Polar - Thriller

Et les gens qui ne sont rien

Titre : Et les gens qui ne sont rien
Auteur : Christophe Nicolas
Éditeur : Argyll
Date de publication : 2023

Synopsis : « Au secours ! Mon mari va me tuer ! Venez, vite ! » Lorsque les gendarmes débarquent sur place, Emma Coulon git inconsciente près de son mari, le visage tuméfié. L’affaire paraît simple – un adultère suivi de violences conjugales – et pourrait être bouclée dans l’heure, si le présumé coupable, Michaël Coulon, n’était pas le principal employeur de la région. Très vite, le maire et le procureur font pression sur l’adjudant Gerardin, fraîchement nommé à la brigade de Génolhac, petit village des Cévennes serré au milieu des collines. Peu importe si l’épouse est dans le coma, peu importe si l’amant demeure introuvable, Coulon doit être libéré sur-le-champ. Mais Gerardin ne se laissera pas intimider, son passé l’en empêche. Il est décidé à coincer le coupable quoi qu’il lui en coûte.

Ils croient préserver ce mensonge du mérite parce que sinon on deviendrait fous de rage et on se retournerait contre eux. Mais ils se trompent. C’est le contraire. Franchement, je préfèrerais qu’ils assument le fait que tout dépend de la naissance. Plutôt que cette hypocrisie mielleuse.

Un thriller efficace…

« Selon que vous serez puissant ou misérable, les jugements de cour vous rendront blanc ou noir ». La célèbre citation de La Fontaine ouvrant le récit, de même que le choix du titre faisant explicitement référence à l’une des sorties les plus révoltantes du président de la République actuel, donnent assez nettement le ton du nouveau roman de Christophe Nicholas : un polar, certes, mais un polar sociétal ! L’action se déroule dans un petit village rural du sud de la France où l’adjudant Pascal Gerardin a pris la tête de la petite équipe de la brigade territoriale autonome de Génolhac. Le quotidien n’est pas bien trépidant, si bien que les causes d’intervention se limitent le plus souvent au trio bagarre/accident/suicide, mais guère plus. Et puis, un jour, une femme appelle en panique la gendarmerie, affirmant que son mari a tué son amant et qu’il serait désormais à sa poursuite afin de lui régler également son compte. Lorsque Gerardin arrive sur les lieux, la femme gît dans un fossé, inconsciente, après une chute impressionnante, son mari à ses côtés. L’affaire a l’air relativement simple. Seulement le mari en question est Michaël Coulon, un industriel local doté d’une puissante assise dans la région et qui dispose de solides alliés visiblement désireux de mettre l’incident sous le tapis. Gerardin, lui, n’est toutefois pas décidé à lâcher l’affaire. D’abord parce que l’appel de détresse de la jeune femme juste avant sa chute et son coma plaide pour la culpabilité du mari, mais aussi par ce que tout un faisceau d’indices incite à croire que l’agression de son épouse n’est pas le seul méfait dont se serait rendu coupable le suspect. Il y a d’abord ce fameux amant arrivé tout récemment dans la région et qui serait soit disant reparti vers Montpellier mais dont personne n’a plus trace depuis la veille. Et puis il y a cette vieille histoire qui resurgit, celle de la disparition d’une adolescente à la fin des années 1990 qui, à l’époque, avait fait grand bruit dans la région.

… et qui reflète certaines des préoccupations de la société d’aujourd’hui

Christophe Nicholas opte ici pour un déroulement classique mais efficace. On suit avec curiosité l’évolution de l’enquête du commandant qui se trouve ponctuée de rebondissements fréquents qui permettent d’entretenir le doute du lecteur concernant la culpabilité ou l’innocence du suspect. Le récit est également ponctué de flashbacks qui remontent de quelques jours à plusieurs années et permettent d’adopter le point de vue de témoins et/ou victimes de la violence qui s’est abattue à plusieurs reprises dans ce village sans histoire. Il s’agit encore une fois d’un grand classique que celui de la petite communauté en apparence paisible cachant en réalité un passé sordide et des habitants aux comportements troubles, mais il faut admettre que le procédé se révèle toujours aussi efficace pour instiller une atmosphère oppressante et anxiogène. Les chapitres sont relativement courts et les découvertes réalisées par l’enquêteur suffisamment régulières pour inciter le lecteur à poursuivre toujours plus loin, ce qui donne au roman des allures de page-turner. L’aspect sociétal du récit est bien présent mais n’occupe finalement pas une place si centrale que cela. Certes, l’auteur met en scène la solidarité qui se met en branle au sein de la notabilité dès lors que l’un des leurs se trouve en mauvaise posture, de même qu’il insiste sur l’influence que confère à Michaël Coulon sa position de principal employeur de la région, mais le sujet est loin d’occuper tout l’espace. La question des violences faites aux femmes est elle aussi présente et traitée sans fard, ce qui donne lieu, parfois, à des scènes difficiles à supporter. On peut également saluer la volonté de l’auteur de tenter de souligner les difficultés rencontrées par la petite brigade pour mener son enquête, cette dernière ne disposant de toute évidence pas des moyens humains et techniques suffisants pour réaliser un travail de qualité, ce qui ne manque pas de miner le héros du roman.

« Et les gens qui ne sont rien » est un polar efficace et bien rythmé mettant en scène un petit enquêteur de province tentant de retracer le cours d’une affaire impliquant un puissant patron local. On se prend rapidement au jeu de la recherche d’indices menée par le commandant en charge de l’enquête, celle-ci se révélant finalement plus complexe que prévue et l’obligeant à fouiller dans l’histoire de la région. Le roman de Christophe Nicholas est aussi sociétale et met en lumière une partie des questions qui traversent l’actualité, qu’il s’agisse de celle de la violence faite aux femmes ou des inégalités de classes.

Autres critiques :  ?

Antiquiste passionnée d’art, de cinéma, de voyage et surtout grande lectrice des littératures de l’imaginaire (fantasy essentiellement).

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