L’empire s’effondre, tome 1
Titre : L’empire s’effondre
Cycle/Série : L’empire s’effondre, tome 1
Auteur : Sébastien Coville
Éditeur : Anne Carrière / Folio SF
Date de publication : 2021 / 2022
Synopsis : Alfred de Pergoal, ingénieur et créateur des plus beaux engins à vapeur de son temps, se rend au palais pour assister à la cérémonie du millénaire de Seth. Mais, en ce soir de fête, la capitale est une cocotte-minute. Les habitants, sous le joug d’une théocratie injuste et brutale, sont prêts à tous les excès, et même à la révolution. Il va suffire d’un attentat pour sceller le destin du cercle-monde. Cette fois, c’est irrémédiable : l’Empire s’effondre. Débute une nouvelle ère où s’affrontent les puissances monarchiques, militaires, religieuses et civiles. Dans cette guerre totale, les hommes et les femmes n’ont qu’un choix s’ils veulent survivre au chaos : devenir des traîtres ou des héros. Et la frontière entre les deux se résume souvent au succès ou à l’échec.
Pourtant, la guerre était déjà là. Dans les soulèvements des faubourgs et des quartiers misérables qui secouaient les cités, dans les trains de marchandises à moitié vides et les temples dégarnis. La guerre de ce nouveau millénaire était née dans le silence d’une capitale qu’on croyait éternelle.
Une guerre civile qui couve
« L’empire s’effondre » est le premier tome d’une trilogie éponyme qui marquait en 2021 l’entrée de Sébastien Coville sur la scène de l’imaginaire français. Paru à l’origine aux éditions Anne Carrière, l’ouvrage a depuis été réédité en poche chez Folio SF, collection au sein de laquelle le deuxième volume paraîtra le mois prochain. Le roman met en scène un empire impérialiste tel qu’on en voit beaucoup en fantasy : une caste dirigeante maintient la population en état de quasi servitude et entreprend sans cesse de repousser ses frontières dans le but de contenir les agitations internes. La particularité vient ici du fait qu’il ne s’agit pas, comme c’est souvent le cas, d’un empire d’inspiration médiéval-fantastique mais plutôt influencé par le steampunk. Le niveau de technologie évoqué laisse en effet davantage penser au XIXe, un siècle auquel il semble pertinent de faire référence ici puisque l’histoire met en scène un début de révolution, événement dont la période fut particulièrement friande. En effet, la capitale, Seth, est en proie à la confusion la plus totale suite à un attentat terrible commis au sein même du palais par un ingénieur réputé ayant déclenché une arme inconnue mais d’une portée sans précédent. Très vite, les classes populaires de la ville saisissent cette opportunité pour se soulever et quitter les quartiers dans lesquels on les cantonne d’ordinaire afin de semer le chaos dans la ville haute. La capitale a en effet pour particularité d’avoir été construite en étages, les privilégiés occupant le haut et ceux considérés comme la lie de la population le bas. Cette hiérarchisation urbaine s’accompagne évidemment d’une hiérarchisation sociale puisque l’empire repose sur un système de castes définies en fonction des origines et du corps de métier de chacun. L’appartenance à une caste, bien qu’offrant des perspectives parfois limitée, est toutefois préférable à une absence de protection, synonyme de la misère la plus totale. C’est dans ce contexte pour le moins explosif que l’on va faire la connaissance de nos protagonistes. Parmi eux figure Léonore, l’assistante de l’ingénieur impliqué dans l’attentat, qui va tenter de comprendre pourquoi son patron est allé se fourrer dans un tel guêpier. Nous allons également suivre l’ingénieur en question, Alfred, qui ne cesse de clamer son innocence et dont le sort terrible qui l’attend ne fait guère de doute. On suit aussi de temps à autre un jeune général charismatique en rébellion semi-ouverte avec la couronne ainsi que son état-major, ainsi que quelques responsables politiques ou religieux de premier plan.
Un roman ambitieux et riche
Ambitieux et dense, le roman possède un certain nombre de qualités d’autant plus remarquables qu’il s’agit là d’un premier roman, même si plusieurs aspects m’ont profondément déplue. Parmi les éléments positifs, on peut notamment citer la richesse de l’univers construit dont un petit pan seulement nous est dévoilé dans ce premier tome. Sébastien Coville a particulièrement soigné son décor, et cela se sent, donnant ainsi de la profondeur et de la complexité à ce monde avec lequel on se familiarise progressivement. Outre son système détaillé de hiérarchisation des citoyens, l’auteur s’est donné du mal pour imaginer à son empire une histoire (avec notamment des intrigues ayant débuté bien avant le début du roman), mais aussi des pratiques religieuses encore une culture politique. Certes, le roman se perd parfois un peu trop en digressions qui alourdissent la narration, mais dans l’ensemble il faut reconnaître que l’auteur a fait du bon travail en ce qui concerne son univers. La petite touche steampunk est quant à elle sympathique en terme d’ambiance mais va surtout se révéler intéressante dans la suite de l’histoire où elle devrait permettre de mobiliser des technologies sortant de l’ordinaire au service du conflit qui s’annonce. Les remarques qui viennent d’être faites concernant le décor sont globalement similaires à celles que l’on peut faire sur l’intrigue. L’auteur met progressivement en place dans ce premier tome les bases de sa trilogie et, le moins que l’on puisse dire, c’est qu’il ne manque pas d’ambition. Le début est plutôt surprenant et accroche sans mal l’intérêt du lecteur qui se laisse entraîner de bon gré dans ce qui semble bien être les prémices d’une révolution secouant un empire pourtant depuis longtemps incontesté. Le récit s’enlise ensuite, l’intrigue n’évoluant guère tandis que les mêmes scènes se répètent au point de lasser le lecteur, même ci l’attention de celui-ci continue au détour de certains chapitres à être capté par des passages intéressants. Le dernier gros tiers est plus captivant, l’action se mettant enfin en branle et dévoilant clairement une partie des enjeux qui demeuraient jusque là assez flous. Certes, les motivations de certains et leur rôle dans les bouleversements restent mystérieux tandis que des sous-intrigues viennent se greffer à la principale sans qu’on en comprenne encore le sens, mais on parvient globalement à voir où veut nous entraîner l’auteur.
