L’épée, la famine et la peste, tome 2
Titre : L’épée, la famine et la peste, tome 2
Auteur : Aurélie Wellenstein
Éditeur : Scrinéo
Date de publication : 2023 (février)
Synopsis : Vous croyiez tout savoir sur Sulyvahn, Cillian et Erin… Tenez-vous prêts à découvrir leur vrai visage ! Sortirez-vous indemne de la toile tissée par Aurélie Wellenstein ? Depuis un demi-siècle, le royaume de Comhghall s’enfonce dans un âge sombre : les monstres pullulent, des villages entiers disparaissent dans les toiles d’araignées, et les tarentas tissent dans l’esprit des hommes, les condamnant à s’étioler dans la mélancolie et les idées noires. Alors que Sulyvahn, Erin et Cillian rassemblent leurs forces pour renverser l’inquisition, Conrad et Lile, les bras droits du Moine écarlate, se mettent en chasse pour les retrouver. Mais le couple d’inquisiteurs cache lui aussi un secret. Et face à Sulyvahn remontent les ombres du passé, faisant s’entrechoquer avec violence l’amitié et la haine. L’étau se resserre, les vrais visages se révèlent et chacun d’entre eux va devoir faire un choix : accepter son rôle ou affronter sa vérité et devenir enfin lui-même.
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Le royaume des araignées
« L’épée la famine et la peste » est un diptyque dont le premier volet est paru l’an dernier et qui met en scène un royaume de fantasy crépusculaire dans lequel des araignées dotées de pouvoirs étranges sont en train de coloniser les habitants. Craintes pour leurs morsures dont les effets peuvent, au choix, pousser au suicide, générer une fureur guerrière terrible ou donner des visions de l’avenir, les arachnides sont partout et entraînent peu à peu le royaume à la ruine. A cette menace insidieuse vient s’ajouter celle de l’Inquisition, un ordre militaire dirigé par un fanatique, le Moine rouge, qui pourchasse sans relâche toutes les « tarentas », ces femmes mordues par les araignées et qui seraient à l’origine de leur prolifération, et plus largement de toutes les créatures soupçonnées de ne pas être totalement humaines. C’est dans ce contexte que l’on avait fait la connaissance l’an dernier de trois anti-héros aux trousses desquels se sont lancés les soldats de l’Inquisition. Le premier est un jeune homme habité par l’esprit d’un loup, la seconde une adolescente arrêtée car suspectée d’être l’une de ces « femmes-araignées », torturées dans les geôles de la capitale, et le troisième un ancien soldat hanté par le souvenir des croisades et par la mort de son fils qu’il croit emprisonné dans le corps d’un immense cerf ayant croisé son chemin. On suivait dans le premier tome la quête de ces trois personnages pour échapper à l’Inquisition, chacun se questionnant sur leur lien avec l’animal auquel il était lié et sur le bien fondé des accusations de bestialité qui avaient justifié leur exclusion de la société. Après les épreuves endurées jusqu’à l’ancienne capitale du royaume où ils pensaient trouver refuge, il n’est désormais plus question pour aucun d’entre eux de se contenter de fuir. Non, à présent les trois compagnons sont bien décidés à rendre coup pour coup et à mettre fin au terrible règne de l’Inquisition, quitte pour ce faire à incarner les fameux trois fléaux qui donnent leur titre au diptyque : Sulyvahn sera l’épée, Cillian et se meute de loups incarneront la famine, quant à Erin, la plus puissante de toute, elle sera la peste, celle auprès de laquelle se rassembleront les parias et les tarentas, enfin libérées du poids de la culpabilité et de la menace de l’Inquisition.
