Fantasy

La rose de Djam, tome 2 : La grotte au dragon

Titre : La grotte au dragon
Cycle/Série : La Rose de Djam, tome 2
Auteur : Sandrine Alexie
Éditeur : L’Atalante
Date de publication : 2019 (août)

Synopsis : Sibylle, notre jeune Normande, héritière d’un fort de la principauté d’Antioche, a trouvé mari en la personne de Pèir, un Gascon ombrageux, et répondu, au prix d’un périple hasardeux vers l’est, à l’appel des quarante saints du monde réunis à Amid. Sa mission ? Se rendre dans la montagne près de Mossoul pour arracher au « dragon » la Rose de Djam. Mais entre-temps, Shudjâʿ, le faqîr qui fut le maître de Sibylle dans son enfance, s’est laissé capturer par les Noirs, qui s’y entendent en torture et tourments de toute nature…

 

Un Gascon sur le devant de la scène

Fin du XIIe siècle. La situation au Moyen-Orient devient de plus en plus explosive depuis que Saladin s’est lancé à l’assaut de Jérusalem. Du côté des chrétiens comme des musulmans, les dissensions ne font que croître et les retournements d’alliance sont légion, rendant la région particulièrement instable. C’est dans ce contexte troublé que la jeune Sibylle, châtelaine de la place-forte de Terra Nuova, a pris la route en compagnie de plusieurs compagnons afin de mener à bien une mission périlleuse : retrouver la rose de Djam, une coupe légendaire réunissant toute la connaissance du monde et dotée de pouvoirs immenses. Désignée pour des raisons obscures par une assemblée toute aussi mystérieuse baptisée les Quarante, la jeune femme se voit contrainte d’emprunter des itinéraires d’autant plus dangereux que des hommes en noir redoutablement entraînés et trop bien informés la talonnent à chacune de ses étapes, visiblement décidés à la faire échouer. Après un premier tome très prometteur, Sandrine Alexie poursuit son récit avec un deuxième opus qui se révèle tout aussi captivant que le premier, même s’il a de quoi surprendre. En effet, contrairement au premier volume, Sibylle se trouve ici mise de côté au profit d’un autre personnage, celui de Pèir Esmalit, le mercenaire qu’elle a épousé par calcul et qui s’est finalement joint à la quête de sa tempétueuse épouse. C’est donc le Gascon qui occupe le devant de la scène pendant les trois quart du roman, le dernier seulement étant consacré à la suite du parcours de la jeune femme dans les montagnes de Mossoul. Un choix audacieux qui risque malheureusement de perdre un certain nombre de lecteurs, mais qui, une fois passée la déception de ne pas revoir l’héroïne de sitôt, ne se révèle pas si gênant que cela tant les aventures du Gascon sont palpitantes.

Une histoire qui s’étoffe

Si le premier tome pouvait parfois souffrir de légers problèmes de rythme, ce n’est pas le cas du second qui parvient à maintenir la cadence jusqu’à la dernière page. La narration est toujours aussi fluide, et les dialogues aussi savoureux car épicés par des expressions tirées de l’ancien français, du gascon, de l’arabe ou encore du kurde. Nul doute que le langage fleuri de Pèir Esmelin en fera sourire plus d’un, de même que celui de Sibylle qui, en dépit de son statut de jeune demoiselle de noble naissance, n’a pas non plus la langue dans sa poche. La qualité de la plume de l’auteur joue évidemment beaucoup dans le plaisir que l’on prend à suivre cette quête dont les contours s’éclairent davantage dans ce deuxième tome. Il est vrai que le premier ne nous livrait que des informations très lacunaires, laissant volontairement le lecteur dans l’ignorance d’éléments importants (l’identité des hommes en noirs, la raison du choix de Sibylle pour cette aventure, le rôle de Shudja dans son enfance…). Un certain nombre de ces mystères trouvent ici leur réponse, quand bien même le personnage de Sibylle ne se trouve plus au cœur de l’intrigue. Les quelques passages mettant en scène cette dernière sont pour leur part très réussis et livrent un très beau portrait d’héroïne dont on ne peut qu’admirer la force de caractère. Pèir est lui aussi toujours aussi attachant, non seulement en raison de son passé (dont l’auteur nous livre ici quelques aperçus sous forme de flash-back) mais aussi de l’attachement profond qu’il éprouve pour son épouse. Shudja s’impose pour sa part un peu plus comme la troisième figure phare de la série, et là encore on ne peut s’empêcher de se prendre d’affection pour ce faqîr colérique et bougon dont on discerne pourtant le grand cœur derrière la carapace inflexible. Les autres personnages ont des rôles un peu plus secondaires, ce qui n’empêche pas l’auteur de les doter d’une personnalité fouillée, les rendant ainsi plus consistants et convaincants.

Le Moyen-Orient du XIIe comme si vous y étiez

Le plus gros point fort du roman réside cela dit une fois encore dans la qualité de la reconstitution historique proposée par l’auteur qui maîtrise de toute évidence le sujet sur le bout des doigts. Spécialiste de la langue et de la culture kurde, Sandrine Alexie peut en effet compter aussi bien sur ses propres souvenirs des lieux dépeints que sur les nombreuses sources qu’elle a pu compiler, et cela se sent tout au long de la lecture tant le roman se révèle immersif. L’utilisation du vocabulaire approprié y contribue évidemment beaucoup, l’auteur ayant l’intelligence de placer suffisamment de termes spécifiques à l’époque ou à la culture dépeinte pour que le lecteur puisse s’immerger pleinement dans le récit, sans pour autant se sentir dépassé par une trop grande abondance de mots inconnus. Ainsi, quand bien même le petit lexique placé en fin de volume a son utilité, le texte est la plupart du temps suffisamment parlant par lui-même pour que le lecteur puisse s’en passer aisément et n’interrompe pas constamment sa lecture pour se référer à une définition. Les descriptions détaillées des us et coutumes de chacun, de l’agencement des villes traversées ou de la spécificité de telle ou telle culture se révèlent pour leur part d’autant plus passionnantes que l’on a peut l’habitude de voir un roman relater avec autant de précision l’histoire de cette partie du monde, la plupart des récit médiévaux se déroulant en Europe. Le roman est d’autant plus intéressant qu’il reflète bien le brassage exceptionnel qui a lieu dans cette région du monde au XIIe siècle, les cultures arabes, turques, grecques ou encore arméniennes se mêlant à celles importées par les croisés venus de Sicile, de Normandie ou de Gascogne. Un mélange détonnant !

Sandrine Alexie signe avec ce deuxième tome de « La Rose de Djam » un roman palpitant qu’on prend autant de plaisir à dévorer que le premier, quand bien même il est un peu déstabilisant de voir l’héroïne ainsi mise de côté pendant la majeure partie du récit. Si vous voulez en savoir un peu plus sur l’auteur et son univers, je vous conseille d’aller lire l’interview que l’auteur a eu la gentillesse de nous accorder hier (et dans laquelle elle révèle notamment sa volonté de ne finalement pas se limiter à une trilogie mais plutôt à six tomes, voir plus…).

Voir aussi : Tome 1 ; Tome 3

Autres critiques : Célindanaé (Au pays des cave trolls)

Antiquiste passionnée d’art, de cinéma, de voyage et surtout grande lectrice des littératures de l’imaginaire (fantasy essentiellement).

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