Science-Fiction

La trilogie baryonique, tome 1 : La tragédie de l’orque

Titre : La tragédie de l’orque
Cycle/Série : La trilogie baryonique, tome 1
Auteur : Pierre Raufast
Éditeur : Aux forges de Vulcain
Date de publication : 2023 (février)

Synopsis : Le changement climatique a terrassé l’humanité qui s’est effondrée démographiquement, politiquement, scientifiquement. L’esprit humain semble mort en ce début de XXIIème siècle, où les nations reprennent doucement le chemin de la conquête spatiale. Reprise timide, occupée à miner les trous noirs pour en extraire de précieuses ressources pour une Terre épuisée. Deux femmes, une capitaine, sa lieutenante, sont sur un de ces vaisseau d’excavation quand une avarie transforme leur navire en tombeau. Une expédition s’organise et ce sauvetage va marquer le début d’une lente et symbolique reconquête du seul moteur des plus grandes oeuvres : l’espoir.

Exploration spatiale

Espace. 2173. Des vaisseaux spatiaux baptisés « Orca » arpentent l’univers avec à leur bord un équipage réduit de deux personnes. Ce sont des mineurs d’espace-temps, des spécialistes capables de générer des trous de ver et dont la mission est de cartographier l’univers, tenter de déceler une éventuelle forme de vie extraterrestre, mais surtout de mettre la main sur de l’antimatière grâce à laquelle les Experts (les IA présentent à bord des vaisseaux) ne dépendront plus des centres de calcul quantiques terrestres. En gros, l’objectif est de pouvoir construire des ordinateurs quantiques de poche, transportables dans l’espace. Pourquoi faire ? Et bien personne n’a l’air de véritablement le savoir, mais beaucoup sont convaincus qu’il s’agira d’une révolution technologique exceptionnelle pour l’humanité. C’est dans ce contexte que l’on fait la rencontre de deux équipages occupants respectivement les Orca 7131 et 7013. Le premier est dirigé par deux femmes, Sara et Slow, qui, suite à un problème technique imprévu, vont se retrouver piégées et dans l’incapacité de refermer le trou de ver qu’elles ont fait apparaître ce qui, à terme, risque de représenter un risque pour l’humanité. Le second est quant à lui commandé par un vétéran dont c’est la dernière mission et son jeune subordonné à qui l’Agence va demander de tenter de secourir l’Orca égaré. Outre celui des équipages des deux vaisseaux, le lecteur va être amené à suivre le point de vue de plusieurs personnages sur Terre, qu’il s’agisse de membres de l’Agence chargés de prendre des décisions concernant la mission ou de membres de la famille de Sara, la capitaine de l’Orca défaillant. Parmi eux Mia, la fille de Sara, partagée entre la peur de perdre sa mère et le ressentiment qu’elle éprouve envers cette dernière qui préfère manifestement passer l’essentiel de son temps dans l’espace plutôt qu’à ses côtés, mais aussi Ness, la compagne de Sara, ou encore le père de cette dernière.

Un récit technique

Le roman alterne régulièrement entre les différents points de vue, ce qui permet de rendre le récit dynamique et de se faire une idée précise de l’évolution de la situation. L’intrigue est plutôt bien ficelée et relancée en permanence par de nouveaux rebondissements qui permettent de maintenir l’intérêt du lecteur en éveil jusqu’à la fin. La conclusion apportée est pour sa part satisfaisante puisqu’elle permet de résoudre la problématique liée à l’arc narratif exposé ici, mais quelques points plus marginaux restent en suspens et seront vraisemblablement éclaircis par Pierre Raufast dans les volumes à venir puisqu’il s’agit là du premier tome d’une trilogie (« La trilogie baryonique »). Une série que je ne continuerais pas, ce premier opus m’ayant laissée un sentiment pour le moins mitigé, et ce en dépit des aspects positifs évoqués plus haut. Parmi les éléments qui m’ont le plus refroidie figure la surabondance dans la narration d’explications scientifiques ou techniques qui ont pour effet d’alourdir le texte, voire de le rendre à certains moments totalement rébarbatifs. Voici, à titre d’exemple, un extrait de dialogues figurant dans le roman : « Les premiers ordinateurs quantiques avaient beaucoup de difficultés à maintenir des états quantiques superposés dans la durée. Il y avait toujours une perturbation qui engendrait une décohérence de la fonction d’onde. Les algorithmes quantiques ne fonctionnent que lorsque les qubits sont dans un état quantique superposés, quand ils ont plusieurs valeurs à la fois. » Et l’interlocuteur de répondre : « Jusque-là, ça va. » Ah ba non, pas pour moi qui ai décroché au bout de la deuxième phrase. Ces explications jargonneuses et alambiquées ont de plus la fâcheuse tendance à ne servir à rien (on comprend très bien de quoi il est question sans avoir à se farcir tout le volet technique) et surtout à être exposées de façon maladroite. Le roman fourmille en effet de dialogues artificiels au cours desquels un personnage fait réviser un autre qui ânonne alors sa leçon sur telle notion de physique ou tel rappel historique. On a vu plus subtil…

