Récit contemporain

Les Vieux Fourneaux, tome 7 : Chauds comme le climat

Titre : Chauds comme le climat
Cycle/Série : Les Vieux Fourneaux, tome 7
Scénariste : Wilfrid Lupano
Illustrateur : Paul Cauuet
Éditeur : Dargaud
Date de publication : 2022

Synopsis : C’est la fête à Montcoeur ! Le maire a décidé d’organiser un « pique-nique de l’amitié et du vivre-ensemble ». Hélas, le vivre-ensemble a du plomb dans l’aile, ou plutôt un pic à brochette dans les fesses. Celles du maire, en l’occurrence, victimes d’une agression de Berthe, l’ancienne amante de Mimile. La fête est donc de courte durée, d’autant qu’on apprend bientôt la mort d’Armand Garan-Servier, le patron de l’entreprise qui porte son nom. À son décès s’ajoutent d’ailleurs plusieurs incendies inexpliqués qui ne font qu’attiser les tensions déjà palpables dans le village…

-T’achètes le Figaro, toi, maintenant ? T’as perdu la boule ?
– Ah, tiens, t’as retrouvé ta langue ? Je l’ai pas acheté, je l’ai chouré. C’est pour toi.
– C’était pas la peine. L’hôpital public n’a peut-être plus beaucoup d’argent mais il y a quand même encore du papier dans les chiottes.

Une bonne dose de rire bienvenue !

Si la conjoncture politique actuelle ne laisse désormais que peu de place à l’amusement, la lecture d’un album de la série des « Vieux fourneaux » fait heureusement office d’anxiolytique particulièrement efficace. Pour rappel, il s’agit d’une série commencée en 2014 par Wilfrid Lupano et Paul Cauuet et mettant en scène trois septuagénaires unis par une longue et solide amitié, couplée à un même engagement politique bien marqué à gauche. Comme on ne change pas une équipe qui gagne, on retrouve dans ce septième tome Antoine, Émile et Pierre toujours aussi droits dans leurs bottes, mais aussi la jeune Sophie, petite-fille d’Antoine, trentenaire élevant seule sa fille dans un petit village de campagne. Comme toujours, l’ouvrage se distingue par son humour mordant, mais aussi par sa capacité à coller à l’air du temps et à l’actualité. Chaque tome exploite des thématiques différentes mais on y retrouve les valeurs d’humanisme qui sont chères à la gauche (féminisme, antiracisme…) ainsi qu’une critique virulente du capitalisme et de l’injustice inhérente au système. Ici, tout commence par une paisible fête de village organisée par le maire de la commune pour célébrer le « vivre ensemble ». Seulement deux événements majeurs vont venir faire capoter l’initiative et mettre en lumière ce qui se cache derrière le discours unitaire de façade. D’abord il y a Berthe, l’ancienne du village redoutée pour son sale caractère et ses saillies particulièrement acérées, qui se met à attaquer le maire avec un pic à brochette. Et puis il y a la mort de Garan-Servier, fondateur du laboratoire pharmaceutique dans laquelle nos vieux fourneaux ont travaillé plus jeunes et qui est à l’origine de plusieurs de leurs déboires. Décès aussitôt suivi d’un incendie ayant ravagé tout le site et dont beaucoup sont tentés d’attribuer l’origine aux travailleurs étrangers saisonniers embauchés au noir pour la saison.

– Votre tête, on est sur quel niveau de douleur, sur une échelle de 1 à 10 ?
– Moins douloureux qu’une allocution de Macron, mais pas loin.

Sujets brûlants d’actualité

Pour son septième album, Lupano a donc choisi d’aborder la question de la montée du racisme dans les territoires ruraux et la fascination que les discours identitaires de l’extrême-droite exerce sur une partie des Français. On n’aurait clairement pas pu faire mieux en terme d’actualité ! L’auteur aborde la question avec l’humour et la tendresse qui le caractérisent, tout en interrogeant aussi d’autres thématiques très contemporaines à gauche comme le rôle des casseurs dans les manifestations ou encore la question des violences conjugales. Nos trois petits vieux sont toujours aussi en forme, surtout dès lors qu’il s’agit d’aller botter le cul aux suppôts du capital et aux fachos ! Pierre, notamment, est toujours aussi hilarant et révolté, et c’est à lui que l’on doit certains des meilleurs fous rire de cet album. Idem pour Antoine, plus pince-sans-rire et nuancé que son ami de toujours, ce qui n’est pas sans provoquer de magnifiques dialogues qui font un bien fou au moral, comme lorsqu’ils débattent sur les modes d’action légitimes en manifestation. « -J’en reviens pas que tu t’en sois pris à un manifestant. Quelle honte ! -C’est pas ça, un manifestant. Ça c’est des casseurs ! Il peut se les garder, ses confitures ! -Ohlalala mais qu’est-ce que ça peut te foutre qu’il casse la devanture d’une banque ? T’es de la famille des vitrines ? » Emile, lui, est plus une force tranquille, peu bavard mais soutien inconditionnel de Berthe dont il ne comprend pas la révolte mais qu’il va défendre bec et ongle, avec une naïveté et un humour décalé tout aussi appréciables. Sophie, enfin, apporte un peu de jeunesse à ce monde de petits vieux et amuse toujours autant par son second degré et sa patience envers ces vieux fourneaux pas toujours simples à gérer au quotidien.

Après sept tomes, force est de constater que les Vieux fourneaux n’ont pas pris une ride et que leurs nouvelles aventures continuent à être aussi attrayantes et hilarantes que les premières. En ces temps moroses, vous auriez tort de vous privez d’une bonne dose de rigolade (macronistes et lepénistes s’abstenir !)

Voir aussi : Tome 1 ; Tome 2 ; Tome 3 ; Tome 4 ; Tome 5 ; Tome 6

Autres critiques :  ?

Passionnée d'histoire (surtout le XIXe siècle) et grande lectrice des littératures de l’imaginaire (fantasy essentiellement) mais aussi d'essais politiques et de recherches historiques. Ancrée très à gauche. Féministe.

2 commentaires

  • Baroona

    C’est vraiment épatant de réussir à maintenir ce niveau de qualité de tome en tome. À chaque fois je me dis que ça ne peut pas être aussi bien… et à chaque fois ça l’est !

  • belette2911

    Merci pour cette chronique qui me donne envie de lire la suite de cette série que j’adore. J’ai toujours un peu peur que les albums ne perdent en qualité, mais là, tu me rassures et ça me rassure 😆

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