Des maladresses dans le traitement de la violence
Pour toutes ces raisons, le lecteur est encouragé à poursuivre sa lecture jusqu’au bout, et même à vouloir découvrir le deuxième tome afin de voir sa curiosité satisfaite. L’ouvrage n’est cependant pas exempt de maladresses qui, sans gâcher complètement le plaisir de lecture, viennent sacrément le perturber. Le premier gros point noir auquel j’ai été particulièrement sensible concerne la mise en scène de la violence. L’auteur met en scène une (trop) grande quantité de scènes d’émeutes qui se limitent pas à casser du mobilier ou défoncer des vitrines mais impliquent d’égorger son voisin ou de violer des passantes. Très vite, c’est l’overdose : les détails sordides fusent sans que l’intrigue n’en ressorte enrichie, et certains méfaits sont de plus amenés à être inlassablement répétés d’une émeute à l’autre. Je pense notamment aux scènes de viol qui ne sont jamais vraiment décrites puisque les personnages assistent toujours à ce qui se passe avant et après, mais jamais à l’acte lui-même, ce qui n’empêche pas l’auteur de multiplier là encore les détails glauques sur les regards vicelards, les braguettes qui tombent ou les vêtements qu’on arrache avant d’entraîner la victime dans un coin sombre. Une fois. Deux fois. Trois fois… C’est déjà malaisant la première fois et ça finit par devenir franchement insupportable, surtout lorsque s’ajoutent plusieurs scènes de « presque viol » (comprenez des scènes où l’héroïne manque elle-même de se faire violer sans jamais que l’affront ne lui soit fait jusqu’au bout parce que bon, sinon ça ne serait plus vraiment une héroïne…). On a en plus du mal à comprendre le message que tente de faire passer l’auteur qui, d’un côté légitime franchement le soulèvement en raison des injustices subies par la population depuis des décennies, tout en décrivant cette population comme des bêtes avides de sang et incapables de se contrôler une fois libérés de leurs chaînes. Cette confusion se traduit par des passages narratifs au cours desquels on nous livre des poncifs plus ou moins éculés sur la politique, la société ou le pouvoir, sans qu’on comprenne là encore toujours où veut en venir l’auteur qui possède, malgré tout, une jolie plume. Les personnages, enfin, auraient mérité d’être un peu plus étoffés pour permettre une véritable identification de la part du lecteur qui peine à s’attacher à la plupart d’entre eux.
« L’empire s’effondre » est un premier tome (et un premier roman) qui possède de nombreuses qualités et qui dépeint la déliquescence d’un empire en proie à des révoltes sociales d’une ampleur sans précédent. L’univers dépeint est riche et, si l’intrigue peine un peu à se mettre en place, elle séduit par sa complexité et par les nombreuses perspectives qu’elle ouvre pour la suite. Le roman souffre cependant de plusieurs défauts qui, s’en être totalement rédhibitoires, n’en sont pas moins gênants, à commencer par une omniprésence de scènes de viol ou de violence gratuite qui mettent rapidement mal à l’aise et pourraient même inciter certains lecteurs à refermer définitivement l’ouvrage avant la fin. Espérons que le deuxième volume gommera cet aspect pour se concentrer sur le reste, heureusement bien plus positif.
Voir aussi : Tome 2 ; Tome 3
Autres critiques : ?
3 commentaires
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Le Scribouillard
Un empire impérialiste, c’est un peu un pléonasme quand même ^^
Je sens que je vais avoir un rapport ambigu avec ce bouquin. D’un côté le cocktail « fantasy + lutte des classes » m’a toujours plu, de l’autre la darkitude à outrance a tendance à me porter sur les nerfs. Surtout dans des moments de ma vie comme celui-ci où je cherche des alternatives souriantes au monde actuel…
Boudicca
C’est pas faux 😉 Pour le côté dark on est clairement dedans ici, mais peut être que cela s’atténue un peu dans les volumes suivants (c’est déjà un peu le cas dans la dernière partie du bouquin d’ailleurs) Si tu veux des alternatives souriantes il faut lire « Eutopia » de Camille Leboulanger 😉