Divers "transcatégoriques"

Inanna

Titre : Inanna
Autrice : Emily Wilson
Éditeur : Bragelonne
Date de publication : 2024

Synopsis : Inanna a tout d’une impossibilité. La première Anunnaki de plein sang née sur Terre, dans l’antique Mésopotamie. Couronnée déesse de l’amour par ses douze pairs immortels vénérés dans tout Sumer. Promise à un destin hors du commun. À sa naissance pourtant, la guerre gronde et les Anunnaki, divisés en factions rivales, menacent de tout saccager dans leur conflit. Mariée de force afin de négocier une paix précaire, Inanna comprend très vite que sa nouvelle position la met en grand danger. Gilgamesh, fils mortel d’Anunnaki et séducteur notoire, se retrouve prisonnier du roi Akka, dont l’obsession est d’affranchir son peuple des dieux. Le héros dévoyé se voit cependant offrir une dernière chance de prouver sa valeur. Ninshubar, la fière guerrière, est chassée de sa tribu à cause d’un acte de bonté. Poursuivie par les siens, elle s’enfuit vers l’inconnu en quête d’acceptation et d’une place en ce monde. À mesure que leurs odyssées les rapprochent, tous trois prennent conscience que leurs destins mêlés pourraient bien changer la face du monde à jamais.

Revisiter la mythologie sumérienne

Sur les étals du rayon historique des librairies pullulent depuis plusieurs années maintenant de nombreux romans proposant de revisiter tel mythe ou telle période de l’histoire selon un angle plus féministe. C’est dans cette mouvance que s’inscrit par exemple Claire North avec sa trilogie « Le chant des déesses » consacrée, entre autre, à Pénélope d’Ithaque, ou encore de Nathalie Haynes qui revisite la guerre de Troie dans les « Invaincues ». N’ayant eu jusqu’à présent que de bonnes surprises (et, il est vrai, fortement encouragée par la recommandation de Claire North sur la quatrième de couverture), je me suis récemment plongée dans la lecture d’Inanna, roman mêlant l’histoire de deux figures mythiques de la Mésopotamie antique : le fameux roi-guerrier Gilgamesh et la déesse sumérienne de l’amour. Tout commence avec la naissance de cette dernière, première divinité à naître sur Terre et, pour ce simple fait, extrêmement précieuse aux yeux des autres dieux et déesses qui peuplent encore le monde. Très vite, la petite fille va grandir et attirer les convoitises de certains de ses puissants parents, à commencer par le dieu Enki, sans doute le plus retors de tous et dont les intentions ne sont vraisemblablement pas des plus désintéressées. En parallèle, Emily Wilson nous invite à suivre le périple de Gilgamesh, lui-même enfant de dieux mais, pour son plus grand désarroi, simple mortel. L’autrice met en scène la guerrier avant qu’il n’accède au statut de roi, le présentant tour à tour au combat, en mission diplomatique, ou encore en pleine quête pour les dieux, ce qui lui permet de s’extraire de la matière d’origine et donc d’acquérir une plus grande liberté dans l’interprétation. Le roman nous invite aussi à suivre le parcours d’un personnage fictif, une certaine Ninshubar, une jeune femme chassée de sa tribu et amenée à servir Inanna et sa famille. Le roman alterne principalement entre ces trois points de vue, chacun de ces protagonistes étant évidemment amenés à se croiser et à profondément modifier les équilibres au sein de la tumultueuse famille des Anunnaki.

Une intrigue et une héroïne qui manquent de piment !

La Mésopotamie antique est loin d’être la période historique à propos de laquelle je possède le plus de connaissances, et cela a sans doute joué dans mon appréciation du roman. Un roman loin d’être inintéressant dans la mesure où il propose une promenade agréable dans une époque et au cœur d’une civilisation assez peu exploitées en littérature mais que l’autrice parvient ici à faire revivre avec talent. La qualité du dépaysement ne suffit cependant pas à faire un bon roman, et, si celui-ci est loin d’être mauvais, je suis malgré tout restée sur ma faim. L’autrice se contente en effet de raconter l’ascension d’Inanna, consacrant l’essentiel de son récit aux épreuves qu’elle a du endurer et à la façon dont elles ont contribué à faire d’elle une déesse loin d’être aussi insignifiante et superficielle qu’il n’y paraît. Ce parti pris a toutefois pour conséquence de placer la jeune femme dans une position passive pendant l’essentiel du roman qui se clôt justement lorsque advient le moment tant attendu, celui ou Inanna relève la tête. En dépit de la volonté d’Emily Wilson de nous offrir une vision plus féministe d’un mythe sumérien majeur, on se retrouve ainsi à suivre une jeune déesse spectatrice, manipulée d’un bout à l’autre et incapable de se défendre seule. Ninshubar est, en revanche, un personnage beaucoup plus intéressant, mais il s’agit malheureusement de celle des trois qui bénéficie du moins de chapitres. Gilgamesh, lui, est présenté sous un jour nouveau, l’accent étant essentiellement mis sur ses relations avec les femmes qu’il collectionne et abandonne sans le moindre remord. C’est sans doute dans cet aspect du roman que réside la véritable modernisation de l’autrice qui ne cherche pas à occulter ou banaliser les violences faites aux femmes dans les récits sumériens mais pointe au contraire du doigt certains épisodes mythologiques particulièrement révélateurs. Cela ne suffit pourtant pas à maintenir l’intérêt des lecteurices qui fluctue énormément en fonction des nombreux temps morts que comporte une intrigue peinant trop souvent à captiver.

Emily Wilson propose avec « Inanna » une réinterprétation d’un grand mythe sumérien mettant en scène la déesse de l’amour à ses débuts mais aussi le célèbre roi d’Uruk Gilgamesh. Si l’ouvrage repose sur une documentation solide et permet ainsi une immersion de qualité dans la période, le roman souffre malgré tout de plusieurs défauts qui viennent entraver l’intérêt porté à l’histoire. Peu de surprises ou de rebondissements, une héroïne trop souvent réduite au rôle de simple spectatrice, une intrigue trop superficielle : voilà quelques uns des reproches que l’on peut formuler à l’encontre de ce roman loin d’être inintéressant mais qui manque de souffle et d’un regard vraiment novateur sur le sujet.

Autres critiques :  ?

Passionnée d'histoire (surtout le XIXe siècle) et grande lectrice des littératures de l’imaginaire (fantasy essentiellement) mais aussi d'essais politiques et de recherches historiques. Ancrée très à gauche. Féministe.

Un commentaire

  • tampopo24

    Ce sera donc sans moi malheureusement. Comme tu le dis il y a énormément de mythes revisités qui arrivent sur nos étals et c’est vraiment très dur de trouver ceux qui sortent du lot. Je suis souvent assez frileuse et préfère attendre des avis comme le tien pour voir. Alors merci !

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