Fantasy

L’âme des parangons

Titre : L’âme des parangons
Auteur : Pierre Grimbert
Éditeur : Mnémos
Date de publication : 2023 (juillet)

Synopsis : On les avait condamnés au bagne, sans espoir de retour. Une centaine d’hommes et de femmes, enchaînés, alignés dans le convoi les menant vers leur dernière demeure. Des individus issus de tous les royaumes, et coupables – le plus souvent – des crimes dont on les accusait. Mais au cours de cet ultime voyage, le destin devait en décider autrement. Lors d’une terrible tempête de sable, aveuglant les gardiens, rendant les bêtes folles de terreur, les prisonniers se retrouvent libres à nouveau. Mais dénués de tout, dans des territoires inhospitaliers, livrés à eux-mêmes, à leur sauvagerie, à leurs différences, à leur soif de paix… ou de vengeance. La tempête a aussi exhumé les ruines d’une cité si ancienne qu’aucune carte ne la mentionne. Est-ce le signe que certains attendaient ? Une chance unique d’établir une communauté de repentis, de racheter leurs âmes ? Ou une occasion inespérée de fonder un royaume de brigands ? Et de prendre leur revanche sur l’injustice dont ils ont souffert…

Parce que cet endroit est rempli de monstres, et que toutes nos histoires nous enseignent que le mal ne peut jamais être totalement annihilé ! Voilà la mise en garde que nos ancêtres nous ont lancée depuis le fond des âges. Si j’ai vu juste, si nous nous trouvons bien au point d’ancrage de tous les récits mentionnant la victoire de l’humanité sur ces propres démons primaires… alors nous sommes aussi à la merci de tout ce qui a survécu à cette bataille, caché depuis des millénaires. Des scorpions démesurés. Des fauves invincibles. Des serpents par centaines, tous cherchant à prendre leur revanche. Des démons. Nos démons.

Nouveau décor, même scénario

En 2022, Pierre Grimbert faisait son grand retour sur la scène des littératures de l’imaginaire françaises avec « Le sang des parangons », un roman de fantasy pensé comme un one-shot et mettant en scène une trentaine de personnages d’origines et de profils très variés enfermés au sein d’une montagne sacrée dans laquelle se trouverait le moyen de sauver leur monde alors à l’agonie. L’ouvrage s’était révélé assez classique sur le fond mais néanmoins plaisant, notamment sur la forme grâce à une particularité narrative consistant en un changement permanent de narrateur. Chaque chapitre y est en effet relaté du point de vue de l’un des membres de l’expédition, mais ce dernier n’aura ensuite plus jamais la parole et n’est donc plus évoqué que par un regard extérieur. Avec « L’âme des parangons », l’auteur recycle grosso modo tout ce qu’il avait déjà mis en place dans son précédent roman. Cette fois nous n’avons plus à faire à un groupe de valeureux guerriers ou de sages érudits triés sur le volet qui doit cheminer dans des sous-terrains peuplés de bêtes plus terribles les unes que les autres, mais à un groupe d’anciens bagnards réunis par hasard et qui doit cheminer dans les ruelles d’une cité perdue dans le désert peuplée de bêtes plus terribles les unes que les autres. Bref, pour l’originalité, on repassera… L’auteur s’est contenté ici de changer les personnages et le décor, mais pour ce qu’est de la narration et des ressorts de l’intrigue on a à faire à une sorte de copier-coller en moins bon du « Sang des parangons ». Changement de décor, donc, puisqu’aux oppressantes et étroites galeries souterraines de la montagne sacrée succèdent les rues et bâtiments abandonnés d’une cité apparue soudainement en plein désert. Cité qui suscite dans un premier temps un grand enthousiasme chez la quarantaine de bagnards sauvés de la détention par une tempête de sable ayant fait périr leurs geôliers, mais condamnés à périr s’ils ne trouvent pas rapidement une source d’eau. Cette ville révélée par le sable recèle donc leur seul espoir, quand bien même le malaise grandissant d’une partie des membres du convoi laisse à penser qu’ils ne trouveront pas leur salut dans cet endroit visiblement très ancien mais aussi très hostile.

Une intrigue et des personnages qui manquent de profondeur

Le roman se déroule exactement de la même manière que le précédent : on fait la connaissance au fil des chapitres de plus en plus de membres de cette expédition qui doivent se résigner à travailler ensemble en dépit de leurs différences. On retrouve à nouveau un certain nombre d’archétypes parmi ces protagonistes, qu’il s’agisse de la redoutable capitaine de navire, des guerriers aux allures sauvages, du preux chevalier, de l’ancienne concubine ou de la religieuse. Contrairement au précédent roman, on peine à se prendre d’affection pour ces anciens prisonniers dont le sort nous est finalement relativement indifférent d’un bout à l’autre du roman. La faute, à mon sens, à des chapitres bien trop courts et qui ne permettent que rarement de cerner la personnalité des protagoniste, mais aussi à la disparition d’une certaine forme de suspens concernant leurs chances de survie. En effet, la particularité du « Sang des parangons » résidait aussi dans le fait que n’importe lequel des narrateurs étaient susceptibles de mourir, tous étant traités sur un pied d’égalité qui rendait difficile de discerner quels pouvaient être ceux auxquels l’auteur allait accorder le plus d’importance. Dans « L’âme des parangons », cet aspect est totalement gommé, et on comprend très rapidement qu’il y a des personnages centraux, auxquels il n’est pas question de toucher, et d’autres qui ne sont là que pour faire de la figuration et qui, eux, sont appelés à servir de chair à canon. On retrouve ici le même type d’affrontements que précédemment opposant les survivants à des créatures ancestrales, les vers et araignées gigantesques ayant été ici remplacés par des scorpions et serpents, désert oblige. Bien que moins impressionnants, ces combats permettent néanmoins de relancer quelque peu l’intérêt du lecteur, émoussé par des pages et des pages au cous desquelles les personnages passent leur temps à ressasser leur passé et à tenter d’évaluer la dangerosité des autres bagnards. Le seul aspect qui donne finalement un peu de sel à l’intrigue réside dans le secret qui entoure les raisons de la présence au sein du convoi des différents protagonistes. Mais, problème là encore, ces secrets sont finalement assez banales et parfois même aisément devinables, ce qui n’est pas sans renforcer la déception du lecteur.

Avec « L’âme des parangons » Pierre Grimbert nous propose une redite de son précédent roman dont il reprend à la fois le principe, les ressorts narratifs et le mode de narration. Il en résulte un roman peu originale qui peine à se hisser à la hauteur du précédent dont il n’a clairement pas le caractère épique et qui ne parvient pas à éveiller la moindre émotion. Dommage.

Voir aussi : Le sang des parangons

Autres critiques : Le nocher des livres

Passionnée d'histoire (surtout le XIXe siècle) et grande lectrice des littératures de l’imaginaire (fantasy essentiellement) mais aussi d'essais politiques et de recherches historiques. Ancrée très à gauche. Féministe.

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