Science-Fiction

Le livre de Phénix

Titre : Le livre de Phénix
Auteur : Nnedi Okorafor
Éditeur : ActuSF
Date de publication : 2022 (juin)

Synopsis : À l’abri de tours gigantesques, manipulations et expérimentations génétiques façonnent le futur de l’humanité. Phénix est l’une d’elles, un organisme accéléré capable de prouesses bien supérieures à celles d’un humain normal. Entourée d’autres individus aux pouvoirs hors normes, elle grandit sans se rendre compte de la cruauté de ses créateurs.Sa vie bascule le jour où Saeed, son seul ami et amant, se suicide après avoir été témoin de l’horreur de trop. Sa mort allume en Phénix le feu d’une rébellion qu’elle ignorait posséder. Elle n’a alors plus qu’une idée en tête : s’échapper et détruire toutes les tours… quitte à entraîner le monde entier dans leur chute.

Dans le vocabulaire de la guerre, il existe une stratégie dite de la « terre brûlée ». Cela consiste en le fait de détruire tout ce qui pourrait s’avérer utile à l’ennemi lors de l’avancée, ou au contraire, en cas du retrait des troupes dans un territoire donné. Cette politique est cruelle, violente, impitoyable. L’une des méthodes qu’elle emploie, la destruction des lignes d’approvisionnement en nourriture des civils dans les zones de conflit, a été interdite par l’article 54 du protocole 1 des conventions de Genève. Mais cette convention n’est applicable que par les pays qui l’ont ratifiée. Il n’y a que les États-Unis et Israël qui n’ont pas signé. Dans ce sens, je suis très américaine.

Phénix ou l’origine de l’apocalypse

Popularisée en France grâce à son roman « Qui a peur de la mort ? », Nnedi Okorafor est une autrice américaine naviguant aussi bien entre la fantasy, le fantastique et la SF, les romans adultes et la jeunesse, mais aussi la forme courte ou la forme longue. Son univers sort indubitablement des sentiers battus, que ce soit en terme de décor (une Afrique post-apocalyptique dans laquelle la magie a refait son apparition) ou de thématiques (le viol comme arme de guerre, l’excision, les ressorts qui conduisent au génocide, ou encore l’émancipation par l’art). « Le livre de Phénix » se veut une préquelle indépendante de l’histoire d’Onyesonwu et vise à relater les événements qui ont précédé et mené à l’apocalypse. Le roman met en scène une femme âgée en apparence d’une quarantaine d’années, née et « amenée à maturité » dans la Tour 7, l’un de ces immenses édifices implantés un peu partout dans le monde et dans lesquels des scientifiques se livrent à toutes sortes d’expérimentations secrètes. Remplies de speciMen, des créatures génétiquement modifiées selon différentes méthodes et avec différents objectifs, ces tours et les personnes qui y travaillent semblent disposer d’une impunité totale et de moyens exceptionnels pour façonner l’humanité de demain. Les résultats ne sont cependant pas toujours à la hauteur de leurs attentes, les différents sujets réagissant parfois mal à ces transformations radicales. Bien que les rapprochements entre résidents soient proscrits, Phénix s’est liée au fil des mois avec Saeed, un autre Speci-Men qui, contrairement à beaucoup d’autres, paraît encore capable d’interagir et de sociabiliser. Mais lorsqu’on lui annonce le suicide de ce dernier, notre héroïne se résous à voir son environnement pour ce qu’il est réellement, non pas une bulle la protégeant du reste du monde mais une prison. Dotée d’une puissance extraordinaire qu’elle commence tout juste à appréhender, la jeune femme va prendre la fuite avec une obsession en tête : venir à bout de toutes les autres tours, libérer les Speci-Men enfermés, et comprendre d’où elle vient et quel est l’objectif recherché par celles et ceux qui sont à l’origine de ces expériences.

Qui a peur de la mort

Héroïne puissante, histoire confuse

Phénix est un personnage ambivalent et qui porte l’essentiel du récit sur ses épaules. Difficile à cerner en raison de la distance qu’elle impose entre elle, narratrice, et le lecteur, l’héroïne n’en demeure pas moins attachante. Marquée par les épreuves qu’elle a du subir et rongée par la colère qu’elle éprouve envers ses anciens geôliers, la jeune femme réagit de façon complexe, et donc très humaine, aux événements qui résultent de son évasion. Habitée par un désir de vengeance en passe de la consumer, Phénix est un personnage puissant qui tente en permanence de cerner les mécanismes qui ont conduit à son exploitation et celle des autres Speci-Men. Elle se rapproche ainsi beaucoup d’Onyesonwu, la petite sorcière revêche de « Qui a peur de la mort », toutes deux assumant leur passé, aussi douloureux soit-il, et désirant ardemment renverser le système de domination à l’origine de leur souffrance. L’intrigue, en revanche, est bien moins maîtrisée et souffre de problèmes de rythme, à commencer par de nombreuses longueurs qui rendent parfois la lecture laborieuse. Le récit part régulièrement dans des directions inattendues qui, sans être inintéressantes, s’apparentent souvent à des digressions. L’autrice a voulu dire beaucoup de choses, trop sans doute, si bien que le roman possède un aspect un peu brouillon nuisible pour l’attention du lecteur qui ne peut s’empêcher de temps à autre de décrocher. De nombreuses réflexions amorcées ici par Nnedi Okorafor sont pourtant intéressantes et rejoignent en partie celles déjà évoquées dans « Qui a peur de la mort » ou dans plusieurs nouvelles du recueil « Kabu Kabu » : le racisme, bien sûr, et plus largement les différentes manières dont s’exerce une domination ; la violence et jusqu’où elle peut aller ; mais aussi la puissance potentiellement destructrice d’un récit. Autant de thématiques passionnantes qui sont malheureusement ici traitées de manière trop confuse.

« Le livre de Phénix » est un roman difficile à saisir dont l’objectif est d’expliquer l’origine de l’apocalypse qui donnera lieu bien des années plus tard au monde tel que dépeint dans « Qui a peur de la mort ». Nnedi Okarafor met en avant des sujets selon un angle original et est parvenue à donner vie à une héroïne complexe particulièrement poignante, mais le récit souffre de longueurs, sources de confusion et, parfois, de lassitude chez le lecteur.

Autres critiques :  ?

Antiquiste passionnée d’art, de cinéma, de voyage et surtout grande lectrice des littératures de l’imaginaire (fantasy essentiellement).

Un commentaire

  • Yuyine

    Je pense plus me tourner vers Qui a peur de la mort plutôt que ce livre mais j’admire la capacité de l’autrice à proposer des personnages complexes à la écrire

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