Une implication émotionnelle limitée

Parmi les autres reproches que l’ont peut faire concernant ce premier tome figure le manque de consistance des personnages. Ces derniers sont en effet caractérisés bien trop rapidement et ont tendance à tourner en rond, ressassant encore et encore les mêmes pensées. L’un est tiraillé entre son devoir et la perspective de bénéficier d’une retraite bien méritée, l’autre revendique de jouir de la liberté qui lui est accordée dans l’espace sans guère se soucier de sa famille sur Terre, une autre encore passe son temps à tenter de combler l’absence de sa compagne : autant de personnages qui pourraient être attachants mais qui, pourtant, ne parviennent jamais à toucher le lecteur. Les raisons sont multiples mais tiennent à mon sens surtout à l’absence de surprise : on les cerne tous très vite, et ce dès les premières pages, et notre avis sur chacun d’entre eux ne se verra que confirmé, sans que jamais rien ne vienne nuancer notre première impression ou apporter une petite touche de complexité. Il en résulte une indifférence totale pour le sort des équipages des deux vaisseaux, et ce d’autant plus qu’ils semblent de toute façon accepter leur sort avec philosophie, ce qui ne fait que limiter encore davantage le caractère dramatique de l’histoire. En effet, les membres de l’équipage de l’orca disparu vont faire une découverte totalement improbable qui va les enthousiasmer et leur faire totalement oublier (et nous avec) la précarité de leur situation. L’intrigue utilise pour l’occasion des ficelles assez grosses, ce qui vient freiner encore davantage l’immersion du lecteur. Certes, la découverte réalisée titille la curiosité mais celle-ci était de toute façon tellement attendue qu’on aurait pu espérer là aussi davantage de surprise.

Réflexions sur l’avenir de la Terre, de la science et des IA

Autre bémol, et non des moindres : le futur qui nous est présenté ici m’a semblé totalement déconnecté des préoccupations de notre société. Le problème causé par le réchauffement climatique est ainsi balayé d’un revers de main dans la mesure où, certes, des milliards d’êtres humains ont péri lors de la « Grande migration » mais, fort heureusement, la science est manifestement parvenue à sauver ceux qui restaient. Circulez, il n’y a rien à voir. Le mode de vie des habitants du XXIIe siècle n’a ainsi pas grand-chose de différent du notre, ce qui paraît aujourd’hui totalement improbable pour beaucoup de monde. La seule véritable différence entre la société actuelle et celle mise en scène ici tient au fait que les individus sont encore plus connectés puisque des robots personnels et personnalisés accompagnent les enfants de la naissance à l’âge adulte. Cette thématique est intéressante et permet à l’auteur de mettre en scène un clivage générationnel entre des plus vieux qui ont grandi sans ces « robots-nounous » et qui considèrent que leurs descendants sont trop choyés, et des jeunes qui s’en remettent aux IA pour la plupart des aspects de leur vie, qu’il s’agisse de lire un livre, de côtoyer telle ou telle personne ou de se spécialiser dans telle ou telle discipline. Le personnage de Diego, le petit-ami de Mia particulièrement méfiant vis-à-vis de ces nouvelles technologies, permet d’ailleurs d’apporter une touche critique intéressante concernant l’absence de libre-arbitre des individus puisque les « Sofias », ces fameux robots, sont programmés pour analyser la personne dont elles ont la charge et lui proposer les activités ou les lectures qui lui correspondent le plus, sans qu’on puisse être certains que, sans son influence, les choix effectués auraient été les mêmes. Le problème, c’est que cette approche critique est presque totalement balayée par la radicalisation du jeune homme qui sombre peu à peu dans le complotisme et perd toute crédibilité aux yeux du lecteur, alors même que certains de ses arguments premiers étaient pertinents.
« La tragédie de l’orque » est le premier tome de « La trilogie baryonique » dans laquelle Pierre Raufast met en scène des mineurs d’espace-temps arpentant l’univers en quête d’antimatière. Quoique bien rythmé et ponctué de nombreux rebondissements, le roman ne parvient pas véritablement à convaincre pour une multitude de raisons, parmi lesquelles une vision du futur uniquement tournée vers la science et ses innovations, mais aussi l’utilisation d’un jargon scientifique et technique rendant la lecture rébarbative.

Voir aussi : Tome 2 ; Tome 3

Autres critiques :  ?

Antiquiste passionnée d’art, de cinéma, de voyage et surtout grande lectrice des littératures de l’imaginaire (fantasy essentiellement).

4 commentaires

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