Un manque criant de profondeur
Ce second volume s’inscrit dans la droite lignée du premier dont il conserve les qualités et les défauts, quoi que ces derniers m’ont semblé exacerbés. Le récit alterne entre les points de vues des trois héros de départ que l’on ne retrouve toutefois pas tout de suite, la narration se concentrant dans un premier temps sur Conrad et Lile, deux inquisiteurs et anciens amis de Sulyvhan qui se sont lancés à leur poursuite et qui découvrent au fil de leur périple ce qui ressemble bien à d’atroces exactions commises par leurs proies. Le changement de protagoniste est dans un premier temps perturbant mais on se laisse vite reprendre au charme de l’univers d’Aurélie Wellenstein, toujours aussi évocateur et immersif. L’autrice possède en effet un talent certain pour ce qui est de trouver d’excellentes idées de décors qui marquent généralement par leur noirceur et la violence qui y règne et dont sont victimes l’ensemble des personnages. Cette noirceur se heurte toutefois avec le caractère « jeunesse » du texte qui manque clairement de profondeur et de complexité. On a donc affaire à des scènes assez crues, voire d’une grande violence, qui semblent par conséquent exclure un lectorat plus jeune, mais qui sont aussitôt suivies de dialogues très simplistes dans lesquels les personnages font étalage de leurs sentiments avec une candeur et une manière de s’exprimer presque enfantine. Le contraste n’est pas du meilleur effet et, quand bien même on pourrait considérer que le roman appartienne à la catégorie « young adult », le décalage est tout simplement trop grand entre la dureté des scènes qu’elle dépeint ou la gravité du message que l’autrice veut faire passer et la simplicité avec laquelle ce dernier est exposé. A cela s’ajoute une redondance des thématiques chères à l’autrice qui sont loin d’être inintéressantes mais qui provoqueront certainement un sentiment de redite chez les lecteurs habitués à ses romans. On retrouve notamment encore et toujours la question centrale du lien entre l’homme et l’animal, de l’amitié permettant de surmonter les épreuves, ou encore de la violence perpétrée par certaines institutions et des différentes manières dont une personne (presque toujours adolescente) réagit à un traumatisme.
Une intrigue et des personnages trop simplistes
L’injustice faite aux femmes et la violence à laquelle elles sont confrontées dans cet univers en particulier est également mis en avant et, si le propos est encore une fois intéressant, la manière de le présenter manque de complexité. Il en va malheureusement de même des personnages, bien trop simplistes et qui, pour cette raison, ne parviennent que rarement à nous surprendre ou nous émouvoir. Enfin, c’est le cas aussi de l’intrigue qui prend ici un tournant qui aurait pu être captivant, avec ces personnages qui choisissent de passer du côté obscure et de ne plus se conformer à ce que la société attend d’eux. Le problème, c’est que leur aventure est décrite de façon bien trop rapide, si bien qu’on a l’impression qu’il leur suffit de quelques jours à peine pour provoquer un changement total de philosophie de la part d’une population pourtant terrifiée et opprimée par l’Inquisition depuis des décennies. On a donc du mal à croire à cette révolution qui s’annonce et sur les conditions de laquelle l’autrice ne s’appesantira pas, se contentant de décrire les trois protagonistes fonçant dans le tas, sans esquisser d’autres plans que celui de faire tomber le Moine rouge. Certains rebondissements sont de plus assez maladroits et viennent renforcer encore davantage l’incrédulité du lecteur qui a toutes les peines du monde à ne pas lever les yeux au ciel devant des scènes d’une mièvrerie sidérante. Cela s’avère d’autant plus dommage que certains passages sont pourtant assez marquants et portés par une plume qui sait se faire plus belle et incisive que ce que les quelques dialogues pâlots qui pullulent dans le roman pourraient laisser croire.
« L’épée, la famine et la peste » est un diptyque appartenant incontestablement au young adult dont il reprend une partie des codes tout en voulant s’en démarquer par une noirceur appuyée et des thématiques sociétales complexes. Le roman souffre malheureusement d’un manque criant de profondeur, tant du côté de l’univers que de l’intrigue, des personnages ou mêmes des dialogues, ce qui rend difficile toute implication émotionnelle de la part du lecteur, trop incrédule pour croire à cette histoire de révolution éclaire et trop adulte pour se laisser émouvoir par l’ingénuité des protagonistes.
Voir aussi : Tome 1
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