Bloodsilver
Titre : Bloodsilver
Auteur : Wayne Barrow (alias Johan Héliot et Xavier Mauméjean)
Éditeur : Mnémos
Date de publication : 2008
Récompenses : Grand Prix de l’Imaginaire 2008
Synopsis : 1691 : un bateau transportant de mystérieux passagers aborde la côte est du continent nord-américain. Les vampires viennent de débarquer de la vieille Europe. Ils forment bientôt le Convoi, longue colonne de chariots recouverts de plaques de plomb, et se lancent à la conquête de l’Ouest, anticipant le trajet du chemin de fer dans une lente et implacable progression… 1692 : à Salem, une poignée d’hommes impitoyables fonde la confrérie des Chasseurs, bien décidés à stopper l’avancée du Convoi et à en découdre avec les créatures des ténèbres. De Fort Alamo aux territoires sioux, de Wounded Knee à Silver City, les hommes du Nouveau Monde, Billy the Kid ; les frères Dalton ou encore Doc Holliday mêlent le sang à l’argent, luttant sans merci contre les vampires, ou formant avec eux d’improbables alliances…
Broucolaques, Lamies, Stryges, autant de termes qui dans sa langue désignent depuis l’Antiquité les plus redoutables des prédateurs. Le Nouveau Monde n’a pas de nom pour eux, et pourtant ils sont en Amérique.
Avec « Bloodsilver », Johan Héliot et Xavier Mauméjean (qui se cachent ici sous le pseudonyme de Wayne Barrow) tissent une magnifique fresque relatant ce qu’aurait pu être l’histoire des États-Unis si les « Brookes » (comprenez les vampires) y avaient débarqué au XVIIe siècle afin d’y créer leur propre état, loin du Vieux Continent. De l’arrivée des Brookes à bord de l’Asviste, comme les premiers pionniers avant eux sur le Mayflower, à leur progressive acceptation par les habitants du pays, en passant par l’organisation des Brookes en Convoi s’enfonçant de plus en plus loin dans le territoire, la création de la Confrérie des Chasseurs en réponse à cette incursion, les persécutions, les fragiles tentatives de cohabitation entre les deux communautés…, ce sont près de trois siècles d’une histoire réinventée qui défilent devant nos yeux ébahis. Chaque chapitre, de longueur très variable, correspond ainsi à une année, un personnage, un moment clé de l’histoire de la Famille (les vampires) ou des Chasseurs (leurs plus farouches opposants).
Le mode de narration peut, il est vrai, engendrer dans un premier temps une certaine frustration (notamment lorsque, comme moi, on ne s’attendait pas à passer d’une époque à une autre aussi rapidement) mais on se laisse malgré tout vite happer par le récit et le talent incontestable des deux auteurs dont l’association fonctionne à merveille. En même temps que l’histoire des Brookes se sont aussi et surtout les plus grands événements de l’histoire des États-Unis du XVIIe au début du XXe siècle que les deux auteurs nous proposent de revivre : le procès des sorcières de Salem, la vie des plus grands hors-la-loi du pays désormais entrés dans la légende et ici reconvertis en Chasseurs de Brookes, Lincoln et sa lutte pour la tolérance, le massacre des Indiens à Woundedknee… Difficile de ne pas se sentir transporté, aussi bien par le récit que par l’ambiance de l’époque, particulièrement bien rendue : les hommes sont rudes, attachés à leur terre et à leur fusil, on admire ces héros hors-la-loi qui dévalisent banque sur banque, on se méfie aussi bien des Noirs que des Indiens…
Enfin, c’est avec un très grand plaisir que l’on croise certaines des personnalités les plus importantes de l’époque : le révérend Cotton Mather, Billy the Kid, la bande des Dalton, Mark Twain (l’auteur des aventures de Tom Sawyer et d’Huckleberry Finn), Doc Holliday, Sarah Winchester et sa célèbre maison aux esprits… Certains chapitres se font, évidemment, plus passionnants que d’autres (« Le jour du jugement » retraçant le procès des sorcières de Salem ; « Le poids de son absence » narrant le combat solitaire d’un homme ayant tout perdu ; « Coffeyville » et « Un type honnête », consacrés respectivement à l’histoire du tout dernier braquage des Dalton et à la vie du bandit John Henri Holliday…) mais dans l’ensemble le résultat est plus qu’à la hauteur et c’est avec une pointe de nostalgie que l’on referme ce roman et que l’on quitte cette grandiose époque de la conquête de l’ouest. Une excellente découverte qui aura bien mérité le grand prix de l’imaginaire français en 2008.