La 25e Heure du Livre, Conférence #3 : Arcanes du pouvoir et de la corruption
Après deux conférences sur des sujets très difficiles (« Crimes de guerre : femmes, premières victimes » et « Enfants-soldats »), la 25e Heure du livre du Mans s’est proposé de revenir sur un aspect non moins reluisant de la situation au Congo avec un débat consacré aux arcanes du pouvoir et de la corruption. Étaient présent trois intervenants : Thomas Dietrich, auteur de « Là où la Terre est rouge » ; In Koli Jean Bofane, auteur, entre autre, de « Mathématiques congolaises » ; et enfin Fiston Mwanza Mujila, auteur de « Tram 83 ». Une conférence intéressante bien que certains points ait été beaucoup trop survolés à mon goût.
Question à In Koli Jean Bofane : Quels sont, dans les grandes lignes, les grands événements de l’histoire du Congo entre le XIXe et le XXIe siècle ?
Le Congo est une colonie belge depuis 1908, mais une colonie d’un genre un peu particulier puisqu’elle est la possession privée du roi Léopold II. La population vit alors avec peu de moyens et rien n’est fait en ce qui concerne l’éducation si bien que, en 1960, au moment de l’indépendance, il n’y a personne pour gérer, former, enseigner dans le pays. Apparaît alors sur la scène politique congolaise un leader important, Lumumba (« le peuple en marche »), qui mourra toutefois rapidement, victime d’une âpre lutte de pouvoir. L’instabilité s’installe dans la région et en 1965, Mobutu prend le pouvoir qu’il gardera pendant plus de 30 ans (1965 – 1997). En 1997, Mobutu est à son tour renversé par Kabila, chef d’une coalition des armées rwandaise et ougandaise, qui devient à son tour président d’un nouveau pays : « La République démocratique du Congo ». Immédiatement après, une guerre opposant le Congo au Rwanda et à l’Ouganda s’engage en même temps qu’un début de guerre civile. Une situation qui perdure aujourd’hui encore, notamment à l’Est du pays.
Question à Fiston Mwanza Mujila : Comment en est-on arrivé à la situation actuelle dans ce pays ?
Fiston Mwanza Mujila explique qu’on lui a a toujours dit que pour être considéré comme un pays, un territoire devait être délimité par des frontières, abriter un peuple et être dirigé et unifié par un leader. Autant de conditions que le Congo ne réunit pas ou qu’à moitié. Pour lui, la colonisation du pays a constitué en la négation totale de la culture congolaise. Une sorte de principe d’amnésie que les régimes que se sont ensuite succédés à la tête du pays ont malheureusement perpétué à leur tour. Il y a chaque fois la volonté de construire un nouveau pays, d’oublier le passé. Ça a été le cas avec Mobutu mais aussi avec les élections démocratiques qui ont suivi et dont le maître mot était : table rase du passé. Cela explique pourquoi il existe aujourd’hui au Congo plusieurs histoire du pays et plusieurs mémoires collectives.
Question à Thomas Dietrich : Pourquoi cet intérêt des puissances occidentales pour le Congo ?
Thomas Dietrich explique que le Congo est avant tout victime de ses richesses dont tout le monde profite à l’exception des habitants du pays. Il prend l’exemple de Katanga et de la guerre de 1964-5, présenté en France comme une énième guerre tribale entre « barbares » africains, mais qui était en réalité un conflit pour la possession des mines de cuivre du pays.
Question à tous les intervenants : En lisant les ouvrages des différents intervenants, le lecteur a vite l’impression que personne n’échappe à la corruption là-bas, est-ce la réalité ?
Tout le monde est touché par la corruption et tout le monde ne pense qu’à l’argent pour la simple et bonne raison que tout le monde en manque. Au Congo s’oppose d’un côté toute cette ambiance de paradis pour multinationales (belle musique, belles filles, beaux paysages) et de l’autre toute cette misère et toutes les horreurs de la guerre. Les auteurs s’accordent sur le fait qu’il est facile de « péter un plomb » au Congo et que la corruption est devenue la norme sur place. On est dans un système de sélection naturelle : la raison du plus fort prévaut toujours. C’est une chose qui a aujourd’hui été bien intégrée par les Congolais, de même que le danger avec lequel ils ont appris à vivre. Personne ne s’inquiète aujourd’hui de quelques coups de feu dans les rues. De même, les étudiants qui, lorsqu’il vont manifester, savent qu’ils ne risquent pas « seulement » de se faire bastonner mais de prendre une balle et de perdre la vie. Pour Thomas Dietrich il y a malgré tout de l’espoir et il prend comme exemple l’ouest du continent et notamment le Nigéria, état sur lequel personne n’aurait parié et qui a adopté aujourd’hui un modèle démocratique qui semble bien fonctionner.
L’Afrique n’est pas ce contient rongé par la haine et la guerre comme nous le laisse croire les médias. Il y a encore de l’espoir de voir la situation s’améliorer, au Congo comme ailleurs.