Science-Fiction

Des milliards de tapis de cheveux

Des milliards de tapis de cheveux L'Atalante

Titre : Des milliards de tapis de cheveux (Die Haarteppichknüpfer)
Auteur : Andreas Eschbach
Éditeur : L’Atalante (La Dentelle du Cygne) / J’ai Lu (Science-Fiction)
Date de publication : 1999, puis 2004 (1995 en VO)
Récompenses : Prix Bob-Morane 2001 du roman étranger, Grand Prix de l’Imaginaire 2001 du roman étranger, Prix Bob-Morane 2008 spécial

Synopsis : Noeud après noeud, jour après jour, toute une vie durant, ses mains répétaient les mêmes gestes, nouant et renouant sans cesse les fins cheveux, comme son père et le père de son père l’avaient fait avant lui…
N’est-ce pas étrange qu’un monde entier s’adonne ainsi au tissage de tapis en cheveux ? L’objet en est, dit-on, d’orner le Palais des Etoiles, la demeure de l’Empereur. Mais qu’en est-il de l’Empereur lui-même ? N’entend-on pas qu’il aurait abdiqué ? qu’il serait mort, abattu par des rebelles ?
Comment cela serait-il possible ? Le soleil brillerait-il sans lui ? Les étoiles luiraient-elles encore au firmament ?
L’Empereur, les rebelles, des milliards de tapis de cheveux ; il est long le chemin qui mène à la vérité, de la cité de Yahannochia au Palais des Etoiles, et jusqu’au Palais des Larmes sur un monde oublié…

Note 4.0

Nœud après nœud, jour après jour, une vie durant, les mains de l’exécutant répétaient sans cesse les mêmes gestes, nouant et renouant sans cesse les fins cheveux, des cheveux si fins et si ténus que ses doigts finissaient immanquablement par trembler et ses yeux par faiblir de s’être si intensément concentrés – et pourtant, l’avancée de l’ouvrage était à peine perceptible ; une bonne journée de travail avait comme maigre fruit un nouveau fragment de tapis dont la taille approximative n’excédait pas celle d’un ongle.

Ils sont beaux, mes tapis, ils sont beaux ! Tout de cheveux tissés, ils sont le but ultime de tout bon père de famille désireux d’assurer un certain train de vie à sa descendance ! Grâce à ce système social à première vue capillotracté, et pourtant diablement original, Andreas Eschbach nous tisse une histoire touffue certes, mais également moelleuse et confortable.

Tout commence sur une planète isolée, aux confins de la galaxie. Là, la tradition veut que chaque père de famille tisse pendant toute sa vie, à partir des cheveux de sa femme et de ses filles, un magnifique tapis destiné à l’empereur galactique et ayant également pour but de subvenir aux besoins financiers de sa descendance de la génération suivante. Andreas Eschbach pose ainsi, dès le départ, la problématique de l’éternel recommencement au centre de son intrigue. Et l’intrigue en effet, quelle est-elle ? D’un drame presque anodin, lié à ces tapis, de destins personnels en politiques à l’échelle d’une galaxie, l’auteur cherche surtout à nous faire ressentir le poids de la tradition et sa force dans une société établie. Pour cela, nous abordons l’ensemble des facettes d’une galerie large et variée de personnages : le vieux tisseur qui perd le fruit de toute une vie de labeur, les politiciens rebelles qui ont mis à bas l’empereur immortel, les occupants de vaisseaux explorateurs aux confins de l’Empire délabré.

Dans ce space opera non militariste, l’intérêt est ainsi plutôt sur les aspects culturalistes, puisqu’à l’image de cette branche de l’anthropologie, ce roman met clairement en évidence l’influence de la culture, de l’éducation, de la tradition organisée par la société, sur la personnalité des individus qui la composent. Devant cet état de fait, la difficulté de compréhension de certains viendra sûrement du flou chronologique engendré dans l’enchaînement des différents chapitres, mais à part ça tout cela reste plutôt lisible et vraiment prenant. Nous pouvons au milieu du roman soit que l’auteur s’est retrouvé le derrière entre deux chaises pour passer ainsi d’un planet opera centré sur le poids des tapis à un space opera trop large et trop englobant, soit que la transition entre les deux est juste trop nette au prix d’un changement de décor un peu déstabilisant. Pour autant, nous ne pouvons nous empêcher de souligner dans ce premier roman d’Andreas Eschbach une certaine poésie et un sens de l’épopée discrète, qui me fait rapprocher le style de cet auteur de celui de Jean-Philippe Jaworski, avec bien évidemment une approche différente du point de vue de l’aventure galactique.

Des milliards de tapis de cheveux J'ai Lu

Sans être un monument du genre, ces Milliards de tapis de cheveux laissent un souvenir des plus agréables en se fondant sur un concept vraiment original et en racontant une histoire prenante. La conclusion est lourde de réflexions sur le sens de nos vies de mortels.

Autres critiques : Arwen (eMaginaRock) ; Célindanaé (Au pays des Cave Trolls) ; Le Dragon galactique ; Lorhkan (Lorhkan et les mauvais genres) ; Le Scribouillard (C’est pour ma culture) ; Xapur (Les Lectures de Xapur)

Kaamelotien de souche et apprenti médiéviste, tentant de naviguer entre bandes dessinées, essais historiques, littératures de l’imaginaire et quelques incursions vers de la littérature plus contemporaine. Membre fondateur du Bibliocosme.

7 commentaires

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