Fantastique - Horreur

La fille qui se noie

Titre : La fille qui se noie
Auteur/Autrice : Caitlin R. Kiernan
Éditeur : Albin Michel Imagininaire
Date de publication : 2023 (octobre)

Synopsis : India Morgan Phelps, dite Imp, veut écrire une histoire de fantômes, avec une sirène et un loup. Involontaire disciple de Jean Cocteau, elle a compris instinctivement, très jeune, que « Le poète est un mensonge qui dit toujours la vérité. » Cette jeune femme remarquable, mais mise à l’épreuve par la vie – sa grand-mère maternelle s’est suicidée, sa mère s’est suicidée – écrit un récit à nul autre pareil, qui oscille entre le journal intime et l’histoire de fantômes. Peu à peu s’élabore un véritable labyrinthe littéraire, dans lequel on rencontrera une sirène, une louve sans défense et enfin, Eva… Une femme qui évoque le modèle d’un tableau datant de 1898 et fascine Imp depuis son enfance.
Mais qui était Eva ? Quelle a été sa vie ?

Une histoire de fantômes un peu particulière

Après une première découverte mitigée de l’œuvre de Caitlin R. Kiernan avec « Les agents de Dreamland », je me suis récemment lancée dans la lecture de « La fille qui se noie », récemment édité par Albin Michel. On quitte ici le domaine de la science-fiction pour basculer dans le pur fantastique, avec une intrigue qui oscille entre réalité et fantasme, explications rationnelles et éléments surnaturels. Le roman met en scène une certaine India Morgan Phelps (Imp) une jeune femme atteinte d’une maladie mentale visiblement héréditaire (sa grand-mère maternelle et sa mère se sont toutes deux suicidées) qui entreprend la rédaction d’une histoire de fantômes. Une histoire qui se trouve être intimement liée à un épisode récent de sa propre vie, mais dont elle éprouve encore des difficultés à démêler ce qui relève du réel ou du rêve. La narratrice lève progressivement le voile sur cette période particulière que l’on ne découvre que par toutes petites bribes tant elle semble réticente à entrer dans le vif d’une affaire de toute évidence douloureuse. Des circonlocutions confuses d’Imp émerge malgré tout un fil rouge autour duquel s’articule l’ensemble du récit : sa rencontre avec une certaine Eva (un fantôme, visiblement) croisée sur le bord d’une route déserte et pour laquelle elle éprouve un mélange de fascination et de répulsion, de crainte et de désir. Là où les choses se gâtent, c’est que deux histoires cohabitent dans la tête de la jeune femme, Eva revêtant parfois les atours d’une sirène, d’autres fois ceux d’un loup, tandis que la rencontre a lieu tour à tour en été ou en hiver, et à différents stades de la relation amoureuse qu’Imp entretient avec sa compagne. La situation est donc pour le moins chaotique, et le mode de narration adopté vient renforcer la confusion du lecteur. La narratrice déroule en effet son récit sans guère de structure (même les chapitres sont découpés de manière presque aléatoire), sa plume suivant sa pensée et multipliant les apartés et les digressions qui, de l’aveu même du personnage, ne servent qu’à retarder les révélations à la fois attendues et craintes concernant son histoire de fantôme.

Une narration confuse

Bien que d’ordinaire friande de roman fantastique, je suis complètement passée à côté de celui-ci, et ce pour plusieurs raisons. La première tient aux choix narratifs adoptés ici et qui donnent l’impression de lire un brouillon sans queue ni tête d’anecdotes mêlées à des bribes de journal intime. Outre le fait que la narratrice retarde sans arrêt le moment d’entrer dans le vif du sujet, cette dernière a également tendance à noter tous les petits détails croisés au cours de ses recherches, ses lectures ou ses sorties et se rapportant de près ou de loin à ses nombreuses obsessions, qu’il s’agisse d’histoires de sirènes, de loups, de suicides, de poésie ou encore de peinture. Certains des éléments rapportés sont effectivement très intéressants (comme l’histoire de cette « forêt des suicides » japonaise), mais ils sont insérés sans aucune subtilité dans le récit qui, bien qu’il trouve toujours un moyen de les exploiter, ne s’en sert pas toujours avec efficacité. Le doute perpétuellement entretenu concernant la santé mentale de la narratrice (et par conséquent sa fiabilité), clé de voûte du récit fantastique, est ici poussé à son paroxysme, le personnage s’adressant fréquemment à elle même pour s’accuser de mensonge, se contredisant parfois, ou révélant tardivement des éléments qui font douter de précédentes assertions. Ce petit jeu aurait tout à fait pu être attrayant mais le labyrinthe que se révèle être le cerveau d’Imp s’avère plus déstabilisant qu’enthousiasmant. Les mêmes personnages et les mêmes thèmes apparaissent ainsi sans arrêt, quoique de manière différente en fonction de l’humeur de la jeune femme ou de l’évolution du récit, ce qui donne l’impression persistante de tourner en rond. Même les éclaircissements qui finissent tout de même par arriver ne permettent pas toujours de mettre fin à la frustration du lecteur, notamment parce que ces résolutions prennent des formes incongrues, notamment celles de nouvelles ou de tableaux écrites/réalisés par la narratrice pour exorciser son histoire en lui permettant de prendre du recul. Là encore l’idée est excellente, mais le résultat peu concluant.

« La fille qui se noie » est un roman fantastique déroutant qui relate la rencontre entre une jeune femme instable mentalement et un fantôme dont elle ne parvient pas bien à cerner la nature mais pour lequel elle éprouve une obsession dérangeante. Si certains pans de l’intrigue se révèlent intéressants et bien que l’on s’identifie aisément au personnage principal, l’ouvrage reste difficile à lire en raison d’une narration chaotique mêlant journal intime, anecdotes, nouvelles et digressions dans un mélange confus dont je ne suis jamais parvenue à m’extraire suffisamment pour savourer l’intrigue elle-même. Dommage !

Autres critiques : Célinedanaë (Au pays des cave trolls)

Antiquiste passionnée d’art, de cinéma, de voyage et surtout grande lectrice des littératures de l’imaginaire (fantasy essentiellement).

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