Fantasy

La Niréide

La Niréide

Titre : La Niréide
Auteur : Fabien Clavel
Éditeur : Mnémos [site officiel]
Date de publication : mars 2022

Synopsis : Troie brûle. Les guerriers grecs, vainqueurs, reprennent leurs navires.
Parmi eux se trouve le prince Niréus de Symé. Arrivé très jeune à la guerre, il en revient balafré et dégoûté par les combats. Il ne demande plus qu’à retrouver sa petite île, comme l’Ithaque d’Ulysse. Cependant, sa propre odyssée ne sera pas de tout repos. Sous l’œil des dieux olympiens, il va errer longtemps en Méditerranée, affrontant Amazones, Gorgones et Telchines, dans un périple qui l’emmènera jusqu’aux Enfers.
Un subtil et savant mélange d’action et de merveilleux, de réflexion et d’émotion, d’humain et de divin… le tout conté avec un souffle épique.

Nous chantons le héros qui ébranla naguère
les forces enfouies de l’immense univers.
Déesse, montre-nous l’étoile malheureuse
de Niréus, venu de Symé la Rocheuse.

Comme de coutume, Fabien Clavel revient à des productions pour le public adulte après d’autres livres davantage jeunesse. Il s’agit de La Niréide, parue chez Mnémos en mars 2022.

L’Odyssée de Niréus

Avec la Niréide, Fabien Clavel élabore une autre Odyssée, certes moins célèbre que celle d’Ulysse, mais tout aussi captivante : présent une unique fois dans l’Iliade d’Homère, Niréus est un tout jeune Achéen très attaché à sa beauté, mais confronté aux horreurs de la fin de la guerre de Troie, à la balafre qui altère son visage et à la méfiance de ses propres soldats, il repart très amer d’Ilion, la capitale troyenne. C’est là le début d’un très long voyage à travers le monde méditerranéen dans sa quête pour retrouver sa patrie, l’île de Symé d’où il est parti prince, mais où il sera compliqué de retrouver ses espoirs déçus. En trois actes, Fabien Clavel lui fait vivre un « nostos » (un retour au bercail tel Ulysse vers Ithaque), puis un « periplous » (un périple maritime à travers la Méditerranée), et enfin une « catabasis » (une descente aux Enfers comme Énée avant lui dans l’Énéide).

Conte mythologique ambitieux

Au départ, il s’agit de romans jeunesse que Fabien Clavel a reformatés pour en faire le premier opus d’une trilogie orientée sur les trois gestes fondamentales à l’Occident franc : ce roman gréco-romain sera suivi d’un autre sur le récit arthurien et d’un dernier sur la mythologie carolingienne. Toutefois, le ton est largement adulte ici, le destin de Niréus est particulièrement tragique, quand bien même il réussit souvent à triompher de nombreuses quêtes et missions qui lui sont imposées. Ainsi, opposé à tout le bestiaire connu et méconnu de la mythologie grecque, le héros se doit de cerner comme il convient son environnement s’il veut survivre, d’autant que ses pérégrinations lui font croiser des acolytes et antagonistes dont les rôles s’inversent de temps à autre, entre haine et amour, amitiés et trahisons. Le final comme certaines scènes d’action peuvent paraître expéditives, mais l’auteur tente avant tout d’écrire cette odyssée « à la façon de » ; c’est d’ailleurs toujours intéressant de voir cet auteur se fondre à chaque nouveau roman dans des genres différents afin de coller à une époque, à un style ou à une forme d’écriture particulière. Ici, il s’agit de flirter entre l’épopée achéenne, la tragédie théâtrale et les poèmes homériques classiques, avec forcément des passages qui pourraient être issus de l’Énéide de Virgile, de l’Iliade d’Homère ou de la Théogonie d’Hésiode (l’auteur n’est pas professeur de lettres pour rien non plus). Cependant, on peut remarquer une marotte de l’auteur : le romantisme désuet de son héros.

Un pendant aux Seigneurs de l’Olympe

Au fur et à mesure de toutes ses aventures, Niréus semble être le jouet indécis de puissances supérieures : les divinités grecques sont bien évidemment de la partie. De Zeus à Athéna, accompagnés d’Arès, Hercule, Hébé et autres Poséidon, ils interagissent autour du héros Niréus afin de tirer profit de son destin. À l’image de ce héros tiré de L’Iliade mais dont l’histoire est complètement inventée dans ce roman, Fabien Clavel jette son dévolu narratif sur les Telchines, créatures de l’inframonde ayant des aptitudes magiques et techniques, afin d’en faire un ressort scénaristique puissant dans cette intrigue au long cours, et jusqu’à la révélation du rôle final du héros, qui peut se deviner par des allusions à certaines créatures et par la construction de la belle couverture d’Eleonor Piteira. Dans cette façon de tourner la mythologie grecque afin d’y trouver de nouveaux sens, on ne peut que penser aux Seigneurs de l’Olympe de Javier Negrete : là aussi, les dieux ne sont finalement que des humains augmentés, travaillés par leurs turpitudes sentimentales et métaphysiques. Avec le même esprit que l’auteur espagnol, Fabien Clavel joue de tout ce qu’il connaît par cœur dans cette mythologie : des relations amoureuses entre divinités aux jeux linguistiques possibles sur certaines étymologies hellènes, en passant par des allusions multiples et constantes à des références historiques et littéraires. Terminons, nous, avec une allusion plus contemporaine à des créatures rencontrées dans le roman…

La Niréide est donc un très bon roman mythologique, qui utilise tous les codes du genre au profit d’un récit original et comportant son lot d’aventures, de péripéties et de surprises.

Autres critiques :

Kaamelotien de souche et apprenti médiéviste, tentant de naviguer entre bandes dessinées, essais historiques, littératures de l’imaginaire et quelques incursions vers de la littérature plus contemporaine. Membre fondateur du Bibliocosme.

4 commentaires

  • Rouquet

    Certaines sources indiquent que le personnage fut tué lors de la chute de Troie ; d’autres sources le voient partir avec un ami, Thoas. Quelles sont les sources de l’auteur ? Outre Homére !

    • Dionysos

      C’est une bonne question : dans sa postface, l’auteur en dit peu même s’il mentionne qu’il s’est documenté pour savoir s’il était libre de lui inventer un retour.

      • Clavelus

        Bonjour,

        Comme je l’indique dans la postface, ma référence principale a été les « Récits inédits sur la guerre de Troie » aux Belles Lettres. Mais Niréus y apparaît fort peu. Pour le reste, j’ai inventé en pillant les textes classiques.

        Et merci au passage pour cette chronique !

        Fabien

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