Science-Fiction

La machine à aimer

Titre : La machine à aimer
Auteur : Lou Jan
Éditeur : Critic
Date de publication : 2023 (juin)

Synopsis : Rescapée d’un génocide cybernétique, Nobod est une hybride intelligente à la plastique parfaite. Pour survivre, elle accepte de se faire passer pour un robot gouvernant débile, mais sa différence intrigue sa propriétaire, qui enseigne le bonheur à l’université. Ils filent le parfait amour, jusqu’à ce qu’un voisin entreprenant s’en mêle et détourne le robot de sa maîtresse. Mais ce chagrin d’amour n’est que le prélude à une catastrophe bien pire : l’éradication complète de l’humanité dans sa version sapiens, au profit des néandertaliens ressuscités par la science !

Génocide cybernétique

Pour son premier roman, l’autrice Lou Jan nous entraîne dans un futur pas si lointain dans lequel robots et intelligences artificielles ont été perfectionnés au point d’occuper une place centrale dans le quotidien des humains. Parmi eux, un type de robots hybrides intelligents en particulier rencontre un grand succès. Programmés pour aimer, ces derniers ont été intégrés dans la société en forment avec hommes et femmes des couples solides auxquels personne n’avait jusque là trouvé à redire. Seulement la possibilité d’une attaque informatique menée sur ces hybrides finit par faire réfléchir les institutions qui décident soudainement de tous les condamner. Ce sont ainsi des millions de robots intelligents qui se retrouvent désactivés d’un coup, puis embarqués dans des immenses charniers répartis dans les endroits les plus déserts du monde. Parmi ces hybrides figure Nobod, tout juste mise sur le marché au moment du drame, et qui échappe à l’hécatombe à cause d’un simple bug de ses systèmes. La voilà dernière hybride au monde, perdue au beau milieu de l’Antarctique. Pour survivre, il va lui falloir cacher son identité et son corps, dont la perfection la rend aisément repérable. C’est le début pour l’hybride d’une longue fuite en avant qui l’entraînera des confins de l’Antarctique jusqu’au foyer d’une famille française lambda où elle devra apprendre à vivre avec un corps auquel elle ne s’identifie pas, tout en craignant jour et nuit que sa véritable identité soit dévoilée. Parallèlement aux pérégrinations de la jeune hybride, on suit également l’évolution du plan machiavélique ourdi par une haute dirigeante d’une institution mondiale pour mettre fin à l’humanité. Le roman est court (un peu moins de deux cent pages) et m’a laissée un sentiment assez mitigé.

Une intrigue un peu bancale

La principale raison réside à mon sens dans l’absence de véritable fil directeur pour guider l’intrigue. Les changements de décors et d’ambiances se font brusquement et réorientent régulièrement le récit dans un sens inattendu sans qu’on parvienne à saisir où veut nous emmener l’autrice. Le roman peut ainsi être scindé en trois parties distinctes qui donnent l’impression d’être déconnectées les unes des autres tant les enjeux et les sujets abordés n’ont pas grand-chose à voir. Mais ce qui m’a sans doute le plus dérangée, c’est l’arrivée inopinée de ce plan éradication qui sort de nul part et donne à l’histoire un côté très caricatural tout en lui faisant perdre une partie de sa cohérence. On ne parvient en effet ni à comprendre pourquoi une telle extrémité est jugée nécessaire (on pourrait penser à la menace que fait peser l’humanité sur la survie de la planète mais à aucun moment le sujet du réchauffement climatique n’est abordé, et la Terre a d’ailleurs l’air de s’en sortir parfaitement dans le futur mis en scène ici), ni à croire une seconde que la méthode choisie pourrait être efficace, si bien que le projet paraît à la fois incompréhensible et hasardeux. Toutefois, si l’intrigue s’avère peu convaincante dans sa globalité, certains passages, eux, valent pourtant le coup. C’est le cas notamment du deuxième tiers du roman qui décrit le quotidien de Nobod au sein d’une famille française monoparentale et raconte l’évolution de la relation entretenue entre l’hybride dissimulée et sa nouvelle propriétaire. L’ambiance y est radicalement différente de celle oppressante et malsaine de l’Antarctique et fait d’une certaine manière un peu penser à « Alfie » de Christopher Bouix, puisqu’on s’immisce également par le biais d’une IA dans l’intimité d’une famille donc on apprend peu à peu l’histoire et les habitudes.

Quelques maladresses de style et dans le traitement des personnages

Finalement, ce sont lors des scènes intimistes que l’autrice s’en sort le mieux, parvenant alors à faire naître une véritable émotion chez le lecteur, qu’elle aborde des sujets aussi complexes et variés que celui d’une rupture amoureuse, ou même celui de la notion de genre et de transidentité. Lou Jan s’interroge également sur la place qu’occupent robots et IA dans notre quotidien et exploite la multiplicité de la nature des relations qu’on peut entretenir avec eux. Le problème, c’est que les personnages censés porter ces sujets manquent trop de profondeur et ne se révèlent pas tous à la hauteur. Si certains personnages secondaires parviennent à susciter l’émotion du lecteur, c’est par exemple moins le cas de Nobod, l’héroïne, à laquelle je n’ai jamais réussie à m’attacher. Limité par sa programmation qui ne lui permet pas d’éprouver grand-chose d’autre que de l’amour pour les humains, l’hybride manque par trop d’humanité, ses réactions paraissant en décalage avec celles qu’aurait eu un personnage classique. En ce qui concerne le style, l’autrice possède une plume agréable capable de véritablement emporter le lecteur par moment, tout en souffrant malgré tout de certaines maladresses comme des expressions figées qui reviennent de manière trop systématique (la magnifique « chute de rein » de l’hybride revient par exemple assez souvent, ce qui peut, à force, faire sourire).

« La machine à aimer » est un premier roman signé Lou Jan, une jeune autrice mettant en scène un monde futuriste dans lequel un robot hybride intelligent a échappé au massacre auquel les humains destinaient ses homologues et tente de refaire sa vie sous une autre identité. Bien que comportant de jolis passages, ce court récit ne m’a jamais véritablement emballé, la faute à l’utilisation d’un ressort narratif franchement bancal et à des personnages manquant de profondeur.

Autres critiques :  ?

Antiquiste passionnée d’art, de cinéma, de voyage et surtout grande lectrice des littératures de l’imaginaire (fantasy essentiellement).

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