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Bâtonner – Comment l’argent détruit le journalisme
Titre : Bâtonner – Comment l’argent détruit le journalisme
Auteur : Sophie Eustache
Éditeur : Éditions Amsterdam
Date de publication : 2020Synopsis : « Bâtonner », c’est copier-coller une dépêche en la remaniant à la marge. Symptôme ordinaire d’une dépossession des travailleurs, le bâtonnage illustre ce que l’argent fait au journalisme : la concurrence s’intensifie, la production de contenus s’accélère, l’information en vient à être usinée en série. Et tandis que les éditorialistes pontifient, les petites mains de la profession, de plus en plus précaires, perdent le sens de leur métier. La fusion du néolibéralisme et du numérique détériore la nature de leur travail et les conditions de son exercice. Dès lors, pourquoi les journalistes continuent-ils à consentir à ce qu’ils font ? Fruit d’une longue enquête, ce livre décrit les ressorts de l’aliénation d’une profession déqualifiée et disqualifiée, qui certes proteste mais continue de se croire indispensable à la vertu publique. Toujours plus prompte à « décoder » les fake news des autres, elle en oublie que le journalisme-marchandise n’est pas l’ami du peuple, mais un vice qui corrompt la pensée et, avec elle, la possibilité de la démocratie.
Le pouvoir bourgeois fonde son libéralisme sur l’absence de censure, mais il a constamment recours à l’abus de langage. Peut-être faudrait-il créer le mot SENSURE, qui par rapport à l’autre indiquerait la privation de sens et non la privation de parole. (Bernard Noël)
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Méfiez-vous du chien qui dort
Titre : Méfiez-vous du chien qui dort
Nouvelles : Méfiez-vous du chien qui dort ; La montagne ira à Mahomet ; Notre mère qui dansez ; Trinité ; Des ombres sur le mur de la caverne ; Brise d’été
Auteur : Nancy Kress
Éditeur : ActuSF
Date de publication : 2020Synopsis : Alors qu’elle est bord de la ruine, une famille investit toutes ses économies dans l’achat d’une portée de chiots génétiquement modifiés pour les vendre. Parce qu’ils n’ont pas besoin de dormir, ils semblent pouvoir devenir des chiens de garde parfaits. Mais derrière ce qui semble une bonne affaire guette un investissement raté, des bouches à nourrir, des animaux potentiellement dangereux. Face à ces chiens au comportement étrange et anxiogène, Carol Ann émet des doutes. Mais qui écoutera les mises en garde de la cadette ?
Savoir pour de bon quand votre vision d’écrivain a dépassé les traits distinctifs du « Je ». Être capable de marteler cette vision jusqu’à ce qu’elle atteigne le lecteur au point de l’émouvoir au niveau subliminal, universel, des réponses somatiques involontaires et non plus simplement au niveau confus et self-conservateur de la « critique » verbalisée. Déplacer cette lutte d’un combat solitaire à un combat partagé, un acte coopératif entre un créateur et un auditoire sélectionné, impliqué, qui devient lui aussi créateur, déifié par la participation… N’est-ce pas merveille ?
Après « L’une rêve, l’autre pas » et « Les hommes dénaturés », les éditions ActuSF continuent de nous faire découvrir la biographie de Nancy Kress, prolifique autrice américaine bardée de prix littéraires et écrivant depuis des années sur la science, ses évolutions et les questions éthiques qu’elles soulèvent. « Méfiez-vous du chien qui dort » est un recueil composé de six nouvelles, toutes déjà publiées en français, et parues entre 1981 et 2000. Difficile pourtant de s’imaginer que certains de ces textes ont quarante ans, tant ils raisonnent encore aujourd’hui avec l’actualité. De taille plus ou mois variables, toutes les nouvelles sont de qualité, et séduisent aussi bien par leur modernité que par leur variété. Société futuriste où les modifications génétiques sont légion, exploration spatiale, expérimentation scientifique visant à prouver l’existence de « dieu », princesse enfermée dans un château ensorcelé… : voilà un bref aperçu des nombreux sujets abordés, et par extension de la richesse contenue dans cet ouvrage.
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Danse avec les lutins
Titre : Danse avec les lutins
Auteur : Catherine Dufour
Éditeur : L’Atalante
Date de publication : 2019 (mai)Synopsis : Un roman de fantasy, avec des elfes, des lutins, des fées, des bourdons magiques… et des métis ogro-nains. Dans l’immense ville de Scrougne, un garçon nommé Figuin vit très mal le racisme et la misère auxquels il est confronté. C’est alors qu’entre en scène un banquier… Froid, inusable, immensément riche, il cherche à l’être plus encore. Il décide de creuser un fossé au milieu de la population, afin de jeter une moitié aux trousses de l’autre – qui lui achètera des armes au passage. Il lui faut un garçon un peu paumé à endoctriner, pour l’envoyer se faire exploser au milieu d’une fête de quartier.
Vautrées sur la mousse de part et d’autre d’un petit feu jaune, les deux fées grignotaient des fleurs de cornichonnier en tétant leur coupe de vin.
-Maividemment, argumentait Pimprenouche d’une voix pâteuse, maividemment que les féeries doivent vivre avec leur temps. Faut qu’ils participent au… chose. Évolution du monde mdrne. J’ai du mal avec les voyelles.
-Le monde moderne, il se fait sur leur dos, bafouilla Pétrol’Kiwi. Les f’ries, c’est la main d’œuvre invisible ! -
BonheurTM
Titre : BonheurTM
Cycle/Série : Trademark, tome 1
Auteur : Jean Baret
Éditeur : Le Bélial’ [site officiel]
Date de publication : 13 septembre 2018Synopsis : Demain. Quelque part dans la jungle urbaine… Il ouvre les yeux. Se lève. Y a du boulot…
« Avez-vous consommé ? » Il contemple l’hologramme aux lettres criardes qui clignotent dans la cuisine sans parvenir à formuler la moindre pensée.
« Souhaites-tu du sexe oral ? »
La question de sa femme l’arrache à sa contemplation. Il réfléchit quelques secondes avant de refuser la proposition : il a déjà beaucoup joui cette semaine et il n’a plus très envie. Sans oublier que le temps presse.
Sa femme lui demande de penser à lui racheter une batterie nucléaire. Une Duracell. Il hoche la tête tout en avalant son bol de céréales Weetabix sur la table Microsoft translucide qui diffuse une publicité vantant les mérites d’une boisson caféinée Gatorade propice à l’efficacité. Il se lève, attrape sa femme, lui suce la langue pendant de longues secondes, puis enfile sa veste Toshiba – son sponsor de vie – et se dirige vers la porte. Dans le ciel encombré, sur les façades des tours, sur le bitume, ou simplement à hauteur d’homme, des milliers d’hologrammes se déplacent lentement au gré de courants invisibles au cœur des monades grouillantes.
Il est flic. Section des « Crimes à la consommation », sous-section « Idées ». Veiller à la bonne marche du monde, telle est sa mission. Autant dire que la journée promet d’être longue…Jean Baret est un prophète, une voix sans pareille dans le concert de l’anticipation sociale et culturelle. Peut-être, enfin, le renouveau d’un genre SF qui balbutie trop souvent son futur. Avocat au barreau de Paris, culturiste et nihiliste – l’un ne découlant pas forcément de l’autre – il est le rejeton improbable du Chuck Palahniuk de Fight Club et du Philip K. Dick d’Ubik. Avec BonheurTM, premier jalon de la trilogie Trademark, roman coup de poing visionnaire et syncopé aussi hilarant qu’effrayant, il nous offre le miroir à peine déformé de nos sociétés modernes en bout de course : rien moins qu’une révolution.
— Tu ne trouves pas que c’est quand même un paradoxe ?
[…]
— Hein ? Qu’est-ce qui est un paradoxe ?
— Ben, le fait que travailler est nécessaire pour qu’on ait un pouvoir d’achat suffisant, mais que travailler ne nous laisse pas assez de temps pour consommer !
— Ah… Ouais en effet… Tout est une question d’équilibre. Consommer, c’est aussi donner du travail aux autres. Te faire plaisir en t’achetant tout ce que tu veux, c’est la garantie d’un taux de chômage faible.
— Oui, mais reconnais qu’avec le boulot qu’on a, c’est pas toujours facile.
— Personne n’a dit que ça le serait.Trademark, c’est d’abord une nouvelle parue dans un numéro de la revue Bifrost. Mais avec BonheurTM, Jean Baret lance une trilogie Trademark où il compte bien montrer une société où l’ultraconsommation est devenue la norme. VieTM et MortTM sont deux autres romans prévus pour être des volumes lisibles indépendamment.
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En guerre [film]
Titre : En guerre
Réalisateur : Stéphane Brizé
Acteurs/actrices : Vincent Lindon, Mélanie Rover, Jacques Borderie, David Rey, Olivier Lemaire, Isabelle Rufin, Martin Hauser
Date de publication : 16 mai 2018Synopsis : Malgré de lourds sacrifices financiers de la part des salariés et un bénéfice record de leur entreprise, la direction de l’usine Perrin Industrie décide néanmoins la fermeture totale du site. Accord bafoué, promesses non respectées, les 1100 salariés, emmenés par leur porte-parole Laurent Amédéo, refusent cette décision brutale et vont tout tenter pour sauver leur emploi.
Contrairement à nous, ceux de là-haut, quand ils défendent leur pognon, ils sont unis, jusqu’au bout !
Une claque ! Voilà ce qu’on ressent quand on sort du film En Guerre, de Stéphane Brizé.
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Edelweiss
Titre : Edelweiss
Scénariste : Cédric Mayen
Dessinateur : Lucy Mazel
Éditeur : Vents d’Ouest
Date de publication : 14 juin 2017Synopsis : Été 1947, Boulogne-Billancourt. Lors d’un bal typique de l’après-guerre, Edmond, jeune ouvrier chez Renault, rencontre Olympe, fille de politicien. Il ne se doute pas qu’elle va bouleverser sa vie. Passionnée d’alpinisme, la jeune femme n’a qu’un rêve : escalader le Mont-Blanc pour égaler la prouesse de son aïeule Henriette d’Angeville. Malgré son manque d’expérience, Edmond promet qu’il l’aidera à le réaliser. Seulement, le train-train quotidien et plusieurs drames vont petit à petit émousser leur détermination… Mais qu’importe, l’amour est plus fort que tout, dit-on. Et s’il est capable de déplacer des montagnes, il peut aussi aider à les gravir.
La montagne, c’est l’essence de notre famille, depuis tatie Henriette. La première femme a avoir réussi l’ascension du Mont-Blanc par ses propres moyens. Une femme fière et têtue, un peu comme Olympe, et qui aimait la montagne… Comme vous apprendrez à l’aimer, j’en suis sûr.
Après avoir fait montre brillamment de son talent sur le second volume de Communardes ! aux côtés de Wilfrid Lupano, Lucy Mazel est de retour avec Edelweiss, sur lequel elle a planché avec Cédric Mayen. Une histoire d’amour tendre, touchante, qui raconte aussi la France d’après-guerre et l’aspiration des femmes à plus de reconnaissance dans la seconde moitié du XXème siècle. Un one-shot enchanteur, à l’image de sa couverture.
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Mickey Mouse – Café Zombo
Titre : Café Zombo
Série : Mickey Mouse
Auteur : Régis Loisel
Éditeur : Glénat
Date de publication : 2016 (novembre)Synopsis : 1930, les États-Unis subissent la Grande Dépression. Comme tous les matins, Mickey et Horace font la queue devant le bureau pour l’embauche. Sauf qu’une fois de plus, il n’y a rien pour eux… Dépités, ils décident d’aller rendre visite à leur ami Donald pour se changer les idées. Au programme : camping au bord de la rivière avec leurs compagnes Minnie et Clarabelle. Sauf qu’à leur retour, ils ont la surprise de découvrir que la ville a complètement changé. Rock Fuller, un banquier véreux, a racheté toutes les propriétés du quartier et compte les raser afin de construire un terrain de golf. Pire encore, les travailleurs, embauchés en masse pour ce grand projet, sont devenus accros à une mystérieuse substance, « café Zombo », qui fait d’eux de véritables zombies !
On n’a pas eu de travail, ni hier, ni aujourd’hui… On n’en aura pas demain… Alors écoutes… Fauchés pour fauchés, qu’est-ce qui nous empêche de nous donner du bon temps ? Pêcher, s’baigner, ça coûte rien, ça !
Retrouver Régis Loisel au dessin et plus seulement à l’écriture comme c’est le cas pour Le Grand Mort est toujours un immense plaisir. Nul besoin de présenter l’homme. Ayant pu discuter avec ce grand monsieur au FIBD d’Angoulême, celui-ci me confiait sans surprise qu’il avait grandi avec le Journal de Mickey et qu’il avait longtemps espéré avoir l’occasion de le dessiner un jour. Quel ne fut donc pas son plaisir quand J. Glénat, après avoir obtenu les droits du mythique personnage, lui confia la réalisation d’un album. Aussi l’attente fut longue de la part du public, et une fois dans nos mains, l’on se dit déjà que c’est un bien bel objet.
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Utopiales 2016, Conférence #1 : Un monde sans machine
En complément des nombreuses tables-rondes proposées cette année, les Utopiales ont aussi organisé plusieurs rencontres intitulées « expérience de pensée ». Le principe est simple : un auteur se retrouve seul avec le public pendant une heure pour débattre d’un sujet en lien avec la thématique du festival. Ils sont plusieurs à s’être prêtés au jeu, mais celui que nous ne voulions pas rater, c’est évidemment Alain Damasio, invité à réfléchir sur le sujet suivant : « Un monde sans machine ». Une expérience intéressante que nous avons tenté de résumer ci dessous.
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Nouvelle vie [TM] (nouvelle)
Titre : Nouvelle vieTM
Auteur : Pierre Bordage
Éditeur : L’Atalante
Date de publication : juin 2013 pour la Décade de l’Imaginaire (2004 au sein du recueil éponyme)Synopsis : Dans une société où l’homme n’est qu’un génome à breveter, que reste-t-il sinon les liens d’affection familiaux ?
L’antique Web – la Toile percée, le vraiment pas Net, le réseau pourri où s’organisaient tous les trafics, où saisir le code de son compte relevait du hara-kiri bancaire.
À l’occasion de leur Décade de l’Imaginaire, les éditions L’Atalante offraient des nouvelles numériques, ainsi que des prix réduits sur quelques autres ouvrages. Une des toutes premières nouvelles de Pierre Bordage en faisait partie.