Rose de Djam : ce sont les « Frères de la Droite Voie ». Face à eux, il y a les Quarante, les grands saints cachés, aux pouvoirs spirituels étendus, mais qui s’interdisent de s’emparer eux-mêmes de la Rose de Djam, par peur de succomber à son attraction. À leur place, trois enfants ont été désignés et élevés en vue de cette mission, et c’est finalement Sibylle qui est jugée la plus capable entre tous. C’est ainsi qu’elle se lance, avec quelques compagnons, dans un périple qui l’amène de Syrie jusqu’au Kurdistan et puis dans les hautes montagnes d’Iran.

Si j’ai toujours eu un attrait particulier pour la période du XIIe-XIIIe siècle, c’est d’abord en raison de son histoire très tumultueuse, et donc passionnante, entre les guerres issues des Croisades et les dissensions des musulmans, chiites et sunnites. C’est aussi une civilisation extraordinairement raffinée, avec une culture très riche, au carrefour des mondes grec, arménien, arabe, turc, iranien, auxquels viennent s’ajouter les croisés venus d’Anjou, de Flandres, de Gascogne, et les Normands de Sicile. Enfin, l’art de cette époque est un véritable musée du fantastique. Que ce soit sur les monuments, les céramiques, les objets de bronze, c’est toute une faune fabuleuse qui s’y déploie : dragons avaleurs de soleil, aigles bicéphales, griffons, chimères, phénix, lions affrontant des serpents géants, etc. Ajoutons à cela une atmosphère mystique assez particulière, avec des faqîrs singuliers doués d’ubiquité, de télépathie, de télékinésie, etc. Tout cela, je ne l’ai pas inventé : c’est relaté de façon extrêmement sérieuse par les chroniqueurs ou les biographes de l’époque. C’est donc un univers romanesque idéal, entre aventure et surnaturel.

LB : Vos romans fourmillent évidemment de références historiques : sur quelles sources vous êtes-vous principalement appuyée pour écrire sur cette période ?

SA : J’aurais bien aimé ne dépendre que de « quelques » sources principales ! Pour l’histoire chronologique des événements, des batailles, des dynasties, la lecture de grands ouvrages de références suffit, et tout cela est facile à entrelacer avec l’intrigue romanesque. Mais comme on voyage beaucoup dans La Rose de Djam, je dois rassembler une documentation qui couvre une mosaïque de royaumes, avec des religions, des langues, des coutumes extrêmement diverses. À chaque fois, il faut enquêter sur les mœurs, les vêtements, les croyances de groupes humains qui vivaient côte à côte, mais gardaient leur culture propre. Mes sources favorites sont les écrits de l’époque : les historiens comme Guillaume de Tyr et ses continuateurs, Ibn Khallikan, Ibn Shaddad, ‘Usama, en plus des écrits de soufis ou des Ismaéliens. L’œuvre de Sohrawardî, aussi, puisque c’est un des personnages majeurs de cette histoire. Sinon je suis une (très) avide lectrice d’articles de recherche pointus, ciblés, ou de thèses portant sur des sujets aussi variés et restreints que les cosmétiques dans l’Islam médiéval, les techniques de combats de part et d’autre, la topographie urbaine d’Alep, d’Amide ou de Mossoul en 1187-1188. En bref, cela me demande le même travail d’enquête que si j’avais à écrire une thèse ! Et tout cela pour des descriptions qui, quelquefois, font trois lignes… À côté de cela, le travail d’écriture proprement dit, l’imagination, l’aspect uniquement littéraire sont très reposants.

J’ai d’autres sources, plus personnelles, mais tout aussi utiles : mes souvenirs. Comme j’ai parcouru de long en large les trois-quarts des lieux que traversent mes personnages, cela rend leur description plus facile, tout en tenant compte des modifications ultérieures dans les paysages ou les monuments. C’est comme regarder deux cartes postales de la même place, à quelques siècles d’intervalle. De même, passer plusieurs hivers au Moyen-Orient permet de savoir à quel point certaines régions, qu’on se représente ici comme toujours chaudes, voire désertiques, peuvent être extraordinairement humides, venteuses, et même glaciales. Ou bien, quand, dans le tome II, une poussière jaune couvre la citadelle de ‘Amâdiyya, et que je dis qu’on n’y voit pas à dix pas, ce n’est pas juste une façon de parler ! C’est quelque chose qui ne se représente pas si on n’a pas été englouti dans cette mélasse jaune. Il y a aussi les détails de la vie quotidienne, ces petits riens qui appartiennent à une culture : la façon de saluer, de dire oui ou non, de manger, etc.

LB : Sibylle, Pèir, Shudjâ‘… : vos romans ne manquent pas de personnages attachants et hauts en couleur : avez-vous une affection plus marquée pour l’un d’entre eux ?

SA : Cela évolue au fur et à mesure que j’avance dans l’histoire, parce que je ne choisis pas toujours l’importance que vont avoir mes personnages. Au départ, j’avais en tête le duo Pèir et Sibylle, et Shudjâ‘ ne devait jouer qu’un rôle assez bref, donner le coup d’envoi à la mission de son élève et disparaître. Mais le vieux Loup ne s’est pas laissé pas évincer comme ça et a pris une place essentielle dans le roman. C’est devenu assez vite un de mes personnages préférés. À partir du tome III, Yahya le Sohrawardî va jouer un grand rôle, et ce jusqu’à la fin (mais cela, c’était prévu). Avant d’écrire La Rose de Djam, j’étais déjà fan de sa philosophie, qu’ont traduite et longuement commentée Henry Corbin et Christian Jambet. Mais fouiller plus avant dans sa vie, avec les notices biographiques de ses contemporains, m’a permis de camper un personnage extraordinairement attachant, en plus d’être génial : brave, fantaisiste et surtout, plein d’humour. D’autres personnages qui, jusqu’ici, semblent secondaires, voire négligeables, sont destinés à peser sur le cours des événements. Certains, qui avaient disparu, vont réapparaître. Et enfin, la Troisième Croisade fera venir une fournée fraîche de protagonistes. Aussi, il est fort possible qu’au Vème ou VIème tome, je m’attache à d’autres héros.

LB : Les Kurdes occupent une place importante dans votre roman mais aussi dans l’actualité : en tant que spécialiste de la culture et de la langue kurdes, pouvez-vous nous donner votre analyse sur ce qui se joue actuellement en Syrie pour cette population en particulier ?

SA : Ce qui se joue actuellement pour les Kurdes de Syrie, c’est le nettoyage ethnique et la persécution systématique, déjà mis en place dans la région d’Afrin (au nord-ouest d’Alep, où se situe Terra Nuova, le château de Sibylle) depuis fin décembre 2017. Aujourd’hui, c’est la région de Tell Abyad-Girê Spî qui est tombée, après avoir été salement lâchée par les forces alliées, principalement les États-Unis. Il faut dire que c’est une tradition de la politique américaine de poignarder la résistance kurde, après l’avoir soutenue et même armée : Kissinger en 1975, Bush père en 1991… Donc ce qui se passe est tragique, mais sans surprise. Il suffit de regarder une carte du Rojava (le Kurdistan de Syrie) pour se rendre compte que cette bande de terre, coincée entre les mâchoires turque et syrienne est indéfendable avec le peu d’armes dont disposent les Kurdes. Et contrairement au reste du Kurdistan, le Rojava a un petit relief de collines et de plaines, où une guérilla ne peut pas tenir.

En 2017, Putin avait déjà dit aux Kurdes qu’ils n’avaient que le choix de permettre à l’armée syrienne de revenir dans leurs zones, ou bien d’être envahis par les Turcs. Les Kurdes avaient refusé de céder et en janvier 2018, Afrin était occupée par la Turquie. Aujourd’hui, pour sauver ce qu’il reste de population kurde et chrétienne en Syrie du nord, les forces SDF [NDLR : Forces Démocratiques Syriennes] ont dû accepter de se retirer tandis que Damas et Ankara se partagent la zone frontalière sous l’égide de la Russie, le véritable bénéficiaire du retrait américain.

Les Kurdes ne sont pas enchantés à l’idée de perdre leur autonomie et d’être réintégrés bon gré mal gré dans la Syrie d’Assad, mais depuis 1923 et le Traité de Lausanne, leurs choix politiques ont été souvent limités entre opter pour un dictateur qui veut vous exterminer tout de suite ou un autre dictateur, qui va vous opprimer, mais sans vous éradiquer dans l’immédiat

LB : Pouvez-vous nous présenter brièvement à quoi nous pouvons nous attendre dans la suite de La rose de Djam ?

SA : Sibylle, déguisée en derviche, et sous la protection du mystérieux Verdoyant, tente d’échapper aux Noirs en suivant les caravanes qui sillonnent les routes du Kurdistan et de l’Azerbaïdjan, au milieu de marchands, de soufis, de musiciens vagabonds, et en semant quelques perturbations par où elle passe. Shudjâ‘ entreprend d’aller soigner le maléfice à sa source, et cela va le mener jusqu’à Alamut, l’imprenable montagne des Ismaéliens, où règne le fameux grand Imâm de Hassan Dilêgûr. De son côté, Pèir doit s’en retourner en Syrie pour se faire reconnaître seigneur en titre de Terra Nuova et y affronter un vieil ennemi. En chemin, il fera de singulières rencontres avec l’Outre-monde. Quant à Mascelin, il est toujours aussi désespérant, et se prend quelques bonnes paires de claques qui ne vont pas l’amender, hélas.

LB : Êtes-vous vous-même lectrice régulière de science-fiction, fantasy ou fantastique ? Et si oui, avez-vous un ou des auteurs en particulier à conseiller ?

SA : Un des livres que j’aime particulièrement emmener en voyage est Les villes invisibles d’Italo Calvino. Où qu’on se rende, l’utiliser comme guide touristique est fascinant. Sinon, je suis fan de Yôko Ogawa. Dans la même atmosphère poétique, mélancolique, un peu plus douce-amère que les intrigues subtiles et cruelles d’Ogawa, j’aime beaucoup Aimee Bender, qui s’est fait connaître en France avec La singulière tristesse du gâteau au citron, L’ombre de moi-même, La fille en jupe inflammable, Des créatures obstinées ; et il y a aussi Lucy Wood, avec Diving Belles, Weathering, The sing of the shore, qui, hélas n’est pas accessible aux lecteurs francophones, de même Viola di Grado, dont le seul roman traduit en français 70% acrylique 30% laine n’a rien de « fantastique », au contraire de Cuore Cavo (en anglais Hollow Heart et pour le reste de son œuvre, il faut lire l’italien). Sinon il y a des auteurs qui écrivent indifféremment dans plusieurs genres, dont le fantastique ou le réalisme magique (les experts départageront les étiquettes) comme Kate Atkinson ou Dan Chaon. J’attends aussi avec impatience le tome 4 de La passe-miroir de Christelle Dabos et (évidemment !) la suite du Trône de fer.

Comme on le voit, il n’y a pas une grande parenté entre ce que j’aime lire et ce que j’écris. Je crois qu’en moi la lectrice et l’écrivaine font deux, ce qui n’est pas plus mal. Mais il y a souvent, à l’origine de mes romans, un livre, un personnage qui m’inspirent, qui me donnent une idée, que je mets ensuite à ma sauce. Ainsi dans Terra Nostra, de Carlos Fuentès, le roi Philippe m’a aidée à camper le personnage du roi-serpent dans Kawa le kurde : à la fois maître du monde et muré dans son palais. De même, la lecture du Clan des Otori m’a laissée d’abord admirative. J’ai trouvé extrêmement ingénieux que Lian Hearn se serve de son érudition pour bâtir un Japon féodal à la fois merveilleux et si authentique. Et puis j’ai réalisé que le Moyen-Orient médiéval, mystique, guerrier et pèlerin, était un univers aussi fabuleux.

LB : Avez-vous actuellement d’autres projets d’écriture ?

SA : Souvent, quand je dois m’avaler des pages de sources historiques ou de relevés de fouilles, je me dis que la prochaine fois, je devrais partir d’un monde totalement inventé, que ça doit être plus facile (mais les auteurs qui font ça disent que ce n’est pas simple de bâtir un univers matériellement et spirituellement cohérent). Il m’arrive aussi d’en avoir un peu marre du XIIè siècle et de souhaiter changer d’air, revenir dans un monde plus contemporain. Mais j’ignore quand j’en aurai terminé avec La Rose de Djam (je sais seulement qu’il ne peut y avoir moins de six tomes, voire plus), et je ne sais pas si je pourrai tout de suite me relancer dans une autre histoire. Il faudra d’abord que je fasse mon deuil de Sibylle, Pèir, Shudjâ’, Yahya… car mettre le mot « fin » à cette histoire sera aussi les quitter pour toujours. Or cela fait des années que je vis, dors, mange, respire avec eux. C’est pourquoi je suis incapable d’imaginer, pour le moment, d’autres histoires, tellement celle-ci m’accapare, en temps comme en énergie. S’il y a des romans qui mûrissent en moi, c’est à mon insu.

Merci donc à Sandrine Alexie pour ses réponses précises, son érudition et sa réactivité. Bon vent pour la suite de la Rose de Djam !

Antiquiste passionnée d’art, de cinéma, de voyage et surtout grande lectrice des littératures de l’imaginaire (fantasy essentiellement